[ Inter Chapitre N°7 ]

10 0 0
                                    

[ _ , _ , _ ,
_ _/_ _/_ _,
_ _ H _ _ ]

[ ?????? ???????? ]

Jeff Allen lit avec attention mon contrat, à travers ses lunettes à fine ossature de métal. Ma bouche appuyée contre mes doigts entrecroisés, les coudes reposant sur la table en chêne massif, je souris imperceptiblement. Il se tient assis là, dans son costume trois pièces bleu sombre parfaitement repassé. 

Non, sérieusement, il n'y a pas un seul minuscule pli qui ait subsisté à son majordome. 

Assortis à cette fameuse tenue impeccable, des cheveux gris coiffés en arrière, un appareil auditif invisible, des chaussures brillantes de cirage et un smartphone dernière génération. Cet homme prend grand soin de son apparence, de ce qu'il laisse paraître à l'œil avide des caméras et des ambassadeurs du monde entier. Jeff Allen semble être un homme à ma mesure... mais il doit encore me le prouver ; quoique ce que j'ai vu à la télévision m'a assez plu.

L'ancien président était tout à fait différent. Ce que son apparence reflétait de sa personnalité lui était tout aussi important, mais dans une tout autre mesure. Il était obstiné, culotté, résolu. Il a bien failli remporter les présidentielles, d'ailleurs, en misant tout sur les États les plus peuplés : la Californie, le Texas, la Floride. Mais les grands électeurs passés du côté Allen ont eu raison du vieil homme, traînant trop de polémiques dans son sillage.

Jeff Allen est un peu plus jeune, plus calme et réfléchi. Il écoute également mieux ses conseillers, et est plus prompt aux concessions. Finalement, ce nouveau président s'avère plus simple à manipuler, car il est plus prévisible. L'ancien n'en faisait vraiment qu'à sa tête.

Mon contrat glisse jusqu'à moi, ouvert à la page de la signature qui doit conclure notre alliance.

— Je ne suis pas certain d'être intéressé. Je possède déjà l'une des plus puissantes armées du monde.

Je lui renvoie le contrat en le faisant glisser sur le plat de la table.

— N'ai-je pas déjà fait mes preuves ces dernières semaines en arrêtant tous ces scélérats dotés de capacités inhumaines ? Je connais bien ces créatures, à quel point elles peuvent être gênantes et, surtout, de quelle façon s'en débarrasser.

Monsieur le Président fait à nouveau glisser le document jusqu'à moi.

— Vous comprenez certainement que ce type d'engagement, peu courant et assez peu... « licite », si je puis me permettre, ne me rassure que moyennement. De plus, je m'étonne qu'un homme tel que vous veuille traiter avec un homme tel que moi.

Je renvoie la balle dans son camp. Jeff Allen est un parfait nationaliste.

— Peut-être serait-il temps de mettre de côté ces vieilles rancunes handicapantes ?

Je sais déjà comment le caresser dans le sens du poil :

— Notre collaboration vous assurerait puissance et leadership. Imaginez un peu : dans quelques mois, quelques années tout ou plus, le monde entier comprendra quelle menace représentent les marqués. Lorsque tous les autres pays de cette planète leur auront laissé le bénéfice du doute et s'en retrouveront gangrenés, votre pays sera le seul encore en pleine santé, car il aura pris les choses en main à temps. Un modèle de prévoyance, de clairvoyance même, et de réussite à imiter. Vos armes de pointe seront demandées partout pour contrer la menace marquée, vos matières premières se vendront à prix d'or pour garder à flot les pays que se seront laissés berner.

Je me laisse retomber dans le fond de ma chaise.

— Et la seule chose que je vous demande, en échange de tout ce que je sais à propos des marqués, d'une technologie mettant leurs capacités inhumaines hors d'état de nuire, ainsi que d'une protection renforcée de tous les lieux et personnalités sensibles de votre gouvernement, c'est d'avoir le champ libre pour intervenir en cas de manifestations hostiles, récupérer les marqués arrêtés plutôt que vous ne les envoyiez en prison, et obtenir un coup de main ponctuel en cas de pépin de mon côté.

Le bout des doigts de Jeff Allen tapote le contrat posé devant lui, signe qu'il réfléchit intensément à mes dires.

— Cette proposition vous semble-t-elle équitable ? demandé-je en me penchant en avant, les doigts croisés sur le plan de table.

L'homme qui me fait face persiste à fixer le dossier comme s'il allait lui parler.

— Autrement, un autre chef d'État sera certainement ravi de signer ce contrat, dis-je en me levant. Après tout, entrer dans l'Histoire grâce à son audace n'est pas fait pour tout le...
— Taisez-vous un peu, grogne Allen en gribouillant sa signature au bas de la feuille.

Je souris discrètement. Je récupère mon contrat et sors en assurant à Jeff Allen qu'il a fait le bon choix. Je dévale les escaliers en ajustant ma veste. Alexeï Liamine m'ouvre la portière.

— Comment ça s'est passé ?

Je brandis le contrat.

— L'armée américaine est à moi, souris-je en m'installant dans la berline noire.

TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième typeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant