[ 20 ] Balade, insectes et Sas

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[ Île des Az'Driss, Triangle des Bermudes,
25 Avril 20**
04H42, heure locale ]

[ Taima ]

Je déglutis difficilement en reconnaissant cette haute silhouette androgyne couverte d'écailles sombres.

— En personne. Je peux savoir ce que tu fabriques ?
— Euh... Je me promène ?

Pourquoi ma réponse ressemble plus à une question qu'à une affirmation ? Kih'Daï n'est pas dupe.

— Tu te baladais, hein ? Tu ressembles plus à une fuyarde, à te cacher à l'ombre des cases.
— « Cases » ?
— Nos maisons, explique Kih'Daï d'un ton évident en pointant un coquillage géant percé de fenêtres et de portes éclairées.
— Oh ? Bien sûr...

Je me sens bête de ne pas avoir immédiatement fait le rapprochement avec le terme désignant une habitation.

— Je ne faisais pas la fugitive. Je voulais juste être discrète et ne pas être dérangée...
— Ça fait quelques jours que tu ne veux pas être dérangée, dis-moi.

Piquée au vif.

— Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Vous faire ? m'emporté-je en chassant l'air de ma main.
— Calme-toi... demande Kih'Daï en roulant des yeux.

Sa voix frustrante de calme. L'Az se rapproche de moi pour poser sa grande main griffue sur mon épaule. Je dois lever le nez comme si je voulais me déboîter les vertèbres. Je ne suis pas petite, mais face au port altier de Kih'Daï, je me demande si n'importe qui ne se sentirait pas comme un enfant. Tout dans sa façon d'être, de s'exprimer, dans son attitude et même sa façon de s'habiller témoigne d'une force vive qui peut se manifester à tout moment. Il est comme une panthère que l'on croirait tout juste éveillée, perchée sur sa branche, un œil ouvert sur ce qui l'entoure.

— Si tu restes enfermée dans tes appartements depuis des jours, c'est parce qu'Azaz t'a parlé et que tu es perturbée. Mais tu dois comprendre que vous êtes exceptionnellement importants à nos yeux. Nos lois ont été réécrites à l'avance pour vous protéger. Nous nous inquiétons réellement pour toi.

Ils m'énervent à faire les gentils. Tous. J'ignore son aura ascendante et me dégage de sa prise en secouant sèchement l'épaule.

— Et où étiez-vous lorsque notre institut, plein de marqués, s'est fait attaquer ? Hein ?

La douleur fige un instant les traits de l'extraterrestre, comme si mes propos l'avaient à son tour piqué au vif. Est-ce que Kih'Daï aurait, comme Azaz, rencontré un marqué ou une marquée à qui il serait arrivé malheur ? Peut-être même au sein de l'institut ? Non, ils sont trop jeunes pour la plupart. Les chances sont trop ténues. Je m'emballe sûrement en hypothèses.

— De tout façon, où est-ce que je pourrais aller ? demandé-je en balayant l'horizon de la main.
— Je ne sais pas, mais tu as de la ressource. Tu pourrais nous surprendre...
— Je n'avais pas pour projet de faire échouer cette île, si... ça peut te... rassurer.

Ma voix ralentit et diminue au fil de ma phrase. Où est encore passé mon aplomb habituel ? Il a certainement été écrasé par la haute taille et le charisme de l'Az face à moi. La bouche de Kih'Daï se tord de côté et il croise les bras.

— C'est très rassurant, ça.

Machinalement, prise sur le fait, je bascule de la pointe des pieds aux talons en croisant les bras sur ma poitrine, gênée par la cape qui est retombée sur mes épaules. Cette discussion ne mène à rien.

— Je vais y aller.

Je salue Kih'Daï, tourne les talons et remonte l'allée, me demandant déjà comment contourner l'extraterrestre pour revenir à la plage sans être aperçue par qui que ce soit, finalement remotivée à dégoter une solution pour retrouver mes sœurs. Je suis certaine que je peux trouver comment partir de cette île et rejoindre le continent. Il doit bien y avoir des canaux de sauvetage ou un dispositif de sûreté dans le genre, nan ? Après tout, ces îles sont manœuvrées, un peu comme de gigantesques bâteaux. Et un bâteau, ça peut couler...

TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième typeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant