TRINITY - Tome 1 : Les humains viennent des étoiles. Et nous ?

[ 23 ] Motos, sortie en ville et bibliothèque

― Hallelujah ! m'exclamé-je en m'avançant vers elle.

Je la retrouve même avec mes gants fourrés dans mon casque. Je me tourne vers Arsène qui, entre-temps, s'est adossé à un pilier.

― Merci de m'avoir montré le parking souterrain, dis-je en enfilant mes gants.
― De rien. La mienne est juste là, me précise-t-il en pointant du menton celle qui est garée près de moi.

C'est la moto qu'il chevauchait l'autre nuit, un beau véhicule, plus fin et élancé que le mien. La carrosserie, d'un noir mat, laisse largement voir les rouages du moteur et des suspensions.

― Belle bête, complimenté-je en enfourchant la mienne.
― Je sais. Tu vas où ? demande-t-il en passant du coq à l'âne.
― T'es décidément bien curieux, hein ?
― En même temps, vous êtes bien mystérieuses, note-il en croisant ses bras musclés sur sa poitrine.
― Nous avons vécu à l'écart des gens normaux pendant six ans, évidemment que nous sommes « mystérieuses ».

Je m'apprête à passer mon casque sur la tête lorsqu'il revient à la charge :

― Mais en vrai, tu vas faire quoi ?

Je suspend mon geste, mécontente que mes plans visant à filer à l'anglaise direction Toronto Center soient mis à mal alors que, en plus, on me demande des comptes.

― Je vais en ville, j'ai des courses à faire.
― J'peux venir avec toi ?

Je le regarde avec une grimace médusée.

― Attends. Tu veux sérieusement passer en magasin avec moi ?
― Ouais, assume-t-il. Je me demande à quoi ressemblent les courses de Trinity, explique Arsène avec un sourire goguenard.

Sourcils arqués, je le jauge de haut en bas, septique. Finalement, la perspective de le taquiner à son tour me semble alléchante.

― Tu sais quoi ? demandé-je en passant enfin mon casque sur mes cheveux. Si tu veux tellement savoir où je vais et ce que je vais faire, essaie de me suivre ! ris-je en appuyant avec force sur la pédale.

Je fais vrombir le moteur avant de m'élancer vers la large porte de garage grande ouverte. Je dérape, pied au sol, contourne la haute bâtisse de pierre afin de rejoindre la route bitumée qui traverse l'île. J'ai dû laisser en plan ce pauvre Arsène avec une tête dépitée et vexée. Un vrombissement remonte jusqu'à moi. Le brun réapparaît, un large sourire fier au visage, ses yeux rouges malicieux et ses cheveux au vent. Je relève la visière de mon casque.

― Monsieur n'a pas pris la peine de mettre son casque et ses gants ?

Nous passons l'enceinte du haut mur de brique rouge qui entoure le château et son parc.

― Pas besoin ! J'ai un corps plus dense que la moyenne ! rit-il innocemment.
― Tu as toujours la même excuse ! Un jour, il faudra que tu me montres à quel point ton corps est résistant ! crié-je pour me faire entendre malgré mon casque et le vent qui hurle à nos oreilles.
― J'te montre de quoi mon corps est capable quand tu veux ! s'exclame-t-il.

Je quitte un instant la route du regard pour voir une lueur sacripante et un tantinet tendancieuse briller dans ses yeux couleur de sang. J'ai bien compris qu'il avait une grande confiance en soi –  en même temps, il a de quoi – et qu'il aime taquiner son entourage, s'amuser. Du peu que j'ai pu observer jusqu'ici, il ne se prend pas trop au sérieux. Sur ce point là, nous nous ressemblons assez je crois. Au lieu de répliquer, je préfère accélérer encore tandis que nous empruntons le long pont menant à la ville de Toronto. Sans surprise, il me suit, sans difficulté.

― Est-ce que ton corps est aussi résistant que le mien pour te permettre de rouler si vite ? Je pourrais pas te sauver d'un accident, hein ? me lance-t-il avec ce qui ressemblerait presque à de l'inquiétude dans la voix.
― Au lieu de chercher à te comporter comme un prince charmant dont je n'ai pas besoin, essaie de suivre le rythme ! m'exclamé-je en accélérant toujours plus.