[ Prologue ] Comme des poupées russes 1/3

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[ Orphelinat Vancouvérois,
2013,
23H33]

I. Bellatrix SCARLET

Les pensionnaires de cet orphelinat vancouvérois se sont toujours targué, à défaut d'avoir une famille, d'être parfaitement normaux et prêts à l'emploi. Pardon, prêts à l'adoption. Vous m'en voyez ravie. Sincèrement. Mais ce n'est pas mon cas. Je n'ai rien de commun avec eux, Dieu m'en garde. Le divertissement favori des orphelins est comme eux, poncif, en plus d'être vieux comme le monde : harceler la bête faible et seule que je suis à leurs yeux. Ils et elles me font mal. Encore. Ils et elles aiment me tirer les cheveux, me bousculer contre les murs, les casiers, me griffer, m'étrangler, m'insulter. Ils et elles se délectent de mes grimaces, des couinements s'échappant de ma gorge, de ma peau qui rougit sous leurs coups.

― Pute !
― Connasse !

Voilà le type de doux mots qui me sont habituellement adressés.

― Tire plus fort ses cheveux !
― Oh ! Elle crie. Elle a mal, la pauvre...

Je ne veux pas qu'ils en entendent plus. Mon visage reste impassible. Les élèves sont si méchants. Tout ça parce que je ne suis pas comme eux, mais comme moi. Et rien ne me ressemble. Ou du moins, je n'ai encore jamais rien rencontré qui me ressemble. Pourtant, si l'on en croit la logique, je possède des semblables, n'est-ce pas ?

Ils pensent tous avoir le dessus sur moi, physiquement parlant du moins, puisque je suis petite. Ils tirent mes cheveux car ils n'en aiment pas la couleur. Ils se moquent de mes particularités physiques : mes yeux sont comme la boue, mes cheveux comme du vieux sang séché, ma peau translucide comme celle d'un cadavre, mes traits anguleux et pointus comme ceux d'un démon et mon corps fait de courbes au combien charmantes me sert à manipuler les autres. Ce dernier point n'a pas de logique avec les précédents en plus. Je le leur signale de temps à autres, mais le fait de pointer du doigt leur stupidité a tendance à les irriter, étonnement.

― Prends ses affaires et jette-les !

Un garçon m'arrache mon sac à dos noir des mains, l'ouvre, vide son contenu par terre et le jette plus loin.

La vérité c'est que je suis trop forte pour eux, trop différente. Ils ont peur de moi. Voilà la véritable raison de leur rejet. Je suis certes petite, mais mes formes sont très bien là où elles sont, ma taille est creusée, mes yeux retroussés oscillent entre le brun et le gris foncé, mes cheveux sont d'un auburn aux reflets magenta sombre, mon visage en losange possède véritablement des traits anguleux avec un petit nez pointu, des pommettes saillantes et des sourcils droits et fins, ma peau est pâle et froide comme la neige, sans couleur pour lui donner vie. Mais lorsque je m'observe dans le miroir, je n'y vois pas une créature laide.

Quant à ma personnalité, ils me disent menteuse, fausse, froide, manipulatrice. La vérité cette fois-ci... c'est qu'ils ont raison, pour une fois dans leur vie. Je suis prête à être tout ça et pire encore si c'est pour survivre.

― On se demande pourquoi t'es seule, hein ?
― Sorcière !

Mes mâchoires s'entrechoquent.

― Je ne suis pas une sorcière... murmuré-je même si je sais que mes mots sont inaudibles. Je suis une flèche écarlate qui vise toujours droit au but...

Un adolescent agrippe ma longue chevelure pour que je le regarde en face. Je grimace, certaine que lorsqu'il me lâchera, des cheveux resteront coincés entre ses doigts. Je lui offre mon regard le plus sombre.

Soyez prêts.

J'attrape le bras du garçon qui me tient, le tords violemment. Il crie. Ils et elles crient. L'un de douleur, les autres de surprise. J'approche mon visage du sien, un rictus sévère aux lèvres.

― Quelles sont tes peurs, mon jeune ennemi... ?

Tout le monde possède ses propres peurs, et je vais faire ressortir les leurs, les utiliser et les leur montrer bien en face.

Un voile écarlate tombe. L'espace autour des nous se tord, se brouille et s'assombrit une fraction de seconde avant qu'un déluge cauchemardesque ne s'abatte tout autour de nous, ne m'atteignant point. L'un a peur des serpents, l'autre est claustrophobe, l'une croit suffoquer, un troisième est plongé dans le noir tandis que son amie ne peut pas croire que le reflet qu'elle observe dans un miroir imaginaire est le sien.

Pfff... quel ennui. Même leurs peurs sont banales.

Je m'approche du garçon qui me tenait tout à l'heure. Il pleure et a le souffle court. Je fais disparaître son cauchemar. À la place, mon esprit vient se ficher dans le sien. Ses pupilles sont éclatées.

Je conçois mon pouvoir comme une flèche rougeoyante. Infinie, je la tire pour attendre la psyché d'une autre personne. Une fois la connexion établie, de gré ou de force ― mais plus souvent de force ― j'en fais ce que je veux. C'est moi qui ai le contrôle.

― Alors... qu'est-ce que je suis ?
― Une... flèche écarlate, répond-il d'une voix monocorde.
― Bien... Maintenant, puisque tu as fait tomber toutes mes affaires tout à l'heure, tu vas aller me les rassembler, n'est-ce pas ?
― Oui...

Il s'exécute en titubant, tel un zombie, et me rend mon paquetage en mains « propres ».

― C'est gentil mon joli, dis-je en lui prenant le menton entre deux doigts alors que mon emprise s'étend aux autres élèves. Maintenant, puisque je suis d'humeur généreuse, toi et les autres allez pouvoir faire de beaux rêves et oublier tout ce qu'il vient de se passer, promets-je en lui faisant un baiser sur la joue. Hein ?

Avec un sourire caustique, je lâche son menton. Ils s'effondrent tous au sol, ayant sombré dans un profond sommeil. Avec la sensation du travail bien fait, je tourne les talons vers la sortie. Aujourd'hui, j'ai dix-huit ans, et je me tire de ce merdique orphelinat de dingues.




[ NDA ]

Voilà la première phase du prologue. Comme vous avez pu le devinez au "titre", il est découpé en trois sous parties. Je sais que ce n'est pas très conventionnel (pas du tout même) mais, èh ! c'est de l'art comme dirait l'autre ! Nous ne sommes pas là pour suivre aveuglément les règles.
Sur mon Google doc, tout est évidemment mis en un seul et même prologue, mais je pense que ce sera beaucoup plus agréable à lire sur cette plateforme une fois séparé en trois.

Pour la suite, je vous souhaite une agréable lecture.
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TRINITY - Tome 1 : Les humains viennent des étoiles. Et nous ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant