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Cela faisait neuf cent cinquante jours que cette mascarade durait.  Si ce n'était pas neuf cent cinquante et un, il n'en était plus sûr depuis que ce stupide rouquin avait entrainé dans sa pathétique noyade son carnet de bord. Quand il s'était décidé à aller les repêcher dans le lac, le gars était définitivement mort et son carnet illisible. Et pour couronner le tout, il avait attrapé un rhume. Ça avait été une sacrée mauvaise journée. A bien y réfléchir, c'était à partir de ce jour-là que les événements c'étaient enchainés, de mal en pis. On avait essayé de l'empoisonner, de lui tirer des balles, de le poignarder et son préféré, le bruler. Avec du recul, il aurait dû se douter que ce malade de Leonard avait des tendances pyromanes. C'est ce qui devait expliquer cette absence intrigante de cadavres derrière lui. Quoiqu'il en soit, il était ressorti de cette expérience muri et grandi. En tout cas, c'est ce qu'il aimait à penser. Parce que la vérité était qu'il en était ressorti légèrement brulé sur son mollet droit – qui essayait de bruler quelqu'un en pleine pluie sérieusement ?- , un trou dans l'épaule gauche, plusieurs entailles qui formaient une étrange œuvre sur son corps et de nombreuses menaces de mort. Et ça n'avait même pas fait partie de son top 5 des situations les plus dangereuses qu'il avait vécu. Du top 10, peut-être, sans aucun doute, mais définitivement pas du top 5.

- J'ai soif. J'ai faim. J'suis fatigué. J'crois que je suis en train de dépérir. Gémit piteusement le blond en trainant des pieds. Mon âme se mœurs. Emile ! Est-ce que tu m'écoutes au moins ?
- Pas depuis les 10 derniers kilomètres. 
- Je peux plus continuer. J'ai une crise de goutte.
- Tu n'as pas de crise de goutte.
- Des œdèmes dans ce cas !
- Tu as juste mal aux pieds, crétin.
- Et qu'est-ce que tu en sais ? Il me semble que c'est moi l'infirmier.
- Peux-tu la fermer deux minutes ? S'il te plait. Emile était prêt à supplier pour quelques instants de silence.
- Tu sais bien que non. Souffla-t-il en regardant les alentours. On ne sait même pas où l'on va !
- On s'éloigne des gens qui veulent nous tuer Nolan ! S'énerva Emile en se retournant d'un coup sec, se cognant contre le corps du plus petit dans l'action.
- Ok ok, t'énerves pas ! Que tu es susceptible. Je dis juste qu'il va bientôt faire nuit et qu'on devrait trouver un endroit où dormir. J'suis crevé mec. Mira aussi te le dirai, si seulement elle ne nous ignorait pas. Emile jeta un coup d'œil à la seule femme du groupe qui hocha simplement la tête, son visage montrant tout le mépris et le dédain qu'elle ressentait vis-à-vis d'eux. Emile céda, acceptant de poser bagages pour la nuit dans cette petite foret dans il ne savait quel coin du pays. Il fallait absolument qu'ils trouvent une carte et une boussole, histoire d'arrêter de marcher à l'aveuglette comme des guignols.
- J'ai l'impression qu'il y a une petite ville pas très loin, nous pourrons aller nous réapprovisionner. Proposa Emile en regardant les quatre cuillères de macédoine en conserve qu'il avait pour le diner. Il ne leur restait plus qu'une conserve de petits pois et la moitié d'une petite bouteille d'eau comme réserve. La recherche de d'eau et de nourriture était leur priorité.
- Si je ferme les yeux, je peux imaginer que le navet c'est des morceaux d'entrecôte.
- Si je ferme les yeux, je peux imaginer que vous n'êtes pas aussi stupide. Rétorqua la jeune femme, envoyant un regard vicieux à Nolan. Mira était du genre passive/agressive, quoique plus agressive que passive. Elle restait une énigme absolue pour Emile qui était partagé entre la peur profonde qu'elle l'étouffe pendant son sommeil et le curieux attachement qu'il ressentait à son égard. Malgré la crainte qu'elle inspirait à ses deux camarades, ils avaient confiance en elle. De un parce qu'elle avait risqué sa vie en fuyant avec eux, et de deux parce qu'elle ne les avait toujours pas tué. C'était une raison suffisante dans ce nouveau monde tangible ou le terme de confiance avait pris un tout nouveau sens. Les choses avaient changé de façon brutale et fulgurante. Cinq septièmes de la population mondiale avait disparue en l'espace de même pas six mois et depuis moins de trois ans, les sains, comme on les appelait, tentaient tant bien que mal de survivre dans ce chaos. Il n'y avait plus de gouvernement, de système, ni la moindre organisation. Qui aurait cru que toutes ces séries de science-fiction sur la fin du monde apocalyptique allait s'avérer réel ? Pas Emile en tout cas.
Il n'aurait pas cru non plus devoir dormir a même le sol, le corps à moitié frigorifié, le ventre presque vide, et en état de semi-déshydratation. Mais les choses étant ce qu'elles sont, il se retrouvait avec un abruti naïf et une femme revêche à lutter tous les jours pour survivre quelques heures de plus.

Casus belli, cas de guerreWhere stories live. Discover now