15. Bataille

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   À peine les épées furent-elles plantées dans le sol dur, que les gardes accoururent, créant un terrible vacarme sur le pont au-dessus de nous. Ne me préoccupant pas des coups sourds, portés contre les panneaux de bois dans le but de les enfoncer, je me précipitais dans la petite cabine qui contenait les épées et les sabres.

  J'entendais Blake hurler de rage, en même temps qu'il défonçait la porte à grands coups de lame. S'il suivait le plan, il allait libérer les prisonniers, leur donner les armes qu'il avait réussi à amener, puis j'interviendrai. Je devais apporter le reste des sabres et des épées jusque devant le panneau de bois derrière lequel ils étaient enfermés. Ils se serviraient et la bataille pourrait alors commencer.

  Je réprimais un frisson d'horreur à l'idée de devoir, moi aussi, blesser et peut-être même tuer pour m'en sortir. Je chassais vite cette idée de mon esprit. C'était moi ou les gardes, et en l'occurrence, je ne souhaitais pas voir ma vie se terminer si vite.

  Je revins bien vite à la réalité lorsque j'entendis les cris de l'équipage libéré. Je leur apportais sans attendre de quoi se défendre, ne me souciant pas des lames tranchantes qui me tailladaient les bras à chaque voyage que j'effectuais.

  Bientôt, nous fûmes tous plus ou moins prêts au combat. Blake et son père ordonnèrent de former un cercle au milieu du couloir étroit. Suivant ses ordres, nous nous mîmes tous dos à dos, portant nos épées à bout de bras.

  Je me retrouvais au centre de cette ronde étrange. À ma droite se trouvait Abao, dont les yeux scintillaient d'une lueur nouvelle. Il avait l'air calme, presque serein, à quelques minutes à peine de la bataille.

  Lorsque les portes cédèrent sous les coups des soldats, je devinais vite pourquoi on m'avait placé en plein milieu de ces hommes. Ils formaient un rempart de protection humain contre la rage meurtrière de nos ennemis.

  Terrifiée, je regardais tous ces gens, lame contre lame, se battre pour leur vie dans une frénésie terrible. Des cris de douleur comme de fureur, résonnaient entre les murs étroits du couloir. Du sang commençait à rendre glissant le bois du sol et des hommes affalés sur le parquet, donnaient l'impression d'être des poupées de chiffon malmenées par une tempête humaine.

  Malheureusement, les hommes d'équipage du Nix commençaient à se fatiguer dans l'ardeur des combats. Je fus bientôt assailli par un soldat en uniforme qui me jetaient des coups d'œil meurtriers tout en me dardant de la pointe de son sabre.

  Terrifiée, je perdis toute ma raison et mon corps ne fut guidé bientôt plus que par la peur. Le sabre, léger et maniable, devint vite une extension de ma main. Sans presque me rendre compte de l'exploit que j'étais en train de réaliser, je sautillais de droite à gauche, épuisant mon adversaire. Par un habile saut sur la droite, je me retrouvais derrière lui et je pu ainsi lui asséner un terrible coup sur la nuque. Il s'écroula, assommé. J'avais préféré me servir de la garde de mon arme plutôt que de le blesser plus gravement avec la lame affûtée.

  Je vis ensuite un groupe d'hommes qui s'attaquaient à Abao, seul à résister contre six adversaires. Comme dans un état second, je m'approchais d'eux par derrière et leur fis subir le même traitement qu'au premier soldat.

  Bientôt, je fus la seule à me battre contre les derniers hommes restants. Je leur assénais ce même coup sur la nuque, les faisant tomber comme des mouches.

  Je ne réalisais de la situation que lorsque je pris conscience que nous n'avions plus d'adversaires. Tous les membres de l'équipage du Nix qui étaient encore en vie me regardaient. Dans leur yeux brillaient une once de peur mais aussi beaucoup de fierté et d'admiration. Même ceux qui étaient blessée, affalés par terre et aux portes de l'inconscience, semblaient être subjugués par... moi?

  Je lâchais mon arme qui rebondit sur le sol souillé de sang avant de s'immobiliser dans un dernier bruit sourd.

  Je fis un tour sur moi-même, comme pour prendre réellement conscience de la situation. Je commençais enfin à me rendre compte... Ce que j'avais fait était impossible pour une jeune fille qui ne s'était jamais battue de toute sa vie.

  Brutalement, je sentis mes forces me quitter et me je me laissais emporter par l'inconscience qui me tendait les bras.

La révolution des médusesWhere stories live. Discover now