→ 𝐒𝐜𝐨𝐫𝐩𝐢𝐮𝐬 𝐌𝐚𝐥𝐞𝐟𝐨𝐲 - Bʀᴏᴋᴇɴ ʜᴇᴀʀᴛ

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« Chère maman,

J'aurais pu t'écrire une belle lettre, bien présentée, très poétique, vantant tes louanges. Oui, je suis sûr que c'est ce qu'on attendait de moi. Je suis sûr qu'on voulait que je monte sur la pitoyable estrade posée sur la pelouse trop verte, que je clame à quel point tu étais merveilleuse. C'est ce que papa attend de moi, alors, je le ferai. Mais avant d'être celui qu'on veut que je sois, je vais être moi-même pour une fois. Maman, retiens cette lettre, grave ces mots en toi. Ils sont sincères.

J'ai cherché la meilleure des façons de te partager tout ce que j'ai sur le cœur, et j'en ai fait une liste : poème, lettre, humour, discours... avant de me rendre compte qu'il n'y avait qu'une bonne technique pour me sentir libre : être sincère. C'est pourquoi, même si cette lettre est quelque peu décousue – et j'espère que tu ne m'en voudras pas –, la seule chose que tu dois en retenir est qu'elle n'est que le reflet de mes sentiments vis-à-vis de ta mort.

Je savais que tu n'allais pas bien, que tu étais victime d'une malédiction. Mais tu étais ma mère. J'ai longtemps cru que la mort n'était qu'un lointain cauchemar, quelque chose qui n'arrive qu'aux autres. Tu riais, tu continuais à vivre. J'ai alors oublié cette malédiction, je n'ai même pas songé un seul instant que ça pouvait empirer. Jusqu'à ce que le médicomage qui te rendait visite chaque semaine ne déclare que tu devais être transférée d'urgence à St-mangouste. Là, je crois que je suis tombé de haut. Quelques jours plus tard, papa et moi avons appris que l'hôpital avait pris la décision de te placer en soins intensifs. J'ai eu très peur – l'hôpital ne me plaisait guère. Ce bâtiment est glauque. Clos. On y fait quelques tours simples pour le rendre chaleureux, mais ça ne fait qu'étouffer les malades dans une illusion chimérique d'une joie minime. Les soignants paraissent épuisés mais continuaient quand même à travailler, et les étagères sont remplies de potions aux noms plus étranges et barbares les unes que les autres. Je hais l'hôpital. Et je l'ai encore plus haï lorsque j'ai appris ta mort.

Nous étions en plein été deux-mille-dix-neuf. J'étais dans ma chambre, en train de penser à Albus, quand j'ai entendu un sanglot. Je suis descendu, et j'ai trouvé papa assis contre la porte d'entrée, la tête dans les mains. Je l'ai enlacé, lui demandant ce qu'il se passait. Il a alors pris mes mains, et, les yeux injectés de sang et de larmes, m'a murmuré que tu étais morte. Il a, par la suite, continué à me parler, mais je n'ai rien entendu. Je n'entendais plus rien. Je ne pleurais pas, je ne savais même pas si j'en avais la force. Quand papa m'a pris dans ses bras, je suis revenu à la réalité, et je l'ai vivement repoussé. Je lui ai crié que ce n'était pas vrai, qu'il me mentait. J'ai alors vu de la peur dans ses iris. Il me fixait avec des yeux ronds, sa mâchoire tremblait, il semblait n'être plus qu'une enveloppe corporelle sans âme. Alors, j'ai compris. Tu étais morte, tu ne reviendrais jamais. En une fraction de seconde, ma vie a complètement basculé, elle s'est tout à coup métamorphosée sans que je puisse y faire quelque chose. J'ai éclaté en sanglots. Papa et moi sommes restés de longues heures à pleurer. Aujourd'hui, je suppose que je n'ai toujours pas fini mon deuil, aussi parlé-je sûrement sans trop savoir de quoi la vérité retourne. Mais pour l'instant, je dois continuer cette lettre.

J'ai vu ton corps, froid, raide, impersonnel, sans regard, sans âme. Tu n'étais plus ma mère, tu n'étais plus Astoria Malefoy, non. Tu n'étais plus qu'un corps. Je ne frissonne rien qu'en y repensant. Alors, je me suis mis en colère. Pourquoi toi ? Pourquoi moi ? Je ne comprenais pas. L'équipe médicale de St-Mangouste était composée de sorcier doués et hautement qualifiés ! N'étaient-ils donc pas foutus de te garder en vie ? De te soigner ? Eh bien, visiblement, non. Pour éviter de me mettre à casser tous les objets qui me tombaient sous la main, je me suis enfermé dans ma chambre. J'ai frappé un mur, avant de me rendre compte que me faire mal à la main n'arrangerait pas les choses. Je suis alors sorti de la pièce et ai emprunté les manuels scolaires de papa. Je me suis entraîné à des sortilèges plus complexes les uns que les autres, afin de me fatiguer et d'oublier. Ma rage a fini par s'en aller. J'ai rendu ses affaires à papa et suis sorti de ma chambre après deux semaines quasiment enfermé.

Papa n'était plus qu'une loque. Ta mort l'avait vraiment attristé, tu sais. Il t'aimait vraiment.

J'ai fini par être triste. Tu me manquais. Je n'avais même pas eu le temps de te dire combien je t'aimais. En cet instant, j'aurais tout donné pour pouvoir te serrer dans mes bras encore une fois... juste une...

Voilà, ce que je voudrais te dire. N'écoute pas la pitoyable lettre impersonnelle que je lirai pendant ton enterrement comme un parfait petit enfant obéissant et malheureux.

Maman, je t'aime. Je te laisse, maintenant. Où que tu sois, je ne te souhaite que du bonheur.


Ton fils, Scorpius Malefoy. »

𝐑𝐞𝐜𝐮𝐞𝐢𝐥 𝐝'𝐎𝐒 | Hᴀʀʀʏ PᴏᴛᴛᴇʀWhere stories live. Discover now