Chapitre 44 - page 1

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Noräthgadën, dernier jour de l'an 1211, début de la soirée.

Ce soir-là, fête battait son plein dans la fière cité, illuminée de mille feux par des centaines de lampions rouges accrochés aux lampadaires et fenêtres, pour mieux éclairer les rues et sa foule bruyante, qui était toujours plus dense où que l'on aille.

Que ce soit sur les places, dans les parcs, sur les esplanades et bien sûr dans les tavernes, la ville était véritablement bondée, si bien qu'on aurait pu parier, sans crainte, qu'aucun citoyen n'avait manqué l'occasion de venir fêter la nouvelle année dans la rue, avec les autres.

Les gens chantaient, dansaient, buvaient, mangeaient et riaient, dans une ambiance merveilleuse fleurant la joie et la bonne humeur.

Pendant que les petites gens se déployaient dans la cité, les nobles, ceux ayant la chance de posséder un billet d'invitation, entraient dans le palais, somptueusement décoré pour cet événement tant attendu qu'était la fête des masques rouges, l'autre célébration marquant le solstice d'hiver et la nouvelle année.

Mais, les nobles n'étaient pas en reste, car, ici aussi, dans le palais, il y avait nombre d'explosions joviales, portées par la musique, les danses et les nombreux autres divertissements offerts aux invités.

Toutes et tous s'en donnaient à cœur joie, s'amusaient et riaient, excepté la Marquise Rivoal.

Cela s'était à peine remarqué, car, au début de la soirée, la noble dame avait dépensé du temps et de l'énergie à paraître ravie dès qu'elle rencontrait quelqu'un, tantôt ses amis proches, tantôt d'autres invités de marque, venus la saluer.

Puis, après que tout le monde fut finalement réuni dans la cour du palais, elle avait fait son petit discours d'ouverture et déclaré, comme à l'accoutumée, le début de la fête des masques rouges, dans un merveilleux sourire, pendant que les feux d'artifice s'embrasaient depuis les tours du palais et enflammaient le ciel de traits lumineux scintillants de rouge.

Ce n'est qu'après que les musiciens se soient remis à jouer, que les jongleurs et les acrobates reprirent leur spectacle, que les convives retournèrent à leurs danses ou discussions, que l'attention soit à nouveau à la fête et non plus sur elle, que son visage se referma peu à peu, alors que de sombres pensées revenaient l'assaillir.

Heureusement pour elle, son masque rouge l'aidait bien à maintenir les apparences, car il cachait parfaitement les traits de son visage. Et pour son sourire angélique, qu'elle n'arrivait plus à tenir, elle dissimula simplement sa bouche derrière un bel éventail en dentelle rouge.

Ces quelques minutes de relâchement lui firent du bien. Maintenant, elle serait capable de tenir la comédie un peu plus longtemps.

Bien décidée à combattre la morosité, elle tenta d'abord de se divertir, en discutant avec les gens de sa cour, qu'elle s'amusait à reconnaître sous leurs masques.

Mais, elle réalisa rapidement que c'était pire encore, car en les voyant, elle repensait au soir où le Comte Lanadrac leur avait rapporté la nouvelle, à propos des traîtres que l'on avait arrêtés, puis pendus, les jours qui suivirent.

Cela datait de plusieurs semaines maintenant et, a priori, Madeline n'avait plus rien à craindre, pourtant, un doute lui restait, une peur viscérale...

De toute évidence, ce soir, les mondanités habituelles ne suffiraient pas à lui adoucir le cœur, si bien qu'elle préféra s'éclipser de ces conversations dépourvues d'intérêt et demeura seule pendant un long moment.

Faute d'une compagnie, peut-être que l'alcool suffirait à la distraire et comme de toute façon elle avait envie d'un verre, ne serait-ce que pour tenter de noyer son anxiété, elle s'approcha d'une table, plutôt déserte pour éviter de s'embarquer dans une nouvelle conversation futile.

Un reflet dans la lame 🏆 (Roman)Where stories live. Discover now