• 14 ans plus tard •
-Noémie! Noémie on est là!
A l'entente de son prénom la jeune femme tourne son visage vers la voix et aperçoit derrière les barrières ses parents et son petit frère.
Elle se met à trottiner vers eux, trainant toujours sa valise derrière elle, et se précipite dans leurs bras.
-Oh maman! Papa!
-Tu nous a tellement manqué ma chérie! Comment vas tu? Ton vol s'est bien passé?
-Oui très bien. Et toi frérot ça va? C'est quoi cette barbe? Et ça y est tu me dépasses?!
-Il fallait bien que ça arrive un jour, c'est moi le patron maintenant.
-Tu seras toujours mon bébééé!
Et elle se met à ébouriffer les cheveux de l'adolescent en éclatant de rire.
Trois ans c'est long. D'autant plus lorsqu'on ne revoit pas sa famille. Laura a pris quelques rides, Paul perd un peu plus ses cheveux, et Émile devient un homme.
Noémie avait dix-huit ans quand elle est partie aux États-Unis pour ses études, comme une jeune femme timide et introvertie se lançant avec peur dans le grand bain. Elle en revient à vingt-et-un ans, grandie, mature et fière.
Car même si elle était terrorisée à l'idée de partir si loin de ses proches, sa volonté de s'éloigner et de s'émanciper était plus forte.
Ce besoin si intense de partir la tenait fermement depuis la mort de sa tante, quatorze ans plus tôt.
Elle n'avait alors que sept ans, mais Noémie se souvient parfaitement d'elle. La seule femme blonde de la famille, la seule libre, la seule ne rentrant pas dans les cases. Elle était spéciale, mais la petite fille qu'elle était l'aimait beaucoup, parce qu'elle ne faisait pas ce qu'on lui disait, et ça c'était amusant.
Elle se souvient aussi le chaos qu'engendra son décès dans la famille.
Sa grand- mère Sylvie fut celle que cela affecta le plus, et elle suivit sa fille dans le tombeau à peine un an plus tard, après avoir été peu à peu rongée par la mort pendant des mois.
-Comment va papy Henri? demande-t-elle tandis que toute la petite famille monte dans la voiture garée sur le parking de l'aéroport pour rentrer chez eux.
-Il va bien, il va bien. Il est fatigué bien sûr, comme toujours depuis... tu sais. Mais il va bien.
Henri aimait sa fille, et il aimait sa femme, malgré tous les conflits qui ont existé entre elles. Et en l'espèce d'un an il les perdit l'une et l'autre. S'il n'y avait pas eu Laura et ses petits-enfants, lui non plus n'aurait pas tenu.
Noémie a toujours été très proche de son grand père, et c'est sans doute celui qu'elle regrette le plus d'avoir abandonné en partant trois ans à l'étranger.
-Ce soir nous avons justement invité papy pour fêter ton retour, et également Marie et Mathis, leur fille Madeleine qui a l'âge d'Émile...
-Et Marc?
-Il ne vit plus chez ses parents. Il est parti comme toi, je ne sais plus où.
-C'est dommage, j'aurais bien aimé le revoir. On a presque le même âge, on jouait tout le temps ensemble quand on était petits.
-Ça je m'en souviens, vous nous aviez même cassé un vase japonais une fois!
Noémie pousse un petit rire en y repensant, le regard plongé par la fenêtre à observer l'autoroute défiler. Laura reprend:
-Et du coup on a aussi invité Béatrice et Orion et leur fils. Tu verras comme il a grandit! C'est un adolescent maintenant, impressionnant!
Aussitôt Noémie détourne son regard de l'extérieur et se focalise sur ses parents a l'avant, et son frère assis à côté d'elle.
-Quoi? Mais pourquoi?
-Pourquoi quoi?
-Pourquoi vous les avez invités?
-Et bien... pourquoi pas? Béatrice est la sœur de ton père au même titre que Mathis est son frère. Ils seront contents de te revoir.
-Je suis fatiguée à cause de décalage horaire. Je ne sais pas si j'ai très envie de les voir ce soir.
-Oh c'est vrai que je n'avais pas pensé à ça chérie... excuse moi, tu vas surmener vouloir te reposer en rentrant. Je... je peux reporter l'invitation peut être.
-Oui s'il te plaît...
-Bon... et bien je vais les appeler en rentrant.
-Maman?
-Oui chérie?
-J'aimerais bien aller sur la tombe de Mamy, et sur celle de tata.
