7- Trajet en voiture

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Léonard

Après une réunion intense, ou nous avons réussi à lever des fonds pour tenter une nouvelle opération, je reviens à mon poste, alors qu'il est déjà dix-neuf heures. Pourvu qu'il m'ait attendu.

Anet est en train de mettre son manteau et me salue d'un signe de tête.

Je l'ai récupéré de la première boite que nous avons raflée. Une assistante mal aimée, d'un connard qui ne pensait qu'avec sa queue. Il avait deux assistantes, un qui faisait tout le boulot et l'autre était jolie. J'ai viré la mignonne et promu Anet, je ne l'ai jamais regretté.

Nous fonctionnons bien tous les deux.

─ Anet, demain vous me récupérerez le dossier de Javier Jallabert ?

─ Il est sur votre bureau, glisse-t-elle malicieuse.

Elle a vraiment du nez.

─ S'il appelle, il est top prioritaire.

Elle hoche la tête, sans manifester de surprise. Il a rejoint le niveau de Benoit et Tanguy et elle doit se demander ce qui se passe.

Je récupère son numéro de portable, mais avant d'appeler, je vais faire dégager mes équipes, il n'est pas question qu'ils me voient partir avec Javier.

Je retrouve Julien et les autres occupés à discuter dans leur open space et leur sujet de discussion est mon chéri. Rosa et Chang sont admiratifs, car il a corrigé des programmes de chez nous.

Julien, visiblement, le déteste et me liste tous les maux liés à ce mec. Selon lui il est urgent de le virer.

─Peu importe ! Au fait, vous restez tant que vous voulez, mais je veux vous voir demain matin avant huit heures.

Ils se dépêchent de partir comme une volée de moineaux.

J'ai accès aux journaux de bord des programmes, je repère son code et c'est lui qui a lancé les programmes. Il n'a pas arrêté de travailler, mes équipes n'ont rien fichu en comparaison. Je le rejoins à l'éditique ou il paramètre les impressions des courriers, ce n'est clairement pas son boulot.

Zeina et moi nous avons déjà remarqué le manque de sérieux du patron de ce service.

Nous montons dans ma voiture, silencieux. Je suis heureux de l'avoir près de moi, lui et sa trottinette verte. Ce curieux détail m'amuse, parce que c'est lui tout craché. Je ne regarderais plus la couleur verte de la même façon. Je tente une question pour me conforter.

─ C'est quoi ta couleur préférée ?

─ Le vert. Il me regarde : ça va te faire faire un détour ?

─ J'aime conduire.

J'ai répondu d'un ton sec pour éluder le débat. Je m'en fiche du temps que cela prendra, parce que nous sommes ensemble. Il veut sans doute dire quelque chose puis se ravise, je le vois faire plusieurs fois.

Il est mignon avec sa sacoche et sa trottinette, je craque complètement.

Je n'ai pas envie de briser le silence, j'ai peur de gaffer aussi. Je me répète en boucle tout content que j'ai trouvé mon J : Javier Jalabert. Comment me faire pardonner toutes mes bêtises ?

Nous arrivons devant un petit pavillon de banlieue dans une zone pavillonnaire calme. Je n'aurais jamais imaginé sa maison ainsi. J'ai envie d'en voir plus. Il sort de la voiture et me dit au revoir, mais je sors à mon tour, le mettant devant le fait accompli. Il me regarde surpris.

─ Tu veux rentrer une minute ?

Je hoche la tête.

J'admire un petit jardin fleuri, derrière une haute clôture de métal peinte en vert. Une table de jardin bleu ciel et des chaises de toutes les couleurs, un barbecue à un angle et un abri de jardin encombré plus loin.

L'intérieur est neuf, une cuisine américaine qui donne sur le salon. Un style épuré et chaleureux de bois clair. Je devine qu'il n'y a pas beaucoup d'autres pièces et pas d'étages puisque le plafond est en pente directement sous les combles.

─ Tu veux rester manger ici ?

─ S'il te plait oui. Puisque tu ne le demandes pas... j'habite dans le douzième.

Les joues se colorent.

─ Je me rappelle que tu habitais Grenoble.

Il nous prépare un plat rapidement, puis dresse la table dans son salon.

Son chat miaule dans ses jambes et il le caresse, puis le nourrit.

─ J'ai regretté de ne pas avoir tes coordonnées, je me suis réveillé et tu n'étais plus là, j'ai eu l'impression de t'avoir déçu... fait-il en servant de l'eau. Il a aussi mis une bouteille de vin sur la table. Ses paroles me décrochent le cœur.

─ Javier je me suis comporté comme un imbécile.

Il regarde la table sans rien dire. Je poursuis redoutant de ne pas le convaincre.

─ Tu as été parfait, cela n'a rien à voir, tu dois bien le savoir ? J'étais à Paris pour le boulot et ...je ne sais pas ! J'ai réalisé que je faisais une bêtise, je te jure. J'ai fait demi-tour, mais quand je suis arrivé à l'hôtel tu n'étais plus là. Le réceptionniste m'a dit que tu m'as cherché. Je ne sais pas quoi dire, à part je suis désolé.

Javier ne dit toujours rien.

─ J'ai laissé mes coordonnées à l'hôtel au cas où tu reviendrais, tu n'as pas dû y retourner ? Le réceptionniste m'a laissé rentrer dans la chambre et j'ai récupéré ta cravate que tu avais oubliée.

─ Tu as vraiment fait demi-tour ?

Je hoche la tête et l'embrasse. Il ne me repousse pas.

Il marmonne contre moi et poursuit :

─ Le problème maintenant, c'est que nous sommes collègues de travail. Cela nous empêche de... Je connais un couple homo dans notre boite et je trouve que...

Je l'empêche de parler en le couvrant de baisers.

─ Dans la boite ?

─ Si tu crois que je vais les dénoncer, tu te trompes !

─ Je ne t'en demande pas tant !

─ Tu me demandes quoi au juste ?

Je me gratte un sourcil, n'osant pas demander... ma chance ne peut pas aller jusque-là !

─ Un câlin, ça irait ?

─ Tu n'as pas écouté ce que j'ai dit ? Sur les relations au bureau ! rouspète Javier les yeux brillants.

─ Si je te vire... ce ne sera pas des relations de bureau ...approche !

Il s'approche à mon grand soulagement.


J & L [M*M]Where stories live. Discover now