Chapitre 24

2K 214 20
                                    

PDV Luigi

Je ne sais plus depuis combien de temps je suis rentré dans ce bar mais parler avec Dario me fait un bien fou. Je ne vois pas de jugement dans son regard mais, au contraire, quand je lui parle de mes envies de meurtre, de la fureur qui ne me quitte pas depuis qu'Akemi m'a tout raconté, j'ai plutôt le sentiment qu'il me comprend. Comme s'il savait ce que je ressens, qu'il connaissait ce sentiment de frustration qui me ronge. Si demain on me donnait l'occasion de tuer l'homme qui a fait du mal à Akemi, je sais qu'il ne m'en empêcherait pas.

Ça fait quelques minutes que je ne parle plus. Aka surveille la porte du bar avec insistance et Dario fait tourner un poignard du bout du doigt sur le bois de la table, il le fixe en espérant que celui-ci lui apporte une réponse et moi je commence à m'impatienter. Seulement je ne suis pas fou. Si Pietro respecte cet homme, ce n'est pas uniquement parce qu'il est le frère de sa femme. Non, il suffit d'être assis en face de lui pour comprendre. Il transpire le danger. Je me suis retrouvé assis à la même table que lui et ses hommes à plusieurs reprises mais jamais dans son bar. Ici, c'est son monde et dans son monde il n'a plus rien à voir avec le grand frère qui sort des blagues glauques au barbecue chez Pietro.

Je m'enfonce un peu plus dans le fauteuil en cuir où Dario m'a demandé de m'asseoir et je croise les bras sur mon torse. La vie suit son cours autour de moi mais pourtant j'ai l'impression que le temps s'est arrêté. Je me redresse dans mon siège et décroise les bras. Le cuir couine avec le frottement de mon jean mais ni Aka, ni Dario ne lèvent les yeux vers moi, seulement j'ai du mal à tenir en place et je me lève. Aussitôt les deux braquent leurs regard sur moi et Dario cesse de faire tourner son couteau, il attrape la poignée et de la pointe de la lame me fait signe de me rasseoir. Automatiquement j'obéis.

— Tu as besoin de moi pour quoi exactement ? Il pose le couteau sur la table et boit une gorgée de son verre.

— Il lui faut des papiers. Je réponds en essayant de contrôler ma voix.

— Pour faire quoi ? J'écarquille les yeux, incapable de répondre. Si on lui fournit des nouveaux papiers, elle en fera quoi ?

— Elle n'aura pas besoin de repasser chez son père retrouver les siens. Je réponds naïvement et il tape son front sur sa main.

— Elle sera toujours mineure. Il grogne en italien et je me sens comme le dernier des cons. Ne fais pas cette gueule, tu as le nez trop près de la merde pour t'apercevoir qu'elle s'arrête à un moment. Moi, ce n'est pas ma merde, donc c'est plus facile de tout prendre en compte.

Il se laisse tomber dans le fond de son fauteuil et je porte mon regard sur Aka qui regarde toujours la porte. Dario nous regarde tour à tour avant de faire claquer ses doigts devant moi.

— Oublie-le et reste concentré sur ta merde.

Je le regarde à nouveau en fronçant les sourcils. J'ai beau avoir le nez dans ma merde, comme il dit, je sais encore voir quand on me prend pour un con et c'est exactement ce qu'ils sont en train de faire.

— Si tu ne veux pas m'aider, dis-le moi tout de suite mais arrête de me faire perdre mon temps et de me prendre pour un con.

Je me lève d'un bond et il m'imite en reprenant son couteau, il le tient à deux doigts à l'extrémité du manche et la pointe désigne le bout de mon nez. Il me sourit calmement pendant que je fulmine et d'un mouvement de poignée il le fait sauter, la lame se retrouve dans la paume de sa main et il le repose sur la table en levant sa main libre.

— Tout va bien les gars, reprenez vos bières. J'entends plusieurs chaises frotter le parquet et les discussions reprennent autour de nous. Toi, tu me remets ton cul de Piquelli colérique dans ce fauteuil. Je m'exécute et il m'imite. Tu n'as clairement pas le sang froid de Nino. Je réponds par une moue ironique et son rire résonne dans le bar. Je ne te prends pas pour un con, je réfléchis. Tu te pointes ici et m'annonce qu'il y a un violeur dans ma ville. J'ai beau être un meurtrier, je ne cautionne pas cette pratique, encore moins aussi près de ma sœur. Seulement tu m'apprends également que c'est un gros bonnet, pouvoir et argent, dans les mains de tordu ce n'est jamais bon. Il n'y a qu'à voir ce qui est arrivé à ta belle-sœur. Je grimace mais il m'ignore. Ta priorité c'est de mettre ta copine à l'abri.

Les frères Piquelli Tome 3 LuigiWhere stories live. Discover now