Chapitre 52 : Sur les terres des guerrières du nord

192 35 3
                                    


Les dragons conservèrent leur apparence reptilienne, plus résistante au froid que leur enveloppe humaine. Les plus âgés proposèrent à Aurélius d'aller chasser pour se remplir l'estomac, ce que le dragon doré accepta avec une bonne humeur contagieuse. Willow ne l'accompagna pas car Aymeric le désigna de corvée de cuisine avec Alaman, à son grand regret.
Le jeune homme appréciait la compagnie du rouquin, jusqu'à un certain point. Le bavardage incessant d'Alaman finissait par lui mettre les nerfs en pelote. Il ne se taisait jamais, même pour cuisiner ! Il racontait tout et n'importe quoi, des souvenirs de jeunesse en passant par les blagues grivoises. Willow regretta vite le hurlement du vent dans ses oreilles lors du vol.
- Les années ne t'ont pas rendu plus bavard, remarqua Alaman.
- Un certain proverbe dit que le silence est d'or.
- Pourtant je te vois souvent discuter à table, avec tes amis et ta sœur.
Le chevalier dragon marquait un point. Willow admettait volontiers qu'échanger avec Nerva, Omphale ou même Kalam lors des repas ne le gênait pas. Il s'exécutait même avec naturel, sans dissimuler ses mots. C'était le seul moment de la journée où il acceptait d'être sociable. Se remplir le ventre le mettait toujours de bonne humeur et l'aidait de se dérider, ça devait être l'explication.
A l'époque où Amagmalion le formait, il recevait de petites rations de nourriture. Les portions devenaient plus conséquentes s'il effectuait du bon travail ou s'il progressait dans son entraînement. Elles réduisaient s'il commettait une faute ou s'il prenait du retard. On l'avait dressé aux récompenses, comme les chiens. En se penchant sur son passé, pas étonnant que la nourriture le place dans d'excellentes dispositions.
- Qu'est-ce que tu as dans la tête bonhomme ? s'enquit Alaman.
- Je suis trop vieux pour que tu me surnommes encore bonhomme.
- Tant que je serais plus vieux que toi, et la tendance n'est pas prête de s'inverser, je te surnommerais bonhomme. C'est le privilège des anciens !
Willow sourit en son for intérieur. De tous ses compagnons, Alaman était celui avec le moins de rides et de cheveux blancs. Il paraissait encore être un homme dans la trentaine, plein de vigueur. Le jeune homme se concentra sur la cuisson de la petite marmite sur le feu, pour éviter que leur dîner brûle.
Il n'était pas dupe : Aymeric lui avait demandé de cuisiner avec Alaman pour que le tatoué lui tire les vers du nez à propos de son nouveau rôle de sacrifice. Il ne laissa rien filtrer en dépit des tentatives répétées, et subtiles, d'Alaman pour obtenir des informations.
Lorsqu'ils s'installèrent autour du feu pour manger, les dragons n'étaient toujours pas revenus. Omphale s'assit à côté de lui avec un soupir.
- La partie que je déteste le plus lors d'un voyage, c'est celle où nous nous arrêtons pour la nuit. J'ai l'impression de perdre mon temps.
- Il faut bien qu'on se repose, tempéra Willow. Sinon tu aurais des grosses cernes violettes sous tes jolis yeux et un teint cadavérique. Tu crois que Vivien aimerait te croiser avec cette tête de déterrée ?
Sa sœur releva le menton avec un air hautain qui ne masqua pas la légère rougeur sur ses joues.
- Que vient faire Vivien dans cette histoire ? Il vit à Ondre, nous nous croisons rarement.
- Ne joue pas à l'idiote avec moi, on sait tous les deux lequel est le plus intelligent dans notre duo, lui glissa-t-il avec une pointe de sarcasme. Je ne suis pas un génie dans le domaine sentimental mais j'ai des yeux pour voir qu'il ne te laisse pas indifférente.
- Depuis quand est-ce que les relations amoureuses piquent ton intérêt ? le nargua-t-elle.
- Depuis qu'elles me permettent d'embêter ma sœur, répondit-il sur le même ton.
Elle lui donna un coup de coude dans les côtes qu'il endura sans broncher. Taquiner sa jumelle constituait un des petits plaisirs dont il ne parvenait pas à se passer depuis qu'il l'avait découvert. L'embêter tout en mangeant lui permettait d'oublier qu'Aymeric le jugeait du regard de l'autre côté du feu.
Cette tension entre son géniteur et lui dura jusque dans les terres gelées. Ils ne passèrent pas par Ronto, hostile envers les chevaliers dragons depuis la mort du roi précédent. Plus ils s'éloignaient de la civilisation, plus Willow entrait dans son élément.
Aurélius volait sans faillir, à la grande surprise de ses aînés. Il parvenait à dépasser Ourania et atterrissait à peine fatigué. Willow ressentait toute la vigueur qui courrait dans les muscles de son jumeau, la fougue dans son sang. Il rêvait d'une course à pleine vitesse parmi les nuages, pour tester les limites d'Aurélius. Il se promit de concrétiser cette envie dès leur retour à la forteresse d'Amaris, loin des regards parfois inquisiteurs de leurs aînés.
Le petit groupe devint plus vigilant dès leur entrée dans les territoires inhospitaliers du nord, après Ronto. Alaman était sur les nerfs, surtout à mesure qu'ils approchaient des terres des Valseryes. De ce que Willow en savait, sa relation avec sa mère ne s'était pas améliorée avec le temps, surtout après la fuite de sa sœur. Alya, à l'inverse de son frère, demeurait sereine. Elle continuait d'inculquer son savoir et de présenter ses théories sur tout et n'importe quoi à Omphale pour qu'elles en débattent ensemble.
A environ une journée de vol de leur entrée sur le territoire des Valseryes, ils plantèrent leur tente dans la terre glacée du nord pour une dernière nuit loin des impitoyables femmes guerrières. Willow songea qu'il aurait aimé être de sexe féminin pour se joindre à elle et passer sa vie à se battre pour protéger une portion de terre couverte de neige.
Ce soir-là les dragons revinrent de leur partie de chasse habituelle plus tôt que d'ordinaire, alors qu'ils se préparaient à dormir. Aurélius rejoignit Willow à l'entrée de sa tente, ravi à en juger par les bonds joyeux qu'il effectuait dans la neige.
- La chasse a été bonne ?
Les rennes sont encore meilleurs que les chevreuils, l'informa son jumeau en passant sa langue fourchue sur ses crocs effilés. Nous en avons laissé quelques morceaux à côté du camp, enfouis dans la neige pour demain matin.
- Vous êtes les meilleurs, le complimenta Willow en salivant à l'idée de déguster de la viande. Dis, tu veux dormir à la belle étoile ce soir ? Il n'y a que dans les terres gelées et dans le désert du Souan qu'on peut faire le ciel le plus pur.
Tu ne vas pas craindre le froid ?
- Je suis résistant. Si je dors contre toi et près du feu avec une bonne couverture sur le dos, je serais encore mieux que dans une tente. Fais-moi confiance.
Ils s'installèrent à proximité des flammes et Willow s'enroula dans une fourrure chaude. Dans son dos, les écailles d'Aurélius chauffaient doucement. Il leva le nez vers les cieux d'un noir d'encre, constellé de points étincelants et de traînées laiteuses.
- Ma sœur dit que les étoiles ne sont pas des esprits mais des sphères aussi incandescentes que le soleil dont la lumière nous parvient. C'est Alya qui lui a parlé de ça. Elles essaient de fabriquer une machine pour observer les astres de plus près. Tu crois que c'est possible de les observer mieux qu'avec l'œil humain ?
Le génie des Hommes est infini Willow et l'humanité n'en est qu'à son début, expliqua son jumeau. Je parie que les progrès dans les siècles à venir seront conséquents et que le monde ne ressemblera plus à ce qu'il est aujourd'hui.
- Et à quoi est-ce qu'il ressemblera selon toi ?
Allez savoir. Nous ne serons plus là pour admirer ou déplorer les décisions des générations futures. Notre rôle est uniquement de leur permettre d'exister.
- Ce n'est déjà pas si mal si nous arrivons à préserver ce monde. Imagine une existence sans chevreuils ou sans rennes.
Impensable ! rit Aurélius.
Ils se murèrent dans le silence, absorbés par la contemplation des étoiles. Elles emplissaient parfois Willow d'une nostalgie si puissante que les larmes lui montaient aux yeux. Était-ce à cause de leur beauté froide et inatteignable ? Où était-ce provoqué par l'étendue de l'univers, face auquel il devenait poussière dans l'infini ?
Aurélius s'endormit, la tête posée sur ses pattes croisées. Willow continua d'admirer les étoiles, à chercher les constellations, à se répéter leurs histoires. Sa sœur les lui racontait à l'époque, lors de sa première année avec sa famille. Elle avait remarqué son intérêt pour le ciel et lui avait enseigné tout ce qu'elle savait à ce sujet.
Il traça des liens invisibles entre les étoiles du bout du doigt en répétant leur nom à voix basse. Il espérait qu'il arriverait à les admirer depuis le domaine de Bouklipon, où que celui-ci se situe. Faire une croix sur la nourriture ou la boisson le laissait indifférent mais il n'était pas prêt à renoncer aux étoiles.
- Tu les aimes toujours autant.
Il sursauta presque en se rendant compte qu'Aymeric se dressait à deux pas de lui, le visage levé vers les cieux. Le demi-dieu était le seul dont il peinait à entendre l'approche à cause de sa furtivité. Il se contenta d'un hochement de tête en guise de réponse.
- Elles brillent avec plus d'éclat ici qu'au château des gardes ou à la forteresse d'Amaris, pas vrai ?
Il opina du chef à nouveau. Aymeric le scruta du coin de l'œil, retint un soupir puis remua un peu de neige du bout de sa botte.
- Nous serons bientôt chez les Valseryes, dit bien inutilement le chevalier dragon. Elles nous donneront une solution et nous regagnerons la forteresse pour la mettre à exécution.
Willow évita de répéter qu'il se fichait éperdument du sort que l'avenir lui réservait. La plupart des gens ne comprenait pas et ne comprendrait jamais.
- Nous sauverons tout le monde, ajouta Aymeric à voix basse. Le continent entier tout comme toi, Aurélius ou encore Nerva et Umbriel. Nous y arriverons.
Le jeune homme cessa un instant de regarder les astres pour braquer son regard sur l'horizon obscur. L'optimisme du chevalier dragon n'entachait pas sa lucidité. Il le ressentait jusque dans le fond de ses tripes : le combat contre Phosphoméra et Noximence ne l'épargnerait pas. Il garda son avis pour lui car Aymeric n'admettrait sa défaite qu'une fois les faits accomplis.
- Je vais retourner monter la garde. Ne t'endors pas trop tard.
Willow ne tint pas compte de ce conseil et demeura éveillé longtemps après le départ d'Aymeric. Il profita de la lumière des étoiles jusqu'à ce que ses yeux se ferment de fatigue, peu avant l'aube. Il se réveilla pourtant avec le reste de ses compagnons, un peu courbaturé mais l'esprit clair.
Le campement des Valseryes, plus au sud qu'à son habitude, se détacha de l'étendue blanche en fin de matinée. Ils se posèrent au centre sans qu'une lance ou une flèche soit envoyée dans leur direction, ce qui déçu un peu Willow.
En revanche, un cercle de femmes vêtues de peau de bêtes, d'armures en cuir légères et armés jusqu'aux dents les entoura avant qu'ils puissent poser un pied à terre. Elles affichaient toutes la même expression féroce, celle d'un prédateur à l'affût. Willow les affectionna instantanément.
Une femme, plus âgées que toutes les autres, se détacha du groupe. Avec sa chevelure rousse méchée de blanc et ses yeux noirs perçants, sa parenté avec Alaman et Alya ne laissait aucun doute. L'âge avait creusé des rides sur son visage mais n'avait pas courbé son dos ou entamé sa vitalité. Elle marcha jusqu'à leur groupe d'un pas ferme. Alya et Alaman, en première ligne, se tenaient droits comme des piquets.
- Ainsi donc mes enfants indignes reprennent le chemin du nord et se souviennent d'où ils sont nés, dit-elle avec un sarcasme évident. J'aimerais vous souhaitez la bienvenue mais le cœur n'y serait pas.
- Mère, la salua poliment Alya. Pardonnez notre intrusion mais nous avons désespérément besoin de vous.
La cheffe des Valseryes évalua sa fille d'un rapide coup d'œil.
- Tu t'es moins empâtée que ton frère. Où sont donc tes fils ?
- A la forteresse d'Amaris, sous la surveillance d'un ami. Ils sont en pleine forme.
La dirigeante des Valseryes émit un reniflement méprisant.
- Je serais plus heureuse s'ils étaient en forme parmi nous. Ils sont une bénédiction dont tu prives notre clan. Avec un sang aussi prestigieux que le leur, ils seraient déjà fiancés aux meilleures guerrières de notre clan.
- Certes mère mais ils sont nés sur le territoire d'Alembras, pas sur celui des Valseryes. Et s'ils désirent venir ici un jour pour prendre la place que tu leur destines, ça sera leur choix. Je refuse de les forcer dans une voie qui les rendra malheureux.
Aymeric se posta aux côtés d'Alaman, les bras croisés sur le torse pour signaler toute la contrariété que lui inspirait cette discussion.
- Navré de vous interrompre mais nous sommes pressés. Le dieu endormi s'est réveillé et la fin du monde se rapproche de jour en jour.
- Et en quoi notre clan peut empêcher ce drame de se produire ? siffla la cheffe des Valseryes.
- Nous avons besoin d'une prophétie qui nous montrerait une autre voie, une alternative dans laquelle le dragon d'or et son jumeau ne mourraient pas.
Un rire sans joie échappa à la mère d'Alaman et Alya.
- Rien que ça ? Vous imaginez que nos prêtresses pondent des prophéties sur demande ? Libraca parle peu et lorsqu'il s'exprime ce n'est pas pour ne rien dire. Il nous a livré un moyen de combattre la fin du monde, le futur le plus fiable possible. Vous vous voudriez perturber son plan pour sauver l'humanité afin de préserver deux vies ? Qui est donc le jumeau du dragon d'or ?
Avant qu'Aymeric puisse répondre, Willow joua des coudes et se planta face à la dirigeante du clan.
- C'est moi.
Elle saisit son menton et l'examina sous toutes les coutures.
- Joli garçon. Il y a comme un air de famille avec vous, fils de Praeslia. Est-ce votre enfant ?
- Oui, répondit gravement Aymeric.
- Je comprends mieux votre désespoir mais mon avis reste le même. Vous avez encore une fille, estimez-vous heureux. Votre garçon va se sacrifier pour une cause noble, notre continent vivra dans la paix grâce à lui. Les dieux ne l'ont pas choisi par hasard, je suis prête à parier qu'il est d'accord avec ce que la prophétie prévoit pour lui.
Elle darda ses yeux noirs dans ceux de Willow en prononçant ces derniers mots. Il acquiesça avec détermination et une lueur combative éclaira brièvement les prunelles obscures de la chef des Valseryes.
- S'il adhère au plan des dieux, inutile de déranger Libraca et nos prêtresses pour demander une prophétie sur un futur dangereux, conclut-elle.
- Mais moi je n'y adhère pas ! s'écria Aymeric. Il nous faut une alternative ! Il en existe forcément une ! Plusieurs chemins mènent à la même destination et l'avenir change sans cesse !
- Assez ! Mes prêtresses ne sont pas des diseuses de bonne aventure qui lisent les lignes de votre main en échange d'une pièce ! Elles sont la voix de Libraca, l'intermédiaire entre les Hommes et les dieux ! Partez d'ici, vous n'obtiendrez pas ce que vous êtes venus chercher.
Aymeric tira son épée hors de son fourreau dans un geste si vif que Willow eut à peine le temps de le voir. Le cercle des guerrières frémit mais leur cheffe les empêcha de se jeter sur eux en levant la main.
- Demi-dieu, je te conseille de ne pas jouer à ça. Je respecte Praeslia mais mon clan passe avant tout et personne, surtout pas un homme, n'a le droit de pointer une arme sur une Valserye pour l'intimider. Je te laisse une chance de ranger ton arme.
- Et si je refuse ? Vous allez lâcher vos guerrières contre moi ? Quatre dragons nous secondent et nous sommes tous des combattants entraînés. Nous vous décimerons si vous attaquez.
Le comportement agressif d'Aymeric étonna Willow autant que le reste de leur petite expédition. En tant que meneur des chevaliers dragons de sa génération, il évitait de faire des vagues et respectait les dirigeants, auxquels il parlait toujours avec diplomatie. Son action semblait désespérée, comme celle d'un homme aux abois. Lysange s'empressa d'intervenir avant que la situation s'envenime davantage :
- Veuillez excuser notre intrusion et les manières brutales d'Aymeric. Notre fils est précieux à nos yeux et s'il existe une infime possibilité de le sauver, nous voulons la connaître. Je vous en prie, laissez-nous essayer. Si Libraca refuse de s'exprimer alors nous n'insisterons pas et nous repartirons.
La cheffe des Valseryes plissa ses yeux étrécis, les réduisant à deux fentes noires. Elle pesa le pour et le contre avant de déclarer d'une voix autoritaire :
- Très bien. Puisque votre détermination vous a poussé à vous jeter chez les Valseryes, j'accepte que vous tentiez de communiquer avec Libraca par le biais de nos prêtresses. Cependant, il y aura un prix à payer pour notre aide.
- Lequel ? osa demander Alaman d'une toute petite voix.
- Vous devrez retrouver trois de nos guerrières. La première a été enlevé alors qu'elle chassait, nous avons retrouvé du sang et son arme au milieu de la neige piétinée. Les secondes ne sont pas des Valseryes de sang mais de cœur. Elles sont arrivées il y a environ deux ans, un beau matin. Nous les avons accueillis parmi nous car elles combattaient avec ardeur malgré des lacunes évidentes. Nous ignorons bien des choses à leurs propos, si ce n'est qu'elles se prétendent sœurs et qu'elles ont fui un lieu où on les retenait prisonnières.
- Elles ont aussi été enlevées ? l'interrogea Omphale avec sa curiosité habituelle.
- Non. Elles sont parties secourir notre sœur. C'était il y a de cela une semaine. Depuis nous n'avons pas de nouvelles et nous nous inquiétons. Il s'agit de trois braves guerrières, des éléments indispensables à notre clan. Que Libraca vous livre ou non une prophétie, vous devez me promettre que vous les chercherez.
Ils se concertèrent du regard. Willow arrivait presque à lire les pensées d'Aymeric grâce aux expressions de son visage. Secourir des Valseryes alors que la fin du monde approchait ? C'était une futilité et surtout une perte de temps. Pourtant, le demi-dieu souffla :
- Très bien : vous avez notre parole. Maintenant menez-nous à vos prêtresses. Plus vite nous réglerons cette affaire et plus vite nous pourrons nous recentrer sur l'essentiel.
La cheffe des Valseryes lui décocha un regard chargé de mépris et leva le poing. Les guerrières du nord baissèrent leurs armes et se dispersèrent à travers le campement, à l'exception de quatre d'entre elles qui encadrèrent leur dirigeante. Une grande rousse élancée aux cheveux tressés et au visage constellé de taches de rousseur jeta une œillade enflammée à Willow.
Il l'ignora superbement pour retourner aux côtés de son jumeau. Ils serpentèrent à travers le campement jusqu'à une tente plus grande que les autres. Les peaux étaient peintes avec des motifs abstraits de couleur ocre, jaune et rouge.
- Nous n'avons pas de sanctuaire dans cette partie de notre territoire alors le lien entre Libraca et nos prêtresses sera plus ténu, expliqua la cheffe des Valseryes. Ne vous attendez pas à des miracles.
Elle écarta un pan de la tente et ajouta :
- Seules les femmes et ceux qui sont concernés par la prophétie peuvent entrer. Les autres attendent dehors.
Elle posa ses yeux couleur d'encre sur Aymeric avec insistance. Le demi-dieu contracta les mâchoires mais n'effectua pas un pas de plus. Aurélius s'esquiva le temps de reprendre forme humaine et d'enfiler une tenue décente. Les Valseryes le dévorèrent du regard comme s'il était une friandise particulièrement savoureuse pendant qu'il pénétrait dans la tente en compagnie d'une partie du groupe.
Une odeur lourde et entêtante planait à l'intérieur de la construction rudimentaire divisée en plusieurs pièces, celle des fleurs séchées et de l'encens. Des braises se consumaient dans un trou creusé au centre et illuminaient faiblement les alentours. Les autres pièces, sans doute les chambres privées des prêtresses, étaient camouflées par des peaux blanches comme celle des renards polaires.
Une femme se tenait à genoux derrière le foyer mourant, vêtue d'une robe pâle et légère. Ses cheveux noirs cascadaient sur ses épaules carrées et ses lèvres remuaient sans qu'un seul son ne s'en échappe. La cheffe des Valseryes s'agenouilla et ils l'imitèrent sans ouvrir la bouche. Une atmosphère étrange régnait en ce lieu, un quelque chose d'irréel.
- Nous venons implorer l'aide de Libraca, dieu du savoir universel à qui rien n'échappe, pour guider nos pas sur les sentiers les plus sûrs, récita la dirigeante des Valseryes. Puisse-t-il entendre nos lamentations et répondre à nos prières.
La prêtresse derrière les braises ouvrit les yeux. 

Chevalier dragon, tome 4 : La guerre d'AmarisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant