Chapitre 16: L'appel

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Je me réveillai peu à peu avec un horrible mal de tête, comme si quelqu'un m'avait assommée. Ma vue se détailla et je remarquai que je n'étais plus assise le long du vieux chêne de la veille mais dans une grotte où les parois étaient recouverts de boue. Une odeur de renfermé et de moisissure me provenait, manquant de me faire vomir. Il y avait un vacarme incessant de bruits de chariots et de cliquetis métalliques. J'entendis alors des pas lourds et forts arriver dans ma direction. Je me redressai alors et mis mes mains sur les barreaux de fer qui me séparaient du couloir. Peut-être que la personne qui arrivait pouvait m'aider à sortir de ma cellule. Je m'attendais à voir un homme à forte carrure venir, mais la réalité fut tout autre. Un petit homme au teint plâtreux, au corps dodu et à la mine renfrognée arriva avec une assiette qui m'avait l'air particulièrement répugnante. Je reconnu aussitôt son espèce grâce à mes cours de virtuosité ; il s'agissait d'un gnome. Je me baissai afin de faire sa taille et lui prit l'assiette des mains. Luca nous avait expliqués que les gnomes détestaient les virtuoses. Ils eurent été faits esclaves par de nombreux virtuoses des siècles – voire un millénaire – durant. Les gnomes furent révoltés par leurs conditions d'infériorités et après une guerre et de longues heures de discussions avec le comité des métas-humains, ils furent libérés de cet esclavagisme. Depuis, les gnomes préfèrent que les virtuoses s'abaissent à leur niveau, en signe de respect et d'égalité.

« Tiens, manges, m'ordonna le gnome.

- Hum... Qu'est-ce que c'est au juste ? demandai-je en essayant de masquer mon dégout

- Argile fraîche et asticots violets.

- Ca a l'air très appétissant, mais est-ce que je peux avoir un verre d'eau s'il-vous-plaît ?

- Dépends. Donnes quoi en'change ?

- Mes asticots ? dis-je sans grande conviction

- Ca m'va, dit-il avant de repartir »

J'avais eu un peu de mal à comprendre son « Tu donnes quoi en échange ? » qui ressemblait plus à un grognement qu'à une question. Je savais pertinemment la raison pour laquelle les gnomes m'avaient emprisonnée. Les gnomes avaient pris l'habitude de subtiliser les virtuoses afin de les esclavager à leur tour. Ils rendaient en quelque sorte la monnaie de la pièce aux virtuoses, dans l'ombre du comité des métas-humains. Heureusement, j'avais une idée en tête pour me sortir de cette situation. J'avais repéré quelques instants plus tôt un sifflet à dragon dans un coin obscur de la cellule. Une fois le gnome hors de vue, je me précipitai vers le sifflet et le cachai dans mon haut. A cet instant précis, j'aurais aimé être d'une époque beaucoup plus ancienne dans laquelle les femmes portaient des corsets. Il aurait été bien plus pratique de cachet le petit objet dedans. Le gnome annonça sa présence avec ses pas lourds et je me remis alors en place, devant les barreaux de ma cellule. Il revint avec un verre d'eau qui ne m'avait pas l'air très potable et me présenta sa main. J'eus un moment d'incompréhension avant de me souvenir qu'il fallait que je lui rendisse la pareille en lui donnant mes asticots violets. Je retirai avec dégout les êtres gluants de mon assiettes et les lui donna. Le gnome les attrapa rapidement avec un sourire aux lèvres, avant de me donner mon verre. Il repartit en grignotant les asticots et je me préparai alors à utiliser le sifflet. Mais la terre se mis à trembler et le sifflet m'échappa des mains, brisant ainsi le filtre de cristal. Je vis les gnomes courir dans tous les sens, s'échappant de leur grotte à toute vitesse. Les gnomes étaient habitués à ce genre de problème et changeaient souvent de lieu de vie. Cela leur permettait de tuer les gnomes les plus anciens qui n'étaient plus en capacités d'aider à la vie du clan, perdre les jeunes les moins téméraires et surtout, de changer d'esclaves. Ma seule chance de m'en sortir venait de se briser. J'avais envie de pleurer et de m'apitoyer sur mon sort, mais au lieu de ça, je cherchai la solution à mon problème. Alors, une idée me vint. Je jetai le verre au sol et récupérai les morceaux de verres brisés. J'en posai un à la place du filtre de cristal et pensai le plus fort possible « Pourvu que ça marche. ». Je plaçai ma bouche sur le filtre et soufflai. Je sentais le froid du verre sur ma bouche, mon souffle se plaquer à la paroi de verre, puis avec soulagement, je constatai que mon air s'infiltrait peu à peu au filtre. Je ne pouvais pas entendre le bruit du sifflet, car seul un dragon pouvait entendre le sifflement de l'objet. Alors, j'espérais silencieusement qu'un dragon vînt. Le sol bougeait de plus et j'avais du mal à tenir sur mes jambes. Ne pas tomber. Ne pas tomber. J'avais besoin de reprendre mon souffle, mais je ne pouvais pas le faire. Sinon, tout ce que je venais de faire aurait été annulé. Il fallait que ce soit un seul souffle. La tête me tournait, je sentais mes poumons se vider et mes penser s'embrouiller. Soudain, un poids s'abattit près de mon corps frêle. Je tombai alors à la renverse. Le sifflet venait de se détacher de mes lèvres... J'avais perdu tout espoir. Mais je sentis alors une langue étonnement douce me lécher la joue. Mes yeux papillonnèrent, mais je perçus une silhouette impressionnante en face de moi. Je me relevai de vitesse, sans prendre la peine de regarder le dragon et lui demanda de décoller. Le dragon s'arrêta bien vite dans son vol et me coucha près d'un arbre. Je m'assoupis aussitôt sans même remercier le dragon.

Ꭼ́ᎷᎬᎡᎪႮᎠᎬWhere stories live. Discover now