Lettre d'une ballerine à sa mère

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1730, Versailles

Ma tendre mère,

Notre plan fonctionne à merveille, j'ai été invitée à la cour, comme voulu. Le roi m'a personnellement accueilli, il est grand, fort, puissant, si tu avais vu comme son habillement scintillait, tout ce qui se trouvait sur lui reflétait la luxure et l'élégance. Je me suis inclinée devant Sa Majesté, et aie levé les yeux exactement comme vous me l'aviez ordonné. Et c'est à ce moment que j'ai aperçu un beau jeune homme. Il se promenait dans le parc, seul, un livre à la main, sûrement pour intriguer les jeunes filles de la cour, il avait l'air arrogant.  Son air supérieur m'agaçait au plus au point, et je pense qu'il a pu le remarquer puisqu'il s'est pris de joie à m'aguicher, oh le vilain mère. Les jours passèrent, et chaque fois que nous nous croisions, mon cœur faisait un bond. Les répétitions s'enchaînaient malgré tout, et je n'avais point le temps de courtiser avec un homme de la sorte. J'ai un partenaire très agréable qui me donne confiance, ensemble nous ne faisons qu'un lorsque nous dansons. Le professeur est droit, parfois aigre, mais c'est le métier qui le veut. Les pointes que nous avons acheté ensemble sont trop usées, mais j'ai une amie qui a réussi à m'en obtenir de nouvelles, elles sont parfaites et feront l'affaire pour le grand soir. Pour féliciter notre travail acharné, nous avons été invité à un bal de la cour, vous vous rendez compte mère ! Je ne puis vous décrire l'euphorie qui s'est crée en moi. J'ai du aller chez la modiste, elle m'a confectionné la plus belle robe que je n'ai jamais eu mère, quel regret que vous ne soyez pas à mes côtés, j'aurais tant aimer que vous voyiez cela. Le bal s'est ouvert avec une courante, oh comme c'était merveilleux. Ce beau jeune homme est de nouveau apparu, il a pris ma main, et nous avons dansé ensemble. Mes yeux ne quittèrent jamais les siens, son regard était plongé dans le mien, à m'en donner des frissons. Je sais mère, je sais que les hommes sont des personnages orgueilleux, qui ne vont amener que du mal et des pêchés dans la vie. Mais est-ce vraiment le cas pour tous ? Sont-ils tous à blâmer ? Je vous en conjure que la question est à y repenser. J'avais comme le sentiment de lire dans ses yeux, de voir son âme, comme elle puisse être fragile et tendre. Il m'a proposé par la suite de faire quelque pas avec lui dans le jardin. J'ai accepté volontiers sa demande. Le temps était doux, un peu de vent nous accompagnait, mais c'était le juste nécessaire. Il m'a annoncé qu'il devait se retirer le temps d'une semaine, pour une affaire importante de famille, mais que dès son retour, lui et moi nous nous marierons. Je crois en lui, et je l'attends. Il doit revenir demain, je suis toute émoustillée. Quand l'occasion se présentera, nous vous rendrons visite mère, je vous présenterai mon Augustin. Malgré vos opinions,  je pense que l'amour existe, si l'on y croit fort et que l'on met les effort nécessaires. Je me hâte de vous revoir. Je vous aime, et pense fort à vous.

Votre ballerine, Cléophée

Les lettres perduesWhere stories live. Discover now