Lettre d'un veuf

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Octobre, 1880, Londres

Elle aimait les jours de pluie comme les enfants aiment les sucreries. C'était sa plus grande satisfaction, car la terre se réhydratait, comme elle pouvait le dire. La météo la fascinait, tout ce qui l'entourait portait des secrets, et elle aimait vivre dans le mystère. Une fois la pluie arrivée, elle courait dans le jardin, sans ses chaussons, y dessinait des cercles avec la pointe de ses pieds. Elle adorait la sensation de la terre mouillée, douce, lisse, pratique pour danser, alors les pas s'enchaînaient, c'était naturel chez elle, un don donné du ciel. Les livres restaient son réconfort, les romances surtout, toujours le même motif, les mêmes mœurs, les mêmes sentiments. Mais qu'importe cette répétition, elle lisait toujours avec autant de passion, et d'admiration. Un monde se façonnait dans sa tête, et parfois j'aurais désiré y être. Son sourire était ma raison de me lever le matin, il m'envoyait la force dont j'avais besoin, si pur et si sincère, on ne pouvait pas douter de ma dulcinée. Oh chers lecteurs, sa présence m'animait, la savoir près de moi créait un feu qui ne pouvait s'éteindre. Lorsque sa main prenait la mienne, plus rien me semblait impossible, le monde devenait un peu plus merveilleux chaque jour. Quand ses lèvres se déposaient sur les miennes, un sentiment d'euphorie se réveillait, elle me faisait sentir vivant malgré l'atmosphère funèbre qui me rongeait depuis tant d'années. Lors de nos voyages à travers l'Angleterre, elle rapportait le bonheur là où la misère perdurait. Sa voix aurait pu calmer la plus violente des tempêtes. A ses côtés, la notion du temps s'effaçait, les heures s'écoulaient, sans même que l'on pouvait s'en rendre compte. J'aimais ses cheveux qui se balançaient face au vent, ses yeux qui me suppliaient de l'aimer, le regard qu'elle avait lorsque je la faisait rire. Je la désirais comme un fou, à en perdre la tête, à me noyer de passion. Mon âme était reliée à la sienne, je l'ai su dès la première fois où mon regard s'est posé sur elle. Je l'aurais suivi jusqu'au bout du monde, j'aurais cédé à chaque caprice qui lui serait venu, et même dans la colère je n'aurais cessé de la vouloir. Elle était l'être le plus pur que la nature a pu crée, si vous saviez mes amis, si vous saviez. Pourquoi elle n'y a pas échappé, ce triste sort si injuste, si détestable. Elle méritait l'immortalité, pour que ce monde garde encore un peu de joie et de fraîcheur. Je vous assure, je suis épris d'un chagrin qui ne se guérit pas. Un chagrin qui me suivra jusqu'au bout. En guise de souvenirs, elle m'a laissé ce que nous avons crée, ensemble. Un héritage de sa beauté, et de son charme. Une magnifique enfant, qui a ses yeux, d'un bleu qui provoquerait le plus ravageur des ouragans, et des cheveux d'un brun si profond, qui intriguera plus tard les plus rusés. Je jure devant vous lecteurs, que je prendrai soin de mon Angélique, comme j'ai pu le faire pour ma Daphné. Et à toi mon amour, je te jure de t'aimer maintenant et à jamais, jusqu'à ce que le destin me ramène à tes côtés. Veilles sur moi chaque jour je t'en prie, pour que ton souvenir demeure pour toujours dans mes pensées, et que ton absence ne me transforme pas en ce personnage si grotesque à cause de la tristesse.

Sur terre comme au ciel, je t'aime et je t'aimerai.

Henri

Les lettres perduesWhere stories live. Discover now