Pôle opposé

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Chapitre 2 : Pôle opposé

Bonne Lecture bande de crustacés décérébrés !

POV Uta

Ce jour-là il avait travaillé toute la nuit sur un nouveau masque. Depuis qu'il avait ouvert son studio, c'était la fièvre de la création qui décidait du rythme de ses journées et de ses nuits. Ça et sa faim, bien sûr. Cette nouvelle création était intéressante de par sa vulgarité, à l'image de son client. Les choses simples peuvent parfois être bien plus compliquées justement car elles sont censées être évidentes.

La matière choisie était grossière, rugueuse et en même temps brillante. Ce masque devait mettre particulièrement mal à l'aise les victimes qui y feraient face. La bannière qui leur annoncerait leur trépas en quelque sorte.

Une part de lui était un peu dégoûtée en imaginant la scène. Créer de son propre gré un masque si peu flatteur aurait dû blesser sa fierté. Mais il avait conscience que, en tant qu'artiste, il devait créer le masque qui correspondrait au mieux au tableau.

Au moment où il s'attelait aux coutures finales, il entendit un bruit étrange.

Un bruissement d'abord, comme un nid d'abeilles en train de se réveiller. Un frisson le traversa de part en part, un courant électrique sur son épine dorsale.

« Qu'est-ce que ... » dit-il en relavant la tête « ...c'est que ça ? » Le plafond était en train de se distordre, comme un trampoline en train de lâcher.

« Baaaaaaammmmm » fit le mur. « Crac » répondit le sol.

L'instant d'après, plus rien. Juste le calme. Et un gémissement.

Uta sentit son cœur, d'habitude inébranlable, battre à tout rompre. Il porta la main à son cœur plus choqué peut être par sa propre réaction que par ce que se trouvait sur le sol, juste devant lui.

« C'est ... » Commença-t-il à dire en Japonais. « Quoi ? - pense-t-il - Une créature ? Un...humain ? Anatomiquement parlant, oui....mais en même temps ça n'a rien avoir....on dirait une sorte de chimère. » « Son corps semble fait d'une autre matière. »

« C'est magnifique » dit la créature, coupant le fil de ses pensées. Elle parle dans une langue étrangère, qui ressemble beaucoup à l'italien. « Magnifique...magnifico en italien. Elle parle une langue latine. » « Et elle trouve ce qu'elle voit magnifique » Un sentiment étrange remonte dans la gorge d'Uta mais encore une fois elle l'empêche d'aller plus loin.

« C'est en 2D ! Tout est en deux dimensions ! » s'exclame la créature. Elle ne l'a pas remarqué.

« Qui êtes-vous ? » Demande-t-il en anglais. Il pressent qu'elle maîtrisera mieux une langue occidentale.

La créature tourne la tête vers lui. Le choc se lit dans ses yeux. Le visage d'Uta lui reste aussi impassible que d'habitude, tel un masque nô. Leurs yeux se croisent pour la première fois. Elle le dévore entièrement du regard mais lui ne regarde que ses yeux. Ils ont l'air tellement vivants, plus vivants que toutes les proies, que tous les humains et même que toutes les goules qu'il a croisées au cours de sa vie. D'habitude, les goules ont les yeux les plus intéressants. Reflétant des choix impossibles et immoraux tous autant qu'ils sont, torturés jusqu'à la moelle.

Mais elle... c'est différent. Et le pire, c'est qu'il ne sait même pas pourquoi.

Sur ces entrefaites, la créature aux yeux étranges se met alors à vomir avec un certain enthousiasme sur son sol impeccable. Elle tente de se relever, sans succès évidemment. « Elle est dans un sale état, elle ne semble pas représenter une menace...en fait elle est plutôt pathétique. » Pense-t-il dubitatif. La créature semble s'en rendre compte elle aussi. Elle regarde autour d'elle d'un air ahuri.

« Je m'appelle Juliette. Je suis française ». Articule la jeune femme. « Vu son accent elle doit dire la vérité...mais une française ? Qu'elle vienne de la Lune serait plus plausible. »

Uta se lève doucement tout en réfléchissant. « En temps normal une telle intruse mériterait d'être dévorée sans plus de cérémonies. En temps normal oui... » Uta sonde du regard l'indésirable en question. « Elle a le même regard, celui qu'ont les humains lorsque je vais les achever. En même temps ses yeux sont plus expressifs, plus vivants. » Un frisson remonte toute sa colonne vertébrale. Son cœur manque un battement comme à une certaine époque. « Intéressant. » Uta ébauche un sourire vicieux qu'il dissimule aussitôt. Heureusement elle n'a rien vue, trop occupé à balbutier des paroles étranges à propos de dimensions.

Pour une fois Uta est légèrement décontenancé sur la marche à suivre. Pendant un millième de seconde. Et comme d'innombrables individus avant lui, il énonce :

« Je vais préparer du café » sur un ton aussi calme que si elle n'avait jamais fait irruption dans sa vie. Ce à quoi la créature répond par un évanouissement en bonne et due forme. Pas perturbé pour un sou, il s'en va préparer le café. A son retour elle était toujours affalée par terre, inerte.

Il pose le plateau sur lequel se trouve les deux tasses fumantes avant de se pencher vers elle. La jaugeant du regard il agrippe ses deux épaules et la tire jusqu'au mur à quelques mètres. Son contact lui fait l'effet de la glace, une sensation d'extrême répulsion magnétique. L'adossant en position assise, il la scrute de plus près. Ces cheveux lisses sont coiffés en multiples tresses qui se rejoignent à l'arrière du crâne pour en former une seule. « Elle est suffisamment habile de ses doigts pour ne pas être stupide. » Des taches de rousseur parsèment ses joues pales, livides même.

Elle a un sac bordeaux en bandoulière. Sans le moindre scrupule Uta se met à le fouiller, se forçant à ignorer cette répulsion organique qu'il ressent au contact des objets. Il y trouve des papiers d'identité, une monnaie (sans doute la monnaie européenne, bien qu'il n'en ait jamais vu avant.), un couteau gravé dont il apprécie la beauté et d'autre babioles qui ont l'air inoffensives ou dont il ne comprend pas la signification, ne parlant pas français. Puis il remet tout en place. Il s'agirait de ne pas effaroucher son invitée. « J'ai hâte qu'elle se réveille, ça promet d'être intéressant, sauf si elle est déjà morte. » Pris d'un doute il tend l'oreille. Ses sens affûtés de goule le rassurent immédiatement. « Elle est vivante » murmure-t-il, fasciné par la pulsation de sa carotide qu'il perçoit au creux de son cou. « Quel goût peut-elle avoir ? » Sa curiosité insatiable est ralentie, heureusement pour elle, par la répugnance physiologique qu'il ressent. Dédaigneusement, Uta se détourne d'elle en faveur de sa besogne initiale.

Dans quelques heures l'aube va poindre son nez. Mais pour l'heure il y a quelque part dans les bas-fonds de Tokyo, au détour des méandres de ruelles labyrinthiques, une goule qui sifflote à côté d'un être venu d'un autre monde. Des deux qui peut bien être le plus monstrueux ?

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Bon ....il y a encore du boulot en perspective !! Je ne me rendais pas compte à quel point écrire est dur ...mais c'est amusant donc ça compense. J'ai beaucoup de mal à écrire au présent, le passé est plus simple...sauf qu'écrire au présent donne une meilleure dynamique je trouve ...

Allez, je vais m'accrocher et tant pis si ça ne casse pas deux pattes à un canard !

D'ailleurs oubliez pas les oiseaux ! Faut les nourrir, c'est l'hiver. (Bon pas vraiment à cause du réchauffement climatique mais passons.)

Buvez des boissons chaudes en guise de bonnes ondes pour l'univers. À plus les poireaux, je me casse. :D

La parade du monde - avec ou sans toiDonde viven las historias. Descúbrelo ahora