AYLIN / N.O.S (PNL)

CHAPITRE QUARANTE-ET-UN

19 MARS 2022, 7H — AYLIN

Ça fait une heure que je fixe le plafond. Ces derniers temps, je me réveille très tôt et me couche souvent tôt aussi. J'ai l'impression que tout ce que je fais, c'est manger et dormir. Ce n'est pas totalement faux: je dois me trouver une occupation. Surtout que Nabil n'est jamais là et que ma mère et les filles travaillent elles aussi. Je me sens très seule.

Je me lève enfin et je vais prendre une douche. Je vais aller me promener un peu et puis à midi, on va aller manger chez la sœur de Nabil. J'ai bien vu que ce dernier n'était pas ravi que je sois invitée et cela m'a rendue triste. J'avais l'impression qu'il faisait des efforts en ce moment mais en fait, je me rends compte qu'il me parlait uniquement pour le bébé. En temps normal, ça m'aurait été complètement égal mais ce sont les hormones qui me rendent émotive.

Après avoir pris une longue douche réflexive, je sors de la salle de bains et je vais me préparer. Je commence par me maquiller, je prends du temps pour me pouponner. Au final, le résultat est très léger mais l'essentiel est là.

Je me sèche ensuite les cheveux et je mets des sous-vêtements avant d'aller me trouver une tenue. Je n'ai plus rien à me mettre à cause de ce ventre qui grossit à vue de nez.

Je sursaute quand je remarque que Nabil est là. Il est en train de fermer sa chemise et il se met à sourire en coin quand il me voit sursauter.

- Pourquoi tu mets une chemise pour aller chez ta sœur? demandai-je en fronçant les sourcils.
- Je vais bosser, dit-il en haussant les épaules.
- Quoi? T'es au courant qu'on va manger à midi?
- C'est 8h et on doit y être à midi, tu sais combien de dossiers je peux finir pendant tout ce temps?

Je souffle du nez et puis je finis par défroncer mes sourcils. Je ne sais pas si ce sont les hormones ou s'il est vraiment très attirant dans sa chemise mais j'ai envie de lui sauter dessus. Je me mords la lèvre et détourne le regard.

- Je passe te prendre vers 11h30?
- Oui.

Je lui tourne le dos et je choisis rapidement une tenue qui me va. Il sort de la pièce et je m'habille.

Une fois prête, je descends dans la cuisine et je me fais un thé.

11H30

Jasmine nous accueille chaleureusement chez elle et son mari me serre la main avec un sourire. J'aime bien la famille de Nabil, ils sont toujours très accueillants. Je ne sais pas si c'est vraiment sincère — et je comprendrais que ça ne le soit pas — mais ça fait du bien parfois.

On va s'assoir au salon et le petit Yassine nous rejoint. Il court dans les bras de son oncle et il me regarde timidement. Je lui souris et Nabil le fait s'assoir entre nous sur le canapé.

- Yassine, tu dis pas bonjour à Aylin? lui dit sa mère.

Il se met à m'observer puis il me salue timidement. On rit et Jasmine se lève pour aller mettre la table donc je l'accompagne.

- T'es pas obligée de m'aider, c'est vite fait t'inquiète! Vas t'asseoir.
- Non mais ça me dérange pas.

Elle me remercie et puis elle me montre les assiettes qu'elle veut utiliser. Je les prends et les pose sur la table, ainsi que les couverts, pendant que Jasmine pose les plats qu'elle a préparés — et qui ont l'air délicieux.

Yassine arrive en courant et il se cache derrière mes jambes. Nabil entre dans la cuisine en courant également et il fait semblant de ne pas voir son neveu. Il me fait un clin d'œil et il fait comme s'il le cherchait partout dans la cuisine.

- Yassine, t'es où?

Le petit rigole et Nabil s'arrête. Il s'approche de moi et me prend par la taille pour me décaler vers la droite. Le contact de ses mains sur mon corps et son regard dans le mien me font une sensation bizarre dans le bas du ventre. Je déglutis et baisse la tête puis il se baisse pour porter son neveu qui se met à crier.

- Vous faites quoi? Sortez de là! Purée Nabil t'es pire que lui! dit Jasmine en s'énervant.

Nabil lève les yeux au ciel et repart dans le salon avec Yassine toujours sur les épaules. Sa sœur soupire et continue de mettre la table.

- Il est tellement immature parfois. Quand lui et Yassine sont ensemble, j'ai l'impression d'avoir 2 enfants. Et t'imagines pas quand Issam s'y met lui aussi... me dit-elle.

Je ris et elle me sourit. On a fini de mettre la table donc elle appelle son frère et son mari qui ne traînent pas pour nous rejoindre. Nabil s'assoit à côté de moi, Jasmine et Issam en face de nous. Yassine est assis en bord de table et il boude parce qu'il voulait être à côté de Nabil. Il est adorable mais il rêve s'il pense que je vais lui laisser ma place.

- Yassine c'est vraiment la copie de Nabil, si tu l'avais pas déjà compris, me dit Issam.
- Ah ouais, ça c'est sûr! On aurait jamais dû laisser ce gamin s'occuper de notre fils, rajoute Jasmine.

Nabil les insulte indirectement pour ne pas dire de gros mot devant le petit et je ris. On commence à manger mais on discute en même temps.

- Nabil c'est le petit capricieux de la famille, dit Jasmine en souriant.
- Tu rigoles? T'as oublié Camélia? dit-il en s'indignant.
- Non, je t'assure que t'es pire.

Ils débattent sur qui était le pire et je les écoute en souriant. Ils commencent à parler de leur adolescence et de toutes leurs conneries.

- Non mais t'imagines, 4 ados et y a 4 ans de différence entre Camélia — la plus jeune — et moi —la plus âgée des 4 —, me dit Jasmine.
- Ah ouais, j'imagine pas l'ambiance à la maison.
- Laisse tomber, les parents en ont vu de toutes les couleurs.

Nabil se met à rire et il raconte sa plus grosse connerie. Je comprends vite que Camélia et lui étaient inséparables et qu'ils ont fait les 400 coups ensemble. C'est quand même bizarre, elle n'est pas venue à la maison une seule fois depuis que j'y vis. Nabil est sûrement allé la voir mais ça reste bizarre.

- Et toi t'étais comment pendant ton adolescence? me demande Issam.

Tous les regards sont posés sur moi et je ris nerveusement.

- Avec ma mère on avait des gros problèmes d'argent donc j'ai pas vraiment eu le temps d'avoir une adolescence normale. Les conneries je les ai faites une fois majeure.
- Comment ça se fait? Désolée de ramener le sujet mais on est allés chez Melek et ils ont une énorme maison. C'est pas ta cousine? me demande Jasmine.

Nabil la fusille du regard. Je me racle la gorge. Je n'ai pas envie de m'exposer autant et tout leur raconter.

- J'ai perdu mon père quand j'avais 13 ans et après ça, sa famille nous a rejetées ma mère et moi.

Ils semblent tous choqués. Je ne crois pas avoir parlé de ça avec Nabil non plus. Je baisse la tête et fixe mon assiette mais heureusement, Yassine commence à parler alors ils changent de sujet. Je déteste me sentir aussi vulnérable.