Chapitre 13

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« Les hommes aiment se faire peur. »

Voilà la réponse énigmatique qu'Edwina Carlisle lui avait lancée, quand il lui avait demandé pourquoi elle avait décidé d'ouvrir l'Institut. Jean-Michel, après plusieurs années de service à Carlisle, avait toujours ce même sentiment d'appréhension quand il y arrivait, à l'aube, et de soulagement, quand il rentrait chez lui, le soir. Il ne s'habituerait décidément jamais à l'ambiance sombre de la vieille bâtisse. Même les murs ternes de la prison lui offraient plus d'hospitalité.

Et pourtant, Jean-Michel était loin d'être un ingrat. Depuis qu'il avait obtenu cet emploi de chef de surveillance, sa femme Allison et lui vivaient plus confortablement qu'auparavant, lorsqu'ils dépendaient presque entièrement du salaire d'avocat de son épouse – le salaire de geôlier que lui fournissait la prison s'élevant à peine au dessus du SMIC. Il en était infiniment reconnaissant à la directrice, qu'il admirait presque autant qu'il ne la craignait.

Mais il avait aperçu à plusieurs reprises, derrière le masque de glace dédaigneux d'Edwina, un visage bienveillant, de femme entièrement dévouée à sa vocation. Elle semblait aimer l'Institut et tenir à ses élèves comme s'ils étaient ses propres enfants. A chaque fois qu'il lui apportait un nouveau dossier, Jean-Michel la voyait se plonger dedans comme s'il s'agissait d'une découverte formidable, d'un « défi tout neuf à relever » lui avait-elle dit, le sourire aux lèvres, un jour où elle était de bonne humeur.

La directrice était une importante associée des prisons du monde entier. Elle s'était lancé un pari unique, extrêmement dangereux, et elle ne paraissait jamais se lasser d'accueillir de nouveaux criminels et de les former à redevenir des citoyens « normaux ». Par ailleurs, nombreux étaient ceux qui avaient décidé de travailler pour Edwina, après la fin de leur scolarité.

« Jean-Michel ! l'apostropha une voix angoissée, Madame la directrice vous demande. »

L'homme remercia Éléna, l'assistante d'Edwina, et se dirigea vers le bureau de cette dernière, une boule se formant dans son ventre. Il entra sans frapper, comme le lui avait ordonné sa supérieure. Elle se tenait immobile face à la fenêtre, les mains dans le dos. Jean-Michel se racla la gorge pour l'informer de sa présence, mais elle ne se retourna pas. La femme lâcha néanmoins, d'une voix plus faible qu'à l'ordinaire :

« Je sais que vous êtes là ; asseyez-vous Jean-Michel. »

Il s'exécuta et attendit. Au bout de quelques minutes, la directrice fit volte-face. Elle planta son regard de glace dans les prunelles de son employé et annonça, d'une voix lasse :

« Comme vous le savez, les trois garçons blessés lors de l'incident de ce matin ont été envoyés à l'infirmerie... Ils n'ont pas survécu. »

L'oratrice observa l'air médusé qui se peignit sur le visage de l'homme et reprit impassiblement :

« Leurs familles ont été prévenues. D'autre part... Deux autres élèves ont été assassinés cet après-midi. Nous avons puni les coupables et transmis le message aux parents. Nous avons besoin d'hommes pour déplacer les corps ; merci de vous en charger, Jean-Michel. »

Son interlocuteur avala péniblement sa salive et passa une main dans ses cheveux grisonnants.

« Bien, Madame. »

Il jeta un dernier coup d'œil à sa supérieure, avant de quitter la pièce. Edwina Carlisle soupira et se servit une tasse de thé.


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Katerina contempla sa chambre avec satisfaction. Le congélateur qu'elle avait reçu d'Allison trônait à quelques pas de son lit, l'administration le lui ayant fait livrer dès son retour. Prise d'une soudaine envie, elle se dirigea vers le congélateur pour se servir une glace. Elle observa attentivement les différents parfums. Fraise, poire, pistache, mangue, kalachnikov, chocolat...

Son regard revint brusquement sur l'un des objets. Kalachnikov ?! Mais qu'est-ce que cette arme faisait là ?! La jeune fille grommela. Elle n'aimait pas les kalachnikovs. Elle aurait préféré trouver un 9mma...

En plus, l'arme était gelée ; il faudrait qu'elle pense à la sortir de là. Mais une affaire plus importante l'attendait : elle finit par sortir la glace à la noisette qu'elle savoura à même le pot. Elle dégustait tranquillement son encas quand une furie surgit dans sa chambre. Elle râlait et semblait folle furieuse.

Katerina lui jeta un regard agacé et, à bout de nerfs, lui lança :

« Va prendre une glace et arrête d'hurler, tu me donnes mal à la tête. »

Allison ouvrit le congélateur et poussa un petit cri, qui rappela à Katerina le couinement d'une souris.

« Il-il y a une kalachnikov dans ton congélo ! s'écria la femme, prise de panique. »

La jeune fille poussa un long soupir.

« Ah oui, c'est vrai ; j'avais oublié. Il va absolument falloir que je la sorte, mais j'ai vraiment la flemme dans l'immédiat, grogna-t-elle. »

Elle enchaîna :

« Alli, je te conseille la banane ; elle est très bonne. Ou la fruit de la passion, c'est toi qui vois. Mais pas la chocolat-piment rouge, elle doit être très forte. »

L'adolescente fit tourner la cuillère entre ses lèvres, sa langue rose léchant avec plaisir la glace fondue.

« Katerina, je sais que tu es une criminelle, mais il y a une arme, qui ne t'appartiens pas, dans ton congélateur, et tout ce que tu trouves à faire, c'est me conseiller en choix de parfum de glace ? souffla Allison, ahurie. »

Katerina la fixa longuement... avant d'hausser les épaules.

« Oui, affirma-t-elle. »

Et elle termina sa glace.


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Hello les gens ! ☺

Aloooors, comment avez-vous trouvé ce chapitre, écrit à quatre mains ? (Enfin à deux mains, mais à deux personnes, brefouille...)

Pour info, nous venons de trouver une nouvelle recrue dans le casting : Keiko Kitagawa, sublime actrice japonaise, pour représenter l'extravagante Allison ! Qu'en pensez-vous ?

Du coup, nous allons peut-être modifier quelques petits détails dans les chapitres où elle apparaît, notamment sur un plan descriptif. ;)

On en découvre un peu plus sur notre chère Edwina et sur Katerina... qui se révèle être une fana des glaces ! xD

N'hésitez pas à voter si vous avez aimé et à commenter, même si vous avez trouvé ce chapitre d'une nullité absolue ! 😂 ♥ 

 

Bienvenue à l'Institut CarlisleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant