Chapitre 2

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« Entrez. »

La porte claqua.

« Que me veux-tu ? »

Les deux individus se jaugèrent quelques instants. Deux regards d'acier plongés l'un dans l'autre. Quelques minutes passèrent. L'homme finit par baisser les yeux.

« Jasper l'a raccompagnée, marmonna-t-il d'une voix plate. »

Son interlocutrice ne répondit pas et leva un sourcil d'un air réprobateur. L'autre s'assit et soupira :

« Jasper a raccompagnée la nouvelle recrue à sa chambre, comme vous l'aviez ordonné Madame. »

La femme acquiesça :

« Bien. »

Avant d'ajouter, d'une voix autoritaire :

« Fais la amener ici.

- Mais vous venez de l'envoyer à l'autre bout de l'Institut ! s'indigna l'employé. »

Sa supérieure plissa les yeux et sa mâchoire se contracta. Elle s'approcha de son interlocuteur, les sourcils froncés, provoquant un mouvement de recul brutal de la part de ce dernier. Les lèvres pulpeuses de la femme s'étirèrent en un sourire carnassier. Elle rejeta en arrière ses cheveux d'un blanc immaculé. Ses yeux de glace lui jetèrent un regard aguicheur et elle tendit la main pour lui frôler la joue. Cette caresse transperça la peau de l'homme comme la lame d'un couteau et un frisson parcourut son dos.

Troublé, perdu dans ce regard séduisant, l'employé entrouvrit ses lèvres et attrapa le visage de sa supérieure, ses doigts s'agrippant à la chevelure de la femme. Cette dernière s'empressa de le pousser brutalement en arrière, avant de lui agripper le bras avec une force surprenante. Il se débattit, en vain, tandis que son adversaire lui tordait le bras dans son dos. Il lâcha plusieurs gémissements de douleur, et la suppliait, haletant, d'arrêter. Elle continua de tirer, un sourire perfide aux lèvres, jusqu'à ce que l'épaule de l'homme craque et qu'il s'effondre au sol.

Puis, elle se pencha sur lui avec une moue de dédain et siffla :

« Obéis-moi, toujours. Ne me sous-estime jamais ! »

L'homme serra les dents et gémit, d'une voix pleurnicharde, toute contenance évaporée :

« Oui madame, je vous le jure. Mais je vous en supplie,  laissez-moi la vie sauve! Ne me blessez pas ou faites moi soigner  ! J'ai quatre enfants, une femme qui... »

Avec un rictus mauvais, sa supérieure le fit taire, en lui assénant un solide coup de pied dans la nuque. L'impact du coup lui fit perdre connaissance. Elle appela un de ses sous-fifres, qui s'empressa d'accourir et de débarrasser le plancher de cet individu. Puis, la femme refit son chignon, épousseta son tailleur et sortit un miroir de poche d'un tiroir de son bureau. Elle y admira son reflet quelques instants, l'estimant très avantageux.

Soudain, une sonnerie de téléphone retentit, l'arrachant à sa contemplation. La femme soupira, agacée, et empoigna l'appareil. Reconnaissant le numéro qui s'y affichait, elle se racla la gorge, prête à prendre la voix rauque qu'elle employait pour leur parler, et décrocha.

« Bonsoir madame, ici l'agent X562. Comment évolue votre projet ?

- Parfaitement. Nous en sommes à 3 689 recrues. Il est temps de lancer la phase 2.

- La phase 2, madame ?

- Oui, la phase 2. Extermination et entraînement collectif.

- Bien, madame.

- Les références des sujets appartenant à ces classes vous seront communiquées dans les plus courts délais.

- Bien, madame.

- Et il nous faut des munitions et des armes. Nous n'en avons plus suffisamment.

- Je m'en chargerai, madame.

- N'oubliez pas les kalachnikovs. Ni les poignards.

- Bien sûr, madame.

- Et triplez toutes les commandes. L'heure est venue ; que la Sélection commence ! »


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L'habitacle était silencieux. Katerina regardait le paysage défiler par la fenêtre. Son visage reflétait un ennui profond. De son côté, le chauffeur lui lançait de fréquents coups d'œil, vérifiant ce qu'elle faisait.

Ils finirent par s'arrêter dans une petite ville. L'homme descendit et alla s'entretenir avec un couple qui venait d'arriver sur le parking. La femme, une sublime asiatique, s'approcha avec curiosité de la voiture, laissant les deux hommes parler. Elle la contourna et se posta devant la fenêtre, derrière laquelle se trouvait la jeune fille fraîchement libérée.

Elle ouvrit la porte, malgré l'interdiction, et plongea ses yeux dans les siens. L'indifférence qu'elle y lut la stupéfia. Elle s'attendait à de la haine, ou au moins à de la colère, mais non, rien. Elle ne pouvait pas lire ses sentiments comme elle le faisait, d'habitude. Soit cette gamine n'en n'avait pas, soit elle savait parfaitement se contrôler. Dans tous les cas, ça faisait d'elle une élite. La femme prit son sourire le plus chaleureux et l'apostropha :


« Salut ma belle ! Je m'appelle Allison et toi ? Comment s'est passé le voyage ? Jean-Mich' ne t'a pas trop soûlée ? Tu aimes le shopping ? Au fait, j'ai 30 ans. »


En face d'elle, la fille gardait son air blasé. Elle finit par soupirer :


« Comme si vous ne saviez pas déjà tout ça... »

Sa voix lui fit froid dans le dos. Elle était lointaine, sans émotions, rauque, mais étrangement mélodieuse. Ses yeux s'étaient soudain refroidis, mais toujours aucun sentiment au fond de ses prunelles bleues. 

La femme se figea. Cette fille était bien trop jeune pour être aussi... Mature, distante, hautaine. Même la folle avait mis des années avant de maîtriser ses émotions a ce point. Serait-elle plus douée que la femme la plus dangereuse au monde ? Serait-ce elle qui parviendra à la faire tomber ? Ça lui faisait presque de la peine de la livrer à Edwina...


« Je commence déjà à bien t'aimer, toi. J'espère que tu tiendras, Katerina Rostotev... »







Bienvenue à l'Institut CarlisleWhere stories live. Discover now