01 > Le passé reste au passé.

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Je dois maintenant revenir en arrière. D'ailleurs pour que vous compreniez tout il faudrait retourner exactement trente six ans dans le temps..

Peu importe l'année, le mois, le jour, l'heure. Aucune importance, sincèrement.

J'avais deux ans, seulement deux petites années quand je venais d'être abandonnée par mes parents. Pour eux, il fallait que j'échappe au destin tragique qui m'était réservé dans mon pays natal, le Liban. Leur seule solution ? L'abandon. Oui, me laisser dans un bâteau, direction la France.

Aujourd'hui tout ce qui est sur, et même certain, c'est qu'ils sont tous les deux morts.

Morts, décédés et enterrés, mais comment ? Bonne question, d'ailleurs on aura jamais la réponse.

De mes deux ans à mes six ans je pense avoir fait tous les orphelinats existant dans la région parisienne.. Comment dire ? Je n'avais pas trop la "gueule" qui plaisait, j'étais pas "typée occidentale". Encore aujourd'hui je garde un léger accent quand je parle mais il était encore plus présent quand j'étais petite. Ma couleur de peau n'était pas commune, j'avais la peau assez matte alors que mes yeux étaient très clairs et je pense que le contraste ne plaisait pas à tout le monde. Combien de famille m'avaient refusées ? Je n'pouvais plus les compter. Tous les orphelinats espéraient se débarrasser de moi alors ils me transféraient, au nord, au sud, à l'est, à l'ouest, au centre de Paris et même en banlieue parisienne.

Le jour de mes sept ans j'avais été adopté par une famille qui financièrement parlant pouvait se permettre de faire des folies tous les jours sans avoir besoin de surveiller leur compte en banque. C'était un couple de maghrébin, deux marocains..

Si je suis ce que je suis aujourd'hui je ne le doit qu'à eux, qui m'ont pris comme leur fille, qui m'ont inculpé des valeurs et des principes..

Les années passaient et passaient, jusqu'au moment des années collège/lycée. J'étais assez bonne à l'école mais c'était pas vraiment ce qui m'intéressait le plus, d'ailleurs je n'aimais pas ça du tout mais bon, je me donnais un minimum pour faire plaisir à mes parents. J'en avais strictement rien à faire des cours de maths et de français honnêtement, tout ce que j'aimais c'était dessiner.. Je retranscrivais tous mes souvenirs du Liban, de mon enfance, même s'ils étaient un peu vague. Ma personnalité était discrète, je détestait me faire remarquer, j'étais une éternelle solitaire et puis de toute manière pour dessiner j'avais besoin de personne. J'aimais être tranquille, avec mes feuilles, mon stylo et point.. Mais tout ça c'était pas vraiment l'avis de Sabri. Lui c'était l'espèce d'emmerdeur du bahut.. Il faisait clairement parti de ces gens à l'égo surdimensionné et à la beauté éblouissante. J'aimais pas son comportement, il était trop arrogant, trop charmeur.. Mais du jour au lendemain il a changé, il se moquait de plus personne, il draguait plus les filles du lycée et il venait vraiment que très rarement en cours.. Il perdait son sourire et devenait agressif. Sabri changeait de jour en jour sans raison apparente.. Enfin, sans raison apparente pour vous, mais vous allez maintenant pas tarder à savoir.

Après mes années solitaires (collège-lycée) mes parents m'avaient inscrit à la fac de lettres. J'avais aucune envie d'y aller mais bon, j'étais prête à tout pour la fierté de papa et maman, alors sans broncher j'allais à la fac. Cette année là, Sabri était sur les listes des élèves de ma classe mais il n'était venu que deux semaines après la rentrée.. Il avait changé encore. Il avait une carrure de bonhomme, et les traits du visage beaucoup trop ferme pour être quelqu'un d'heureux. Comme si une épreuve de la vie l'avait marqué, endurci, fait grandir.. Sabri venait toujours en cours quand il voulait et si seulement il le voulait. D'ailleurs, le peu de fois où il venait ça nous arriver de parler légèrement, sans plus, rien de sérieux. Jusqu'au jour où je dessinait le portrait de ma mère, enfin, je dessinait les souvenirs d'elle qu'il me restait..

S - Wesh pourquoi tu tfais vla les rides as comme ?
M - C'est ma mère, dis-je froidement en fermant mon calepin.
S - Ah tu lui ressemble de fou, jlavais jamais vu..
M - Mets pas ton nez dans mes affaires Sabri.

En à peine une seconde, mes affaires étaient déjà toutes dans mon sac et j'étais déjà carrément sortie de la salle.

Point de vu extérieur > Il s'en fouttait d'la 4G il contrôlait déjà le réseau.

- Elle est chelou la celle wAllah, pensa-t-il fortement.

Sabri avait raison, Méhdna était "spéciale". Peut être dotée d'un tempérament de guerrière, mais surtout d'une âme solitaire. Méhdna supportait rarement la compagnie des gens, pour elle ils étaient trop curieux, ils se mêlaient de ce qui ne les regardaient pas.. Son passé et ses parents étaient enterrés au Liban, il était hors de question d'en reparler : le passé reste au passé et le présent appartient au présent.

Elle n'aimait pas tellement les gens qui essayaient d'en savoir plus sur elle, l'essentiel était à savoir, elle s'appelait Méhdna et avait 19 ans.

Pour être honnête, elle n'aimait pas les gens généralement.

Mais d'un autre côté, Méhdna avait aussi raison. Sabri était trop curieux, arrogant, trop charmeur, et même sans le vouloir, sans le savoir, sans le voir, il rendait dingue de sa personne toutes femmes croisant son sombre chemin.. Sabri plaisait aux femmes et c'est ce qu'il aimait car il pouvait en jouer. Il était beau, mais prétentieux, son ego fissurait les miroirs mais c'est ce que certaines aimaient chez lui..

Au moment où sa mère était tombée malade, il avait tout fait passer au second plan, les femmes, les amis, les cours ; au dessus de la pile c'était sa mère et rien d'autre.

Il faisait des petits jobs qu'il additionnait mais les revenus étaient beaucoup trop juste, son père ne gagnait pas assez pour pouvoir combler les trous que causaient les factures.. Sabri en avait marre de voir l'état de sa mère empirer, le dos de son père se courber, il n'en pouvait plus de rentrer à 22h claqué après avoir travaillé à tel et tel endroit, alors comme tout homme de banlieue voulant gagner de l'argent en masse et assez rapidement, Sabri entra dans les trafics.

Aussi loin que nous emportera le vent.Where stories live. Discover now