Gueule d'ange [PREQUEL DVOS]...

Von JHaltRoen

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Au moment de notre naissance, les étoiles se concertent et tracent la voie que nous serons amenés à suivre. Q... Mehr

Avant-Propos
Prologue
.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8 - Partie I
Chapitre 8 - Partie II
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
.
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Epilogue
Remerciements

Chapitre 1

57 11 17
Von JHaltRoen


7 avril 2005


De longues minutes s'étaient écoulées depuis que Shane avait quitté cette lugubre impasse de Brooklyn. Malgré le vent glacial qui s'était levé et qui balayait maintenant les rues du quartier, il continuait de se laisser entraîner par la jeune fille qui guidait toujours ses pas. Devant eux, l'homme au regard de glace avançait d'un pas furieux, à l'affût de la moindre sirène de police, même la plus lointaine.

Au bout de quelques mètres, le petit groupe arriva à hauteur d'une rue quasi déserte, où seule la devanture d'un club éclairait la nuit noire. Quatre hommes élégamment vêtus patientaient devant son entrée. Ils adressèrent tout d'abord un regard curieux à Shane, puis saluèrent les deux inconnus qui l'escortaient d'un signe de la tête. La porte du club s'ouvrit alors sur un jeune homme massif qui se décala presque aussitôt pour leur permettre d'entrer dans l'établissement de nuit. La fille, qui tenait encore l'adolescent par le bras, s'engouffra à l'intérieur à la suite de son complice.

Lorsque le battant se referma derrière lui, une odeur musquée vint chatouiller ses narines. Toujours sous l'impulsion de sa guide, Shane franchit un épais rideau noir et pénétra dans la salle principale du club. Aussi émerveillé que terrifié par le décor somptueux qui l'entourait, il laissa son regard vagabonder sur les immenses miroirs qui ornaient les murs, puis sur les lourdes étoffes de velours noir qui les encadraient. Il se laissa hypnotisé par le lustre monumental qui trônait au centre de la pièce, puis par le bar en bois ancien et son mur lumineux, dont les étagères étaient recouvertes de bouteilles d'alcool. Celui-ci était entouré par deux superbes escaliers circulaires, menant à un étage privé. Mais par-dessus tout, Shane ne parvenait plus à détourner ses yeux des magnifiques créatures qui dansaient lascivement, perchées sur de petites estrades cernées de fauteuils noirs. Là où quelques clients aux iris luisants se repaissaient de leurs courbes sensuelles, ivres d'alcool et de désir.

Bien qu'il n'eût jamais vu de plus grandes merveilles qu'en ce lieu, le garçon sentit une légère boule de nervosité grandir peu à peu au plus profond de ses entrailles. Quelque chose n'allait pas. Le décor de cet endroit avait la beauté, le scintillement et la précision aiguisée d'une lame d'acier tranchante dont il fallait à tout prix se méfier.

Comme si elle avait ressenti sa peur grandissante, la jeune fille resserra son emprise sur le bras de Shane et accéléra le pas jusqu'à atteindre une petite porte noire, dissimulée sous les escaliers de gauche. Plus vite le garçon pauvre et en guenilles disparaîtrait du décor luxueux qui l'entourait, mieux cela vaudrait pour tout le monde. Elle le savait et c'est pourquoi elle précipita son invité dans une nouvelle pièce située derrière le bar, avant de refermer en toute hâte la porte dans son dos.

La musique s'évanouit brusquement et Shane prit une profonde inspiration pour tenter de calmer les battements de son cœur, à l'affût face à un danger qu'il savait imminent. La fille relâcha son bras, laissant alors une étrange sensation de vide à ses côtés, puis s'éloigna à la hâte. Au même instant, deux mains colossales s'abattirent sur ses épaules. Son palpitant fit un bond dans sa poitrine.

— Allez, avance !

Désarçonné par ce nouvel accès de brutalité, Shane se vit propulsé au centre de la pièce sans ménagement aucun. Terrassé par l'angoisse, son regard scanna cet environnement avec une rapidité hors du commun.

Il se tenait à côté d'une petite estrade, percée en son centre par une longue barre de métal, similaire à celles sur lesquelles dansaient les créatures de la pièce voisine. Un canapé noir lui faisait face, derrière lequel quatre autres hommes étaient accoudés au comptoir d'un petit bar et le contemplaient sans dire un mot. À leur gauche, la fille qui l'avait escorté jusqu'ici s'était défaite de son manteau et dévoilait un pull bleu-marine, simple, qui tombait parfaitement sur ses hanches. Elle-même se tenait près d'un garçon à peine plus jeune que l'adolescent et dont les yeux terrorisés balayaient également l'espace.

— Bien, mes amis. Que la fête commence !

Shane sursauta quand l'homme aux iris d'acier le dépassa pour aller s'installer sur le canapé, tout en scannant son visage avec un intérêt vaguement dissimulé.

— Ce soir, la bonté de notre chère Zara a encore frappé. Alors que je venais de régler son compte à Matt, elle s'est interposée afin que je ne tue pas ce.. Euh. C'est quoi ton nom déjà ?

Perplexe, le garçon hésita un instant avant de répondre dans un murmure :

— Shane...

— Bien ! Très bien ! Donc malgré le fait que Shane ai été un témoin gênant de la fin de notre ancien compagnon, j'ai décidé de l'épargner. Pour elle.

La dénommée Zara croisa les bras sur sa poitrine et se pinça les lèvres, visiblement incommodée par les propos de son complice. Les quelques hommes présents échangèrent un regard sceptique, avant de reporter leur attention sur Shane. Celui-ci sentit tout à coup un profond malaise prendre possession de lui. Et lorsqu'il plongea dans les iris de glace qui ne déviaient plus de sa personne, un long frisson lui remonta l'échine.

— Enfin, maintenant, reste à savoir si tu vas vraiment m'être utile...

— Qui êtes-vous ?

— Bonne question.

L'homme afficha un sourire carnassier et contourna la demande du garçon avec brio.

— Dis-moi plutôt, qui tu es, toi. Shane. Qu'est-ce que tu fais de ta vie et qu'est-ce que tu faisais, assis par terre dans cette impasse en pleine nuit ?

— Je... J'habite dans la rue.

— Dans la rue ?

— Oui.

— Depuis combien de temps ?

— Presque un an, je crois.

— Tu n'as pas de parents ?

Shane ne répondit pas tout de suite à cette question. Le visage baissé, il lutta contre le puissant sanglot de douleur qui lui enserra la cage thoracique, à l'évocation de ce souvenir. Zara s'en aperçut et décroisa les bras, attendrie.

— Je t'ai posé une question.

Shane secoua la tête en signe de négation et l'homme arqua un sourcil, étirant ses lèvres en un sourire imperceptible.

— Intéressant... Et comment tu as fait pour survivre dans la rue jusqu'à présent ?

Le garçon se mura dans le silence, incapable d'avouer ses méfaits les plus honteux. Mais l'homme ne tarda pas à lire en lui comme dans un livre ouvert, découvrant bien vite le secret qu'il tentait désespérément de cacher.

— Tu voles, pas vrai ?

En guise de réponse, Shane laissa échapper deux gouttes de sous ses paupières, qui vinrent s'écraser sur son jean. L'homme se recula contre le dossier du canapé, sans jamais le quitter des yeux.

— Vraiment très intéressant.

Shane osa un bref regard en direction de son interlocuteur, qui affichait un nouveau sourire de satisfaction. Après quelques secondes de silence, ce dernier se redressa, posa ses avant-bras sur ses genoux et lui murmura, comme s'il était désireux de partager avec lui une confidence :

— Dis-moi, ça te dirait de ne plus avoir à dormir dehors ? D'avoir un job et de quoi manger à ta faim tous les jours ?

L'adolescent acquiesça d'un petit signe de la tête. L'homme étira un peu plus ses lèvres et poursuivit, avec enthousiasme :

— Bon, écoute-moi bien, c'est très simple. Je peux te donner tout ça, tout ce dont tu as besoin. Mais bien entendu, ça n'est pas gratuit.

Il marqua un temps d'arrêt avant de reprendre, d'une voix plus grave :

— En échange, tu travailleras pour moi. J'attends de toi une loyauté sans failles et une résistance à toute épreuve. Je me doute que la rue a déjà dû t'apprendre la ténacité... C'est d'ailleurs elle qui forme mes meilleurs éléments. Mais je veux aussi que tu me le prouves. Ce soir, même. Parce qu'on n'entre pas chez nous comme ça...

Shane releva lentement la tête vers son interlocuteur et demanda, d'une voix à peine audible.

— Mais vous ne m'avez toujours pas dit qui vous étiez...

— Tu n'as pas besoin de le savoir. Du moins, pas avant que je sois sûr de toi. Par contre, je veux bien te donner quelques indices. Je dirige un gang... Non, attends. J'aime pas ce terme. Une entreprise à Brooklyn. Je m'occupe principalement de revendre de la drogue et des armes. J'ai aussi quelques filles à gérer, mais j'ai dans l'idée de me diversifier dans les prochaines années.

Le garçon se crispa sur son fauteuil à mesure qu'il sentait le piège se refermer sur lui. Le chef ne prêta aucune attention à sa réaction et poursuivit son laïus :

— J'ai besoin de nouveaux éléments à former, des jeunes. Et toi, tu as besoin d'un job et d'un toit. Si tu nous rejoins, je te promets que tu ne connaîtras plus jamais la faim. Par contre si tu refuses, un de mes hommes te conduira dans un petit coin isolé, te collera deux balles dans la tête et te balancera dans la Hudson. N'en déplaise à ta sauveuse.

Shane sentit son sang se glacer dans ses veines. Son cœur atteignit des sommets de cadence dans sa poitrine. Épouvanté, il tenta de calmer son souffle de plus en plus saccadé, en vain. L'homme se laissa de nouveau aller sur le dossier du canapé et souffla :

— Tu vois ? Zara, t'as offert le choix ! Vivre ou mourir ! Estime-toi heureux, peu de gens ont eu cette chance !

— Je...

Les pensées se bousculaient dans l'esprit de Shane. Il se souvint brusquement des paroles de Marguerite au sujet de son avenir, puis de celles de Logan au sujet de ses parents. Il se souvint aussi de toutes ces fois où la vie l'avait mis à mal et de la manière dont il s'était relevé, parce que ne jamais abandonner était inscrit au plus profond de son être depuis qu'il avait poussé son premier cri.

Aujourd'hui ne ferait pas exception. Il le sentait. Shane n'avait pas l'intention de déroger à la règle qui avait régi toute son existence, fût-il confronté une nouvelle fois au danger et à la mort.

— J'accepte.

Une lueur machiavélique s'éveilla dans les prunelles du chef et des murmures enthousiastes s'élevèrent de l'assistance. Seule Zara et le plus jeune des garçons à ses côtés restèrent silencieux. Elle posa ses mains sur les frêles épaules de ce dernier, une lueur d'inquiétude brillant dans ses iris clairs.

Soudain, l'homme quitta le canapé et se retourna promptement vers le bar en déclamant :

— Mes amis, ce soir vous aurez donc droit à un combat en règle ! Finn, appelle Rafe et dis-lui qu'il n'a finalement pas besoin d'amener sa recrue. Nous avons déjà nos deux candidats...

Il fondit ensuite sur le plus jeune membre de son assistance et l'arracha des mains de Zara, sans qu'elle eût le temps de répliquer quoique ce fût. Les couinements de peur du garçon provoquèrent une vague d'effroi chez Shane qui resta figé sur place, sans dire un mot. Sans plus de cérémonie, le chef propulsa sa victime contre l'estrade, sur laquelle cette dernière s'affala lourdement, le visage en larmes.

— Shane, Ethan, c'est l'heure de me prouver que vous êtes dignes d'intégrer nos rangs ! Les règles sont simples. Deux combattants, pas d'armes. Battez-vous jusqu'à ce que l'un d'entre vous soit K.O. Le gagnant intègre direct la bande, le perdant aura la chance de tâter le poing de ces messieurs. Résister ou mourir. C'est ce que vous devrez apprendre si vous souhaitez nous rejoindre. Des questions ?

Shane sentit l'horreur dévorer chaque millimètre de sa peau. Il porta son regard sur Zara qui, tête basse, s'empressa de récupérer son manteau et se précipita hors de la pièce, visiblement peu enclin à assister à un tel spectacle. Le dénommé Ethan, toujours avachi sur l'estrade, vit sa respiration s'emballer lorsque son adversaire posa ensuite les yeux sur lui.

De son côté, le chef s'était confortablement installé sur son canapé, comme s'il s'apprêtait à regarder une vulgaire comédie dans son salon. De leurs côtés, ses sbires commençaient à encourager les deux combattants figés dans leur angoisse. Au bout de quelques secondes, et voyant que ni lui ni son compagnon d'infortune ne se décidaient à engager le combat, le dénommé Finn agrippa le col du manteau noir de Shane et le secoua.

— Bouge ! Allez !

Ce dernier obéit et se débarrassa alors lentement de la lourde étoffe qu'il déposa sur le sol, derrière lui. Il contempla ensuite ses poings tremblants, ahuri. Toute sa vie, il avait fui la bagarre. La violence lui avait déjà pris sa mère et la haine s'était occupée du reste. Subir les coups, la rue le lui avait déjà enseigné, mais pour ce qui était d'en donner...

Soudain, comme propulsé par un instinct primaire ravageur, Ethan se leva d'un bond, au bord de la crise d'hystérie. Possédé par un instinct de survie couplé à une vague de panique foudroyante, il arma aussitôt ses poings et se mit à frapper le vide en poussant des hurlements glaçants. Shane recula d'un pas, stupéfait.

— Mais qu'est-ce que tu attends ? Allez ! Vas-y !

C'était la voix de Finn qui résonnait dans son dos. Les encouragements de l'assistance retentirent tout autour d'eux lorsqu'il esquiva de justesse le premier coup de poing asséné par un Ethan tout bonnement enragé. Le cœur battant à tout rompre, Shane porta ses poings devant son visage pour se protéger des coups de son assaillant. Ce dernier frappait sans réellement s'en rendre compte, guidé par la peur que l'idée de mourir instillait dans ses veines.

Le garçon encaissa les premiers coups tant bien que mal, mais le double combat qu'il menait intérieurement ne faisait qu'amenuir son espérance de vie. Déchiré par son aversion pour la haine et son instinct de survie, il semblait être le témoin hagard de l'ultime affrontement entre le bien et le mal qui gangrénait son âme. Une douleur mentale, plus puissante encore que la souffrance physique, étendait ses longs doigts tout autour de son cerveau et prenait un malin plaisir à lui infliger ses éternelles tortures du passé.

Les idées ne cessaient de se bousculer dans sa tête. Les coups qui pleuvaient sur lui n'avaient de cesse de lui rappeler ceux que Georges Kenway avait fait pleuvoir sur sa mère. Ceux que ces cinq garçons lui avaient aussi infligés dans cette ruelle, sous la pluie, alors qu'il était au plus mal. Ils n'avaient de cesse de lui rappeler tout ce que la haine lui avait déjà pris jusque là. Le doux regard de Marguerite, la chaleur des bras de Loïs, l'amour de ses parents...

Shane ferma les yeux, laissant une nouvelle larme acide rouler sur sa joue.

Et ce fut alors à cet instant précis que le barrage de son humanité céda sous le poids de la douleur.

Sa conscience l'abandonna, engloutie par une bête puissante et démoniaque, nourrie par des années de souffrance et d'injustice. Manipulé par cette force abjecte, Shane se redressa de toute sa hauteur et envoya un direct du droit en plein dans le nez de son adversaire. Un craquement résonna dans l'espace en même temps qu'une giclée rouge aspergea l'estrade illuminée derrière eux.

De son canapé, le chef étira ses lèvres en un petit sourire de satisfaction. Ethan tituba en arrière en couinant de douleur. Shane relâcha sa main endolorie, écartelé entre ses regrets et la frénésie sanguinaire qui s'était emparée de lui. Le monstre filait dans ses veines, gonflant son orgueil et sa rage d'un poison mortel. De puissants picotements d'adrénaline envahirent son corps, pulsé par un cœur déchiré par le mal. Ethan tenta une nouvelle attaque, sans s'apercevoir que son adversaire était maintenant consumé par la haine qu'il avait tant refoulée. Ainsi, dans un ultime cri de fureur, Shane s'abandonna aux griffes du monstre et fut le témoin impuissant de ce qui s'ensuivit.

Crochet du droit.

La mâchoire du gamin émit le même craquement funeste que les cervicales de sa mère contre le plan de travail de la cuisine.

Uppercut.

Ses dents tranchèrent sa langue et son sang gicla sur le visage de Shane, plongeant ce dernier dans un profond état de transe.

Direct droit.

Encore.

Direct dans le ventre.

Encore.

Encore...

Ethan s'effondra, de la même manière que Marguerite s'était effondrée dans le nuage de la mort aux pieds des tours jumelles. Un puissant frisson glacé parcourut le dos de Shane jusqu'à sa nuque. Ce n'était pas ce gamin qu'il frappait. C'était la vie à travers lui. La vie et toutes les souffrances et les horreurs qu'elle lui avait infligées jusqu'ici.

Coup de pied dans le ventre.

Comme ceux que ces foutus gosses de riches lui avaient fait donner dans cette ruelle.

Encore.

Comme s'il expulsait enfin ce que ce monde de fous lui faisait endurer depuis le jour maudit de sa naissance. Ethan se releva péniblement, au bord de l'évanouissement et face à sa résistance, la bête en son adversaire explosa dans un rugissement.

Shane se rua sur le garçon et tous deux basculèrent sur l'estrade illuminée. Incapable de mettre un terme à cette violence, il encaissa sa propre douleur à mesure que son poing s'écrasait sur le visage de son adversaire.

Peu à peu, sa main se couvrit de rouge. Le sang aspergeait ses traits, s'infiltrant dans ses narines, sa bouche. Le goût cuivré lui souleva l'estomac, mais il ne s'arrêta que lorsqu'il sentit ses doigts se briser contre le crâne de sa victime. Même l'assistance se tut devant un tel carnage. Shane luttait de toutes ses forces contre lui-même pour s'extirper de cette rage incontrôlable, en vain. Il se vit soulever le corps inerte par les épaules et propulser la tête de son adversaire sur le sol à trois reprises, jusqu'à ce que deux hommes parvinssent à l'arracher à la dépouille défiguré qui gisait sur l'estrade.

Alors enfin, la bête renonça.

Un silence de mort régnait à présent dans la pièce. Seul le souffle bruyant de Shane, venant à bout de sa fureur, et les derniers échos de ses gémissements de désespoir résonnaient dans l'espace clos. Sa main ensanglantée ne le faisait pas souffrir, anesthésiée par l'adrénaline. Étendu sur la moquette noire, le visage tacheté de rouge, il fixait le plafond constellé de petites étoiles, laissant le monstre abandonner lentement son corps éreinté.

Le chef se leva et, sans un mot, s'approcha de la dépouille sur l'estrade. Avec un calme déconcertant, il apposa deux doigts sur la carotide d'Ethan, puis les retira au bout de quelques secondes. Contre toute attente, il retint un petit gloussement perfide et ordonna à ses sbires :

— C'est terminé. Virez-moi ça.

Aussitôt, deux hommes se précipitèrent sur le petit corps et s'empressèrent d'exécuter les ordres de leur chef.

Allongé sur le sol, Shane ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer. Il ne savait pas non plus s'il était toujours vivant ou mort. Vidé de toute énergie, il laissa les ombres envahir peu à peu son esprit, et le voile opaque d'un cauchemar sans fin recouvrit sa conscience meurtrie. Alors, la vue brouillée par ses larmes, il ancra au plus profond de sa mémoire le goût du sang sur ses lèvres, l'odeur de la mort qui régnait tout autour de lui et, par-dessus tout, le vague sourire démoniaque du chef qui s'était penché sur lui pour mieux lui annoncer, d'une voix sinistre :

— Bienvenue chez toi, Gueule d'Ange.

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