Kalies - Tome Premier

By ophelia_yeti

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Depuis plusieurs années, toutes les populations de Melkia s'inquiètent : partout sur leur planète des individ... More

Avant Propos
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Sommaire :
Annexes

Chapitre 32

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By ophelia_yeti




Dans le cas d'une personne se révélant néostème handicape·é nécessitant un suivi de soin d'une récurrence supérieure au suivi du Centre de Soin et d'Analyse affilié, un transfert de dossier entre l'organisme médical et le Centre de Soin et d'Analyse sera mis en place. Le suivi médical pourra se substituer, à valeur maximal de soixante dix pour-cents du temps de suivi annuel, au suivi du Centre de Soin et d'Analyse.*

*L'organisme médical devra fournir au Centre de Soin et d'Analyse affilié une attestation de présence conforme au secret médical.

Art. 242-3 C3PM

(Code pour la Protection des Populations Melkiennes)


Kôgami ne cessait de regarder l'heure. Il ne pouvait s'éterniser : son frère l'attendait ; ses sacs n'étaient pas assez replis pour justifier une absence aussi longue. Il se permit d'emprunter un crayon à Monsieur Lacroix, ainsi qu'une feuille du carnet près du téléphone. Il s'agenouilla sur le sol, face à Erin. Il y nota le nom de sa mère, la laissa dicter celui de son père, puis traça une flèche en créneaux tout le long de la page. Il préférait organiser ses tâches et ses pensées, peu importe si lui seul pouvait comprendre ses notes, il s'assurait de ne pas se perdre s'il suivait une fiche directive.

« Comment je peux m'assurer qu'elle accepte un rendez-vous ? » demanda Kô

Erin observa ses tracés. Il la prenait de court. Elle fronça les sourcils devant une question si étrange.

« Tu lui demandes ? J'en sais rien. Pourquoi elle refuserait ?

— Parce qu'elle ne me suit plus, et que je dois justifier le fait de la revoir. » lui répondit le jeune homme.

Erin ne comprenait toujours pas. Elle se mura dans le silence en espérant y trouver ce qu'il attendait. Pour elle, le métier de ses parents se résumait à un rendez-vous où une demande, parfois une urgence, auxquels ils répondaient par un soin. Joan pressait les bords de son chapeau, elle aussi en pleine réflexion.

« Je comprends pas le problème. » se crispa Erin. « Je comprends pas ce que tu veux. »

La frustration monta en flèche sans qu'elle ne puisse contrôler quoi que ce soit. Tesse la rejoignit par terre. Elle serra sa main. Au premier abord brusqué, Kôgami remarqua qu'Erin frottait ses doigts pour se détendre. Il tenta alors de lui expliquer au mieux sa démarche.

« Je veux pas faire d'erreurs, donc je détaille. Et je veux pouvoir lui faire comprendre vite sans avoir à passer par un mail. Si son ordi est surveillé, tout est compromis.

— Je peux m'occuper de les contacter. » La voix de Perceval retentit soudain dans le salon. « Je les appelle ou je les invite et on en parle.

— l'avantage c'est qu'en consultation, on sera protégé par le secret médical. » souleva Kôgami. « Pas vous. Le Centre n'a pas accès aux détails de mes rendez-vous. »

Les cloches du beffroy les coupèrent. Déjà vingt-trois heures. Tesse décida de prendre les devants. Elle poussa la feuille vers son ami et lui déclara :

« Autant ne pas se précipiter. Prépare tes idées, tout ce qui serait à éviter ou à préférer, et transmets-le à Georges. On fera de même de notre côté et on t'appellera là-bas. Wella y sera en sécurité. »

Le néostème nota consciencieusement chaque détail de l'organisation de Tesse. Il la remercia d'un sourire reconnaissant. Erin regardait le crayon s'agiter sur le papier. Elle imprima elle aussi le moindre mot prononcé par son amie ou Kôgami. La visite chez ce Georges s'annonçait dense.

Au moment du départ, Joan serra Kô dans ses bras. Elle le remercia à nouveau maintes et maintes fois pour l'aide apportée. Elle lui demanda de transmettre sa gratitude à son frère malgré son antipathie. Le néostème n'accepta pas le chapeau qu'elle lui rendait : il le lui confia. Après ce dernier présent à sa protégée vint le tour de Tesse et d'Erin. Il offrit une étreinte à l'une et un sourire reconnaissant à l'autre. Avant de s'enfoncer dans les escaliers, il promit à sa nouvelle camarade de ne rien tenter auprès de sa mère avant son feu vert. Erin le regarda descendre, sereine.

Monsieur Lacroix l'accompagna jusqu'à la cour arrière. Il se pencha à sa fenêtre alors que le néostème calait ses repas sur le siège passager.

« Désolé de vous embarquer dans de telles histoires. » s'excusa Kôgami.

« Au point où j'en suis. » souligna Perceval.

Kô démarra. Il jeta un dernier regard au vieil homme.

« Je vous tiendrai au courant de mon côté. Et si j'ai des courses à faire, je sais où vous trouver. »

Après la promesse d'une alliance, la ville emporta la voiture entre ses bâtiments. Elle se fondit dans la noirceur de la nuit et de la pierre. Les lumières colorées des néons et des phares dansaient sur le visage de Kôgami. Il ne quittait pas la route des yeux, serrait toujours plus sa main sur le volant. Joan était rendue aux siens, mais voilà qu'il rentrait avec l'annonce d'un nouveau rôle, qui, il le savait, déplairait à son petit frère.


Joan ne parvenait pas à détacher son regard d'Erin. Ses grands yeux sombres brillaient de malice. Elle dégageait une sacrée vivacité. Son air mutin ne laissait aucun doute sur sa force de caractère. Erin était têtue, mais elle comprit immédiatement que cette jeune fille saurait rivaliser sans problème. Tesse s'éclipsa dans la cuisine. Elle termina de rassembler ce qu'elles avaient préparé le temps que ses deux amies fassent connaissance. Pourtant, un lourd silence pesait. Erin n'osa prononcer le moindre mot. Joan prit alors les devants. Elle se planta face à la jeune femme.

« Merci. » lâcha Joan.

Erin releva enfin les yeux vers elle. Sa réponse se ponctua d'un haussement d'épaules.

« C'est le moins que je puisse faire.

— Pas que pour ça. » rétorqua Joan. « Tesse m'a raconté. Merci. »

Erin mit quelques secondes avant de comprendre. Ses lèvres s'étirèrent. À croire que tous allaient la remercier pour son silence. Elle préféra d'ailleurs le garder, son sourire suffisait.

Joan s'assit près d'elle. Elle posa les yeux sur Astrogone. La revue l'avait interpelée dès son arrivée, mais elle ne s'y était pas encore penchée. La jeune fille s'en saisit enfin pour la feuilleter. Quand Tesse revint dans le salon, Joan agita le feuillet pour attirer son attention.

« C'est pas ce qu'aime bien Doug ?

— Si. On a essayé d'en mémoriser une bonne partie. » gloussa la militaire.

« Et ça donne quoi ? » s'amusa Joan.

« Pas grand-chose. »

Erin se leva alors.

« Je reviens. » les prévint-elle.

Perceval trouva la jeune femme le nez dans les revues de la réserve. Il s'approcha d'elle, intrigué. Il l'observa fouiller entre les numéros et les titres, puis se pencha à son tour sur ses stocks.

« Qu'est ce que tu cherches ?

— Il ne te reste pas un exemplaire invendable de l'Astrogone que t'as là-haut ? »

Il se redressa, incrédule.

« Non, » déclara-t-il « mais prends celui-là.

— T'es sûr de toi ? »

Le vieil homme haussa les épaules en se dirigeant vers les escaliers.

« Si ça t'intéresse, prends-le.

— C'est pas pour moi, c'est pour Doug. » lui répondit Erin, sur ses talons.

Perceval revit le visage décomposé de ce petit gars quand il apprit devoir se séparer de Tesse. Son cœur de grand-père se serra.

« Prends-lui. » insista-t-il.

Le départ des néostèmes approchait à grands pas. Tesse argumenta de nouveau contre Perceval pour qu'il garde quelques gâteaux en remerciement. Après un débat ardu, il en accepta trois, mais en échange, bourra le sac d'Erin tant et si bien qu'il batailla pour en tirer la fermeture. Ente plats préparés, nourriture sèche et produits sanitaires, rien n'était laissé au hasard. Il resta à fixer le sac plein à craquer, l'air peu satisfait, puis parti dans sa chambre. Erin comprit immédiatement son idée.

« Perceval c'est suffisant ! » héla-t-elle.

« Ma maison, mes règles. » répondit-il.

Il revint avec une besace et fila au rez-de-chaussée. Les néostèmes le suivirent. Il s'affaira à dénicher d'autres denrées invendables, mais utilisables dans la vie quotidienne. Il n'avait plus de pain, mais des brioches. Il trouva une boîte de soupe. Alors qu'il tentait d'en arracher le carton pour gagner de la place, Erin le lui prit non sans un soupir.

« Je vais le faire. »

Elle remplit le sac pendant qu'il continuait de chercher quoi leur donner. Depuis qu'il avait constaté sa disparition à son absence à leur rendez-vous mensuel, il avait entreposé ce qu'il conservait pour elle autant que possible dans l'attente qu'elle revienne. Il s'était borné à espérer et s'en félicitait aujourd'hui. Il n'oublia pas les soins dont Ash avait besoin. Il fouilla dans sa réserve de secours et appela Tesse à la rescousse.

« Avec ce que je vous ai donné dans l'autre sac, il manquerait quoi ?

— Un peu plus de bandes, si c'est possible, et un antiseptique sans alcool, si vous avez. » répondit-elle.

Elle réfléchit à la condition de chacun de ses camarades en observant Perceval lui quérir sa demande. Elle attendit qu'il finisse pour ajouter :

« Ce n'est pas la même chose, mais des préservatifs seraient utiles aussi. »

Erin tourna la tête vers son ami.

« Y'en a besoin ? » s'étonna-t-elle.

« On sait jamais. » répondit Tesse en haussant les épaules. « Vaut mieux en prévoir qu'en manquer. »

Elle marquait un point. Perceval termina le ravitaillement sans protester ou poser la moindre question. Avant de fermer le deuxième sac, il se tourna vers Erin.

« Il reste quelque chose, ou vous avez tout ?

— Des piles pour des lampes torches. »

Elle revit Darhius fatigué de devoir tenir son dekte tout un trajet, alors que de simples batteries suffisaient à le soulager.

Dans la cour arrière, Perceval donnait une dernière étreinte à sa protégée. Elle lui fit promettre maintes et maintes fois d'être prudent, de ne pas faire de folie, ni d'agir sans avertir au moins Kôgami. Monsieur Lacroix ne put que constater comme les rôles s'étaient inversés. La même angoisse du départ lui serrait le ventre, mais cette fois, il savait qu'Erin était entourée. On veillait sur elle, comme elle veillait sur ses camarades. Cette pensée le rassurait. La jeune femme prit la tête du peloton. Tesse ferma la marche, surveillait les alentours, apaisait Joan tout le long du trajet. Cachées dans l'ombre des escaliers du métro, elles attendirent que la pierre s'ouvre sur leurs amis. Cinq minutes d'attentes suffirent. Étouffé dans le feutre du silence, le mur s'écarte pour laisser apparaître un Malek épuisé. Wrenn tapotait son dos en signe de soutien. Erin retrouva la sensation vibrante du dekte de Lazare, lui aussi présent pour cacher leurs actions. Mue de soulagement, Joan plongea auprès de ses camarades. Personne ne parvint à contenir sa joie. Dans un ultime effort, Malek referma le mur de béton ; les ombres les enveloppèrent. Alors, Erin entendit Malek souffler puis s'effondrer sur le sol. Une étincelle fendit l'obscurité. Quelques paillettes de braise sifflèrent. Elles tourbillonnèrent entre les doigts de Darhius. L'éclat rougeoyant dessinait son nez tordu et ses cheveux bouclés coincés sous son bonnet. Enfin, ses mains s'embrasèrent. Les flammes coulèrent sur sa peau jusqu'à l'envelopper. Elles dansaient au creux de ses paumes ; leurs ombres suivaient leurs pas.

Malek était assis sur le sol. Wrenn plaisantait sur sa fatigue tout en le rassurant. Joan se joignit à elle. La présence de ses amis suffisait à balayer ses peurs. Lazare, lui, s'approcha de Tesse et d'Erin, accompagné de Darhius.

« Ça s'est bien passé ? » demanda le professeur ?

« Très bien. » affirma Tesse.

« J'ai des piles. » ajouta Erin à l'attention de Darhius.

Ce dernier rit. Il enroula son bras non activé autour du cou de la jeune femme pour la serrer contre son épaule.

« Deux jours, vous nous avez déjà manqués ! » lança-t-il

« Et Doug ? » s'inquiéta la Tesse.

Lazare posa une main rassurante sur son bras.

« Il va bien. » déclara-t-il « Mais il sera soulagé de te voir. »

Tesse se contenta de hocher la tête. Un maigre soupir s'échappa de ses lèvres. Elle le savait entre de bonnes mains, pourtant, impossible de ne pas s'inquiéter pour lui. Lazare esquissa un sourire devant l'apaisement de sa camarade.

Malek se redressa. Erin sortit d'un des sacs une des bouteilles d'eau données par Perceval. Il commença à protester, mais Joan lui ordonna de boire. Le pauvre homme toisa l'adolescente, puis obéit sans rechigner, sous les rires de Wrenn. Sur le chemin du retour, Erin constata que des barrières de métal se dressaient face à eux, à la place de la roche. Wrenn les supprimait un à un. L'effort bandait ses muscles et lui tirait quelques gouttes de sueur. Malek annihilait ses dernières forces pour rebâtir les cloisons. Pour deux jours, Wrenn les avait remplacées pour qu'il s'économise en vue des voyages imprévus. Il pourrait profiter de plusieurs jours de repos le temps de récupérer de ses efforts.

Plus ils se rapprochaient de leur camp, plus Joan pressait le pas. Elle ne tenait pas en place : elle les devançait, puis se retournait, les attendait, puis repartait, et ce jusqu'à apercevoir les escaliers graphés. Elle abandonna ses amis pour se précipiter sur la plateforme. Là, elle trouva en contrebas le reste de leurs camarades. Ash eut à peine le temps de la voir dévaler les marches qu'elle se retrouva dans ses bras. Incapable de retenir son soulagement, la jeune fille fondit en larmes. Erin et les autres néostèmes ne tardèrent pas à les rejoindre. Eëlle embrassa tendrement son mari, Malek se laissa retomber près du réchaud, et Doug s'approcha timidement d'eux. Il avait ruminé toute leur absence sur son attitude. Le garçon regrettait sa réaction. Malgré des promesses et un départ en bon terme, il se doutait que Tesse avait gardé sa détresse dans un coin de sa tête. Il observa sa cousine comme un chiot pris en flagrants délits. D'un air amusé, Tesse tendit sa main vers lui.

« Viens donc. » lui dit-elle.

Le visage du garçon s'illumina d'un sourire. Il lui enlaça la taille, elle l'entoura d'un bras, non sans un regard complice avec Erin. Soudain, Doug se redressa.

« Je dois te rendre ça ! » s'exclama-t-il.

Au bout de son poing pendait la chaine confiée par Tesse.

« On a quelque chose pour toi aussi. » lui souffla-t-elle.

Erin sortit la revue du sac. Le garçon l'étudia. Il lut la couverture, la lue encore, puis ses yeux s'agrandirent.

« Merci... » balbutia-t-il.

Doug se saisit du périodique comme s'il s'agissait d'un trésor.


Jihn aida à actualiser l'inventaire. Avec tout ce que leur avait donné Monsieur Lacroix, ils gagnaient quelques jours sur leurs réserves. Pour leur repas, les néostèmes réchauffèrent ce qu'avait préparé Tesse. Darhius tenta de lui soutirer les détails de ses biscuits, sans succès ; elle comptait bien les garder pour elle. Joan ne quittait plus son grand-père. Elle reposait contre son épaule, serrait une de ses mains dans les siennes. Erin remarqua que ses paumes luisaient légèrement. Après quelques minutes, la jeune fille souleva les bandages et constata que les plaies les plus importantes avaient réduit d'un demi-centimètre. Ash semblait soulagé, Joan, elle, était déçue. Elle libéra son grand-père pour le laisser manger, mais ne quittait pas ses mains des yeux. Depuis leur départ du métro, ils n'avaient rien échangé que ce soit à propos de Milo, des projets futurs, ou de la décision d'Erin. Ils profitaient du retour de la jeune fille, des bienfaits d'un vrai repas et de la chaleur de leur amitié avant de se replonger dans l'urgence de leur situation. Erin les observait. Elle suivait toutes les conversations, comme aucune. Les brides se mêlaient dans sa tête pour tisser un conglomérat sans queue ni tête, mais apaisant. Certains riaient, d'autres débattaient, d'autres encore, se contentaient de manger. Dans cette masse, Tesse restait silencieuse. Elle étudiait Doug, absorbé dans sa lecture. De temps en temps, il agitait sa cuillère pour appuyer une phrase et la lui partageait. La militaire hochait la tête, un sourire tendre sur les lèvres. Elle n'osa pas lui avouer qu'elle avait déjà lu l'article en question. Erin s'en amusa. Son amie, piquée par le poids d'un regard, leva les yeux vers elle. Tesse fronça des joues rieuses. La jeune femme lui fit comprendre qu'elle ne trahirait pas son secret. Elle laissa Tesse à son cousin pour observer Wella. Avec le retard pris chez Monsieur Lacroix, ils n'avaient plus que trois jours pour se préparer au prochain voyage. Malek les passerait probablement à dormir, Erin à s'entrainer, Wella à angoisser. En deux jours, son visage s'était creusé de fatigue. Erin se leva. Elle fila discrètement vers les sacs, puis vint s'installer près de la tatoueuse. Une brique de jus de fruit apparut sous le nez de Wella. D'abord étonnée, cette dernière rit en constatant qu'il était au raisin.

« Merci. »

« Je t'en devais une ! » remarqua Erin.

« Une demie. » la corrigea Wella.

« C'est vrai, mais je donne ma moitié à Moïrah. »

Le sourire de Wella rétrécit : elle s'inquiétait. Erin appuya son menton sur ses poings. Elle fixa la petite flamme du réchaud pendant que son ami buvait.

« Plus que trois jours à tenir. » souleva Erin. « Ça va aller ?

— Je pense... J'espère. »

Erin les avait rejoints à une période charnière. Beaucoup de changements se mettaient en place très vite. Elle avait constaté en arrivant que déjà, ils avaient fermé quelques caisses. Eux non plus, en deux jours, n'avaient pas chômé. Leur rendez-vous chez Claire et Georges était le nœud de tous leurs plans. Tout se jouerait là-bas : la mise en place de leur nouvelle organisation, la transition de leur mode de vie, et la prise de contact avec ses parents. Erin observa Eëlle, puis se tourna vers Wella. L'air grave sur son visage suffit à attirer son attention.

« Qu'est ce qu'il y a ? » s'inquiéta Wella.

« Rien de grave. » la rassura Erin. « Je ne veux pas vous donner de faux espoirs à Eëlle et toi, mais si c'est confirmé, ça vous soulagera ?

— De quoi ? » intervint Eëlle.

Elles avaient piqué la curiosité de leur amie avec son prénom. Bientôt, tout le monde se tourna vers Erin. Elle baissa les yeux sur le chauffage du camp et commença à jouer avec ses doigts.

« Je sais pas si ça sera possible, je veux pas donner de faux espoirs. » répéta-t-elle.

« C'est pas grave, dis-nous. » la poussa Wella.

Erin se mordit l'intérieur des joues.

« Mes parents sont médecins à Clerc-Laroche... Mon père est obstétricien, et Kôgami a été suivi par ma mère... Il va essayer de prendre contact avec eux. »

Elle se tordait de gène. C'était une bonne nouvelle, mais en la leur annonçant, elle leur avouait avoir caché une information aussi importante. Elle appréhendait leur déception.

« T'es sûre de toi ? » lui demanda Eëlle. « Vraiment sûre ? »

Erin osa relever le nez.

« Oui. Pourquoi ? »

Les yeux de la future mère s'agrandirent. Sa joie explosa avec son soulagement. Darhius semblait tout autant rassuré. Wella posa sa brique. Elle passa ses mains sur son visage.

« Tu m'as fait peur. » souffla-t-elle à Erin.

« Désolée de le dire que maintenant...

— Ça aurait été utile plus tôt pour s'organiser, mais on s'en fout... Merci. » murmura Wella.

Elle ne se montra ni joyeuse ni apaisée, elle observait Tesse d'un air impassible. L'expression qu'elle portait dans son regard, Erin ne la comprit pas, mais la militaire, après de longues secondes, baissa de nouveau les yeux sur la revue de Doug. Un poids s'était dissipé. Wella posa alors sa main sur celle d'Erin et la serra. La néostème observa son visage calme. Pourtant, sa poigne était telle que ses phalanges la lançaient. Erin pouvait sentir sa reconnaissance pulser dans ses doigts. Elle lui rendit son étreinte, sans parvenir à quitter du regard l'ornement floral sur la peau de Wella.

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