Chapitre 9

157 24 64
                                    

** Trigger Warning **

« Tout changement administratif demandé par la personne se révélant néostème devra être réalisé avec l'accord signé de saon tuteurice. »

art.212-5, C3PM

(Code Pour la Protection des Populations Melkiennes)

Le froid devenait perçant, lancinant. Il appela avec lui une souffrance plus sourde et bien plus profonde. Le sédatif se dissipait petit à petit, et rendit sa conscience à Erin. Une nuée de mouches grondaient dans ses oreilles ; une colonie de fourmis dévoraient ses muscles. Et la douleur... La douleur ne la quittait pas. Un chant sinistre et intérieur qui s'élevait en harmonie avec le froid. Deux monstres qui lui griffaient les entrailles, toujours plus fort. La jeune femme se préparait à sentir des ongles déchirer sa peau pour libérer ces horreurs. Elle ouvrit difficilement les yeux. Elle devait voir, constater l'état de son corps, quitte à se terroriser d'une vision cauchemardesque. À peine ses paupières soulevées, une lumière glaçante traversa ses cils. Elle s'enfonça dans sa rétine et lui en arracha quelques larmes.

En premier réflexe, Erin voulut se protéger avec son bras. Un claquement métallique finit de la tirer vers la réalité : son bras ne vint pas. Retenue à la table par les poignets et les chevilles, il lui était impossible de bouger. Le cuir de ses liens brûlait sa peau tant ils étaient serrés. L'urgence balaya le feu des néons ; ne comptait plus que la peur toujours plus oppressante. L'angoisse montait un peu plus chaque seconde. Des questions lui assaillirent l'esprit et l'empêchaient de clarifier ses pensées : où était-elle ? Depuis combien de temps était-elle ici ? Qu'allait-il advenir d'elle ? Sa mémoire échappa à sa brume et lui rappela l'attaque, les morts, sa défaillance.

Erin voulut se redresser, se libérer et fuir le plus loin possible. Elle tira sur son cou dans l'espoir d'apercevoir une issue. Tout ce qu'elle obtint fut une vive douleur dans sa gorge. Son estomac se serra. Erin contorsionna sa nuque pour trouver l'origine de cette douleur : un corps anguleux sous sa peau. Un frisson d'horreur la secoua. Il amena avec lui les images de sa capture. Il lui infligea l'odeur du sang, les crissements de la chair molle, la fraicheur de ses pieux meurtriers. Elle ferma les yeux de toutes ses forces, sans réussir à se débarrasser de ce que lui imposait sa mémoire. Impossible de comprendre ce qui la tétanisait le plus : être enfermée sans avoir la moindre certitude sur son avenir, ou voir son dekte se déchainer de nouveau sans obéissance. Ce qu'elle abritait était destructeur, terrifiant, mortel... Entre le doute, la colère, la peur et les questionnements, Erin s'approchait de limite de ce que pouvait supporter son esprit. Son corps tremblait frénétiquement alors qu'elle luttait pour contrôler son souffle et ne pas céder à une crise, quelle qu'elle soit. Dans sa confusion, elle ne remarqua pas le halo de son dekte glisser le long de sa peau pour envelopper son corps. Une violente douleur tira Erin de sa divagation. Complètement paralysée, chaque muscle se tendit, prêts à lâcher. Ses yeux se perdirent dans le vide, grands ouverts. Ses dents se serraient et grinçaient. Elle était incapable de relâcher sa mâchoire, incapable de respirer. Son dekte se résorba alors de lui-même, et Erin fut libérée dans la foulée. La douleur s'évapora. Ses poumons prirent avidement l'air dont ils avaient été privés. L'inspiration fut si intense qu'elle en toussait. Les yeux pleins de larmes, elle tentait de se remettre de cette attaque. Son sang martelait ses temps, son souffle lui tirait des gémissements incontrôlables. Erin cherchait à retrouver maitrise d'elle-même par tous les moyens. Elle se forçait à respirer profondément, à compter ; elle serrait ses poings de toutes ses forces. Elle sentit alors la laine de ses gants sur sa peau. Doucement, elle commença à frotter son majeur et son pouce entre eux. De petits mouvements circulaires, très légers, qui lui permettaient de ressentir chaque maille sur le bout de ses doigts. Erin se concentra sur cette sensation, jusqu'à se réduire au point de contact entre ses deux doigts. Elle visualisait la laine, les petits rennes, et se calmait peu à peu.

Kalies - Tome PremierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant