Gueule d'ange [PREQUEL DVOS]...

By JHaltRoen

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Au moment de notre naissance, les étoiles se concertent et tracent la voie que nous serons amenés à suivre. Q... More

Avant-Propos
Prologue
.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8 - Partie I
Chapitre 8 - Partie II
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Epilogue
Remerciements

Chapitre 11

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By JHaltRoen


14 février 1998


Droite, figée dans son masque de jeunesse éternelle, elle lui souriait imperceptiblement. Ses longs cheveux dorés, maintenus par un ruban autour de son front, illuminaient les contours de son visage rondelet et Shane ne parvenait pas à détacher son regard de ses grands yeux bleus d'azur. Bien que son expression semblait assez inquiétante, le garçon eut comme une révélation. C'est là, devant cette reproduction d'Ophélie de Pierre Auguste Cot, qu'il décida que la femme de sa vie serait blonde et dotée, elle aussi, de deux grands yeux bleus.

Satisfait de son choix, il resta encore quelques minutes debout face à la peinture, plongé dans l'étrange regard de la jeune fille, jusqu'à ce que sa mère apparût derrière lui.

— Tu viens ? On ne va pas tarder à y aller.

Shane acquiesça d'un signe de la tête et entreprit de la suivre jusqu'au salon du petit appartement cossu de East Village, dans lequel ils se trouvaient.

Depuis plusieurs mois maintenant, Angélique fréquentait Georges Kenway, un entrepreneur irlandais venu à New York pour réaliser son rêve américain. Il dirigeait aujourd'hui d'une jeune entreprise, spécialisée dans la vente de reproduction de peinture. C'est au Guggenheim qu'il avait rencontré la mère du garçon, de dix ans sa cadette, alors qu'il cherchait de nouvelles toiles à copier grossièrement sur des presses chinoises à bas prix.

Au cours des premiers mois, les deux amants avaient dissimulé leur relation aux yeux de leurs proches respectifs, jusqu'au jour où, sous l'impulsion de Georges, Angie se résolut à présenter cet homme à son fils. L'entrepreneur avait aussitôt proposé de prendre en charge ses frais de scolarité, afin de lui assurer le meilleur avenir possible, ce qui avait contribué à séduire un peu plus la jeune femme. C'était il y a trois mois de cela et depuis, il était fréquent que le garçon et sa mère passassent plusieurs après-midi chez Georges, au sud de Manhattan, au grand dam de Shane qui, la plupart du temps, s'y ennuyait ferme.

La seule chose dont il pouvait se réjouir lorsqu'il était ici, c'était de pouvoir contempler bon nombre de reproductions plus ou moins réussies qui ornaient chaque mur de ce petit appartement, sans harmonie aucune. Malgré cette légère déconvenue, cela l'aidait à lutter contre les interminables minutes qui ne semblaient pas vouloir s'écouler lorsqu'il était prisonnier de ce cube de béton et d'acier.

Quand Angélique et lui pénétrèrent dans le salon, Georges se tenait là, devant un miroir accroché au-dessus d'une console en bois ancien. Il ajustait sa cravate avec tant de dextérité que Shane resta un moment perplexe. Il n'avait jamais bien compris l'intérêt de s'accrocher une laisse autour du cou pour sortir, encore moins quand il s'agissait d'emmener sa mère dîner au restaurant pour la Saint Valentin.

— Ah, le voilà. Où est-ce qu'il se cachait, encore ?

Angélique posa une main rassurante sur l'épaule de son fils, puis le quitta pour aller chercher son sac dans la pièce voisine.

— Il regardait une peinture.

Georges se tourna vivement vers eux et toisa Shane, le sourcil arqué. Ses traits étaient marqués par les assauts du temps, qu'une fine barbe poivre et sel tentait de dissimuler. Ses cheveux courts, bruns et clairsemés de filaments d'argent, scintillaient sous la lueur du crépuscule. La dégaine virile et assurée que lui donnait son semblant de pouvoir et de réussite s'accordait à la perfection avec l'éclat de son sourire carnassier.

— Tu t'intéresses à la peinture, toi ?

Le garçon acquiesça d'un lent signe de la tête, sans dire un mot. Georges émit un étrange ricanement, tout en ajustant les manches de sa veste avec celles de sa chemise.

— C'est drôle. Je pensais pas qu'un gamin comme toi s'intéresserait à quelque chose d'aussi... enfin...

Angélique fit son retour dans le salon, son habituel manteau bleu et son sac beige à la main. Shane en profita pour littéralement tourner le dos à Georges et, ainsi, couper court à une conversation qui, pour lui, n'avait vraiment aucun intérêt.

D'une manière générale, le garçon n'appréciait pas son beau-père. En réalité, il ressentait même un profond dédain à son égard. D'une part, parce que, sous prétexte de financer son éducation, ce dernier faisait de gros efforts pour dompter la fougue et le mépris de l'autorité que son père lui avait transmis et qui étaient inscrits au plus profond de son être. Mais aussi, et c'était là la plus grande source de son animosité, parce que sa mère rentrait souvent de weekend en sa compagnie avec bien plus que des doux souvenirs d'amoureux en tête. Depuis plusieurs mois maintenant, elle ramenait également de petites taches bleuâtres qui, au fil du temps, s'étaient étendues sur plusieurs parties de son corps, jusqu'à atteindre son beau visage.

À mesure que Shane les découvrait, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une rage croissante contre cet homme, contre ce petit prince de Manhattan, dont le succès semblait lui accorder le droit de lever la main sur la femme la plus importante dans la vie du garçon. Celui dont l'arrogance et la suprématie patriarcale écrasaient sans scrupule toute l'innocence et toute l'impuissance de ses huit ans. Ainsi, Shane, qui n'avait de toute façon jamais eu beaucoup d'appréciation pour les richissimes hommes d'affaires qui peuplaient cette île, n'eut aucun mal à vouer à cet homme une haine aussi farouche que l'amour qu'il portait à sa mère.

D'un signe de la tête, Angélique intima son fils d'enfiler sa veste et ce dernier s'exécuta en silence. De son côté, Georges observait la jeune femme, d'un œil circonspect.

— Tu comptes vraiment sortir comme ça ?

Elle planta son regard dans le sien et hocha la tête. La robe qu'elle avait choisie pour cette soirée spéciale lui seyait à merveille. Le tissu lui arrivait juste au-dessus du genou, couvrait entièrement ses bras et un petit nœud beige cintrait le drapé sous sa poitrine. Celle-ci était joliment mise en valeur par un décolleté rond et la couleur marron faisait ressortir ses grands iris verts et son teint frais.

— Quoi ? Elle ne te plaît pas ?

Shane se tourna vers sa mère et l'observa quelques secondes, avant de lui adresser un large sourire d'approbation. Peu importe ce que les autres pouvaient penser. À ses yeux, Angélique était véritablement la plus belle maman du monde. Georges, par contre, ne semblait pas du tout emballé par le choix vestimentaire de sa compagne et ne tarda pas à le faire savoir.

— Pas vraiment, non. Tout le monde n'est pas obligé de profiter du spectacle de tes seins à l'air. Qu'est-ce que tu peux être vulgaire, parfois...

Shane ne se départit pas de son sourire, invisible aux yeux de l'homme dans son dos. Il savait que sa mère allait tenter de se raccrocher au seul éclat de joie qui brillait devant elle et ce fut le cas. Angélique ouvrit puis referma aussitôt la bouche, préférant plonger dans les prunelles emplies d'admiration de son fils plutôt que de prêter attention à cette invective tranchante.

— Moi, je la trouve jolie. Et elle n'a rien de vulgaire.

La jeune femme enfila son manteau sans s'attarder sur le sujet, ce qui, bien entendu, ne fut pas du tout du goût de Georges.

Il s'avança à grandes enjambées vers Angélique, sans que Shane eût le temps de le voir approcher. Sans que sa mère eût le temps de réagir. Sa main ferme et brutale se referma sur le bras de la jeune femme, la forçant à se retourner vers lui séance tenante. Prit dans la bousculade, Shane vacilla sur le côté, le cœur battant à tout rompre. Son regard se posa sur les doigts de Georges qui arrachèrent avec fureur le manteau des épaules de sa mère, avant de s'en prendre à la robe. Le bruissement du tissu déchiré se mêla au hoquet de peur d'Angie. Terrifiée, elle fit un pas en arrière et instinctivement, se recroquevilla sur elle même pour se protéger de la suite du cataclysme qui menaçait de s'abattre sur elle.

Soudain, poussé par un instinct de défense naturel, le garçon se jeta sur le bras levé de Georges. Malheureusement, de la même manière que huit bougies vacillantes ne pouvaient pas affronter l'ouragan de la destruction, Shane ne faisait pas le poids face à Georges. Ce dernier se débarrassa de lui en moins de temps qu'il ne fallut pour le dire. L'enfant alla se blottir contre sa mère qui s'empressa de le mettre en sûreté dans son dos, prête à encaisser n'importe quel coup tant que son fils en restait hors d'atteinte.

— Arrête ! C'est bon ! Je vais... je vais me changer. Arrête...

À ces mots, Georges abaissa son bras et prit une profonde inspiration tout en replaçant ses cheveux quelque peu décoiffés.

— Bien. Tu vois que tu peux être raisonnable. Allez, dépêche-toi.

Tremblante de tous ses membres, Angie caressa ses joues rougit par la peur et, les yeux rivés vers le sol, se dirigea docilement vers la salle de bain, son fils toujours accroché à son bras.

Ce dernier ne parvint à relâcher son emprise que lorsqu'ils se trouvèrent tous deux enfermés dans la petite pièce. Les secondes s'écoulèrent dans un silence lourd et étouffant. Angélique s'appuya fébrilement contre le rebord du lavabo, le souffle court, corrompu par l'angoisse. Shane, de son côté, resta plaqué contre la porte derrière lui, le visage fermé et les yeux rivés vers sa mère.

— Ça va aller, mon cœur. Promis.

Le garçon ne dit mot. Il se contenta de fixer le reflet du sourire d'Angélique, crispé et noyé de larmes nouvelles. Puis, elle récupéra un jean et un pull à col roulé échoués sur une chaise, en essuyant ses joues humides d'un revers de sa main.

— Tu veux bien défaire la fermeture éclair ?

Elle se tourna et présenta son dos à son fils qui s'exécuta toujours sans dire un mot. La haine s'écoulait dans ses veines de manière inéluctable et il ne savait plus comment contenir cette fureur, si ce n'était en se murant dans le silence.

Lorsqu'Angie retira enfin sa robe déchirée, un long frisson d'effroi parcourut l'échine du garçon. Sous ses yeux ahuris se dévoilait un hématome, dont les nuances bleues et violettes couvraient une large partie du dos de sa mère. Shane entrouvrit la bouche, mais aucun son ne parvint à s'échapper de ses lèvres. Angélique, qui s'était jusqu'alors arrangée pour dissimuler au mieux les blessures de son corps à son fils, était aujourd'hui plus vulnérable que jamais, sous ses yeux ahuris. Shane déglutit et retint un long sanglot d'horreur.

Soudain, la réalité frappa le garçon et avec elle, la peur de perdre son seul parent restant qui lui broyait le ventre. Sans réfléchir, n'écoutant plus que son cœur, il s'élança et enlaça ses bras autour de sa mère avant de fondre en larme contre sa peau nue. Angélique sursauta et mit quelques secondes à réaliser la détresse qui venait de prendre possession de son fils. Elle lui rendit alors son étreinte, laissant couler ses jeunes larmes sur son corps meurtri. Pendant de longues secondes, elle ne parla pas. Shane non plus. Aucun mot n'aurait su exprimer ce que tous les deux ressentaient à cet instant précis. Ce mélange d'amour, d'inquiétude et de désespoir qui ne savait se révéler que par les larmes douloureuses qu'un fils pleurait pour sa mère.

Angélique détacha enfin son enfant et lui adressa un petit sourire réconfortant, tout en effaçant les dernières gouttes qui ruisselaient encore sur son visage. Après avoir échangé un regard évocateur, elle déposa un long baiser parmi ses boucles brunes et s'empressa de revêtir son jean et son pull. Shane tenta tant bien que mal de retrouver son calme et d'apaiser son sanglot, puis il suivit sa mère qui regagna le salon à la hâte. Georges était toujours là, en train d'admirer son reflet dans le miroir. Lorsqu'il vit sa compagne arriver, il fit une moue que Shane ne put comprendre et lança :

— Bon, c'est mieux qu'avant, mais c'est pas vraiment ce que j'attendais. De toute façon, on a plus le temps. J'ai réservé pour vingt heures et comme il faut déposer ton gosse avant, on ne sera jamais à l'heure si tu dois encore mettre une plombe à te changer. Allez, on y va.

Il termina sa phrase sur le palier de son appartement. Angélique récupéra à la hâte son manteau sur le sol et son sac sur le fauteuil avant de tendre la main à son fils. Ce dernier glissa ses doigts dans la paume de sa mère et lui emboîta le pas, le cœur lourd de devoir l'abandonner dans la nuit, seule en compagnie de cet homme odieux. D'autant plus qu'à la voir ainsi, calme et souriante, personne du monde extérieur n'aurait pu croire que quelque chose d'anormal venait de se passer. Personne n'aurait pu voir la peur qui brillait derrière ces yeux rieurs. Personne n'aurait pu voir les hématomes dissimulés derrière ces jolies joues roses.

Personne. Et c'était bien ainsi. Parce qu'après tout, dans l'esprit de Georges Kenway, il n'y avait rien d'autre à voir.

Absolument rien d'anormal ne venait de se passer.


*


— Je ne reçois personne ce soir ! Allez-vous-en !

À peine Marguerite eut le temps de se replonger dans son livre que les battements contre la porte recommencèrent de plus belle. Elle poussa alors un long soupir d'agacement et se redressa sur son lit avec rage.

— Vous êtes sourd ? Allez-vous-en, j'ai dit !

Les coups se turent aussitôt et elle reprit la lecture de son roman tout en attrapant son mug de thé de son autre main. Elle s'apprêtait à prendre une petite gorgée quand, soudain, la porte s'ouvrit sans lui laisser le temps de réagir. La main de Marguerite vacilla dangereusement, faisant s'échapper quelques vagues de liquide brûlant sur sa cuisse. Elle émit un grognement significatif et se débarrassa de son livre, tout en étant submergée par une étrange sensation de déjà-vu. Lorsqu'elle leva les yeux vers l'intrus qui venait de pénétrer chez elle, elle marmonna, avec une profonde lassitude :

— C'est génétique. Je suis sûre que c'est génétique.

Shane s'avança dans la pièce après avoir refermé la porte derrière lui.

— Quoi donc ?

— Ton aptitude incroyable à essayer de me rendre folle. Tu es vraiment... Tu es comme ! ... Oh, et puis tu me fatigues, tiens.

Le garçon haussa les épaules, sans trop comprendre, et s'approcha de Marguerite. À présent, cette dernière bougonnait toute seule en époussetant ses vêtements trempés. Shane ôta alors ses chaussures, déposa sa veste sur une chaise et monta sur le lit auprès d'elle, le visage triste. Il s'allongea ensuite sur le côté et posa sa tête sur la cuisse de son amie. La Belle-de-nuit se débarrassa de son thé sur un recoin de table et poussa un profond soupir avant de s'apercevoir de la mélancolie qui ornait le visage de son petit visiteur.

— Qu'est-ce que tu as ?

Le regard rivé sur la porte d'entrée, il se contenta de répondre par une autre question.

— Je peux rester dormir ici ?

— Ta mère n'est pas là ?

— Non. Elle est sortie.

Marguerite poussa un profond soupir.

— Pourquoi il faut toujours que tu viennes m'embêter les soirs où je suis de repos, hein ?

— C'est la Saint-Valentin.

— Aah ! Oui, c'est vrai ! Ta mère est avec son Jules ?

— Il s'appelle Georges.

— Oui... C'était façon de parler.

Shane ne sourit pas. Il se mura à nouveau dans le silence, jusqu'à ce que Marguerite décidât de le briser.

— Tu as mangé ?

— Non.

Elle délaissa sa place, forçant le garçon à changer de position, puis s'attela à concocter un petit encas à son invité surprise. De son côté, Shane se redressa sur le lit et appuya son dos contre le mur. Ses deux émeraudes fixaient le vide devant lui, le regard sombre. Au bout de quelques minutes, il posa la question qui lui encombrait l'esprit depuis plusieurs heures maintenant :

— Est-ce que l'argent rend tous les gens méchants ?

Marguerite se retourna, distraite par les paroles du garçon. Elle haussa les épaules et commença à préparer un sandwich de beurre de cacahouète en répondant :

— Pas tout le monde, non. Mais c'est vrai que certaines personnes pensent que l'argent leur donne le droit de piétiner le monde sans trop se poser de questions.

— Et est-ce que c'est normal de frapper quelqu'un qu'on aime ?

La femme arrêta son geste et jeta un rapide coup d'œil en direction de Shane. Ce dernier ne dévia pas son regard du vide, attendant patiemment la réponse à sa question. Intriguée par les interrogations du garçon, Marguerite termina prestement d'étaler le beurre, puis s'avança vers lui en lui tendant l'assiette tout en s'asseyant à ses côtés.

— Est-ce que toi tu as envie de frapper des gens que tu aimes ?

Shane fit non de la tête tout en mordant dans le sandwich. Marguerite poursuivit :

— Et est-ce que toi tu penses que c'est normal de le faire ?

Il secoua la tête derechef.

— Alors, tu as la réponse à ta question.

Shane jeta un rapide coup d'œil à sa voisine en déglutissant, puis fixa de nouveau le néant. Sentant une certaine confusion émaner du garçon, Marguerite se rapprocha de lui et l'attira contre elle. Il se blottit aussitôt entre les bras de son amie et prit une profonde inspiration en fermant les yeux.

— Le monde n'est pas tout noir, ni tout blanc, Shane. Dans tous les milieux qui existent, il y a de bonnes et de mauvaises personnes. N'oublie jamais ce que je te dis. Ne juge pas trop vite les gens en fonction de leur statut. J'en sais quelque chose, tu peux me croire... Au cours de ma vie, j'ai vu passer toute sorte de personnes dans le cadre de mon travail. Des riches, des moins riches, des petits, des puissants... Peu importe. Ils restent tous des êtres humains. Tu sais, certains d'entre eux peuvent même devenir des amis ou peut-être plus encore, qui sait...

Le garçon médita sur ces paroles pendant quelques secondes, puis il murmura timidement :

— Tu me manques, Marguerite.

— Toi aussi, tu me manques. Mais tu sais, c'est normal que ta maman ait retrouvé quelqu'un. C'est très bien. Alors, même si ça veut dire que l'on se voit moins souvent, toi et moi, il faut être content pour elle.

Shane ne répondit pas, trop occupé à tenter de ravaler son sanglot avec les bouchées qu'il prenait sur son sandwich.

Comme il aurait voulu mettre des mots sur la peur qui le rongeait. Comme il aurait voulu parler à Marguerite de l'énorme hématome qu'il avait vu ce soir, sur le corps de sa mère... Mais il ne trouva pas le courage de se remémorer ces instants.

Alors, pour se donner la force de contrôler ses émotions, il termina de manger, puis serra le poing sur la robe de chambre de Marguerite. Elle entreprit de caresser les cheveux épais du garçon, en proie elle-même à la mélancolie de certains souvenirs passés. Puis, il ferma les yeux et enfouit son visage dans le tissu cotonneux. Là où toutes ses larmes pouvaient maintenant s'écouler et disparaître sans un bruit, absorbées par toute la douceur de ce moment d'accalmie au cœur des jours sombres qui composaient sa vie.

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