La Montagne Décapitée

By quatseyes

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Un honneur pour l'Empire ? Et qui m'a demandé mon avis, à moi ? Est-ce que c'était mon projet, à moi, d'être... More

Le Cercle de Fer
Prologue
Chapitre 1 - Des regrets et des zardes
Chapitre 2 - Le gynécée
Chapitre 3 - La règle du triangle d'or
Chapitre 4 - Les Appelées
Chapitre 5 - Un beau mariage
Chapitre 6 - Le parfum
Chapitre 7 - Les chambres vides
Chapitre 8 - Sous les feux de l'Empire
Chapitre 9 - Dans la nuit
Chapitre 10 - Femme du monde
Chapitre 11 - Les Mascules
Chapitre 12 - Verval
Chapitre 13 - Dipe
Chapitre 14 - Le visage dans l'ombre
Chapitre 15 - Dans le secret des entrailles de Fer
Chapitre 16 - Dans le vin
Chapitre 17 - Les Pouvoirs de la Lune
Chapitre 18 - Corps-à-corps
Chapitre 19 - Quarante-quatre
Chapitre 20 - Dans ma bulle
Chapitre 21 - Par le fer et le feu
Chapitre 22 - Cœur de la nuit
Chapitre 23 - Naître qu'une femme
Chapitre 24 - Prison de chair
Chapitre 25 - De profundis
Chapitre 26 - Les Crocs de Fer
Chapitre 27 - A la lueur des chandelles
Chapitre 28 - Comme la vie vous berce...
Chapitre 29 - Un éclair dans la nuit
Chapitre 30 - Chuter
Chapitre 31 - Tout ce qu'on jette en l'air...
Chapitre 32 - Creuser
Chapitre 33 - Dans le pétrin
Chapitre 34 - A découvert
Chapitre 35 - Tôt ou tard
Chapitre 36 - Le poids d'une couronne
Chapitre 37 - Douce nuit
Chapitre 38 - L'Appel du sang
Chapitre 39 - Cœur de pierre
Chapitre 40 - Dernière gorgée
Chapitre 41 - Le grand saut
Chapitre 42 - Chanson verte et nuit d'encre
Chapitre 43 - Sur le fil
Chapitre 44 - A l'orée
Chapitre 45 - Aube sang et or
Chapitre 47 - Sang de Fer
Chapitre 48 - Principe viril
Chapitre 49 - Épicentre
Chapitre 50 - Au-delà du Cercle
Chapitre 51 - Les liens du sang
Chapitre 52 - Bon sang ne saurait mentir
Chapitre 53 - Un pas en avant
Chapitre 54 - Epicentre
Chapitre 55 - Concentriques
Chapitre 56 - L'ombre au coeur
Chapitre 57 - Au cœur de l'ombre
Chapitre 58 - Bouquet final
Bonus - Et si Olympe n'avait pas été Appelée ?
Bonus - Les coulisses du récit

Chapitre 46 - Tenir

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By quatseyes


Dans la plaine de Fer, l'air semble immobile. Tout ce qui vit est soit figé soit caché. Le fleuve de métal s'est arrêté de couler au milieu du désert, et l'acier se masse à l'orée des grands arbres. Le soleil y explose en myriades de reflets sous le ciel dégagé. La poussière soulevée par le galop des zardes est retombée.

Les soldats contemplent en silence la forêt qui hante leurs cauchemars depuis leur plus tendre enfance.

Sylfaënis.

Au cœur de cette étendue guerrière, le pavillon de commandement a déjà été déployé. Le Général Marsius s'y est retiré avec ses officiers. Le reste des troupes patiente, une main sur la garde, l'autre sur l'encolure de leur monture.

Les zardes s'impatient. Les hommes aussi.

Mais un reste de peur continue d'infuser sous chaque armure. Les Sylfaëns ont été de redoutables ennemis par le passé, et les légendes sont innombrables, qui racontent leur férocité, leur efficacité mortelle, leurs pouvoirs terrifiants.

La Garde Noire n'est composée que de combattants d'élite surentraînés et éduqués toute leur vie dans la discipline la plus stricte, mais aucun homme n'oublie l'enfant qu'il a été. Peu importe la force du muscle, la vitesse de l'estocade ou l'épaisseur des hauberts, le cauchemar frappe au cœur de l'esprit en se jouant de la matière. Et son venin insidieux est implacable.

Marsius en a conscience.

Il ne se l'avoue pas, mais être celui qui détruira les Sylfaëns compense à peine l'effroi qu'il ressent au plus profond de lui-même à être celui qui leur déclare la guerre. Il ne doit pas laisser la résolution des soldats faiblir.

Pas plus que la sienne.

— Garde Noire ! clame-t-il sèchement face aux officiers qui entourent la carte de la grande forêt de l'Ouest. A l'heure où nous parlons, l'Empire est en danger. Notre Empereur a été assassiné par ces lâches de Mascules. Le bataillon envoyé à Altis doit s'être rendu maître de la capitale et avoir passé par le fer la plupart de ces traîtres de l'ombre, mais le Trône est plus fragilisé que jamais. Partout, ce que notre peuple compte de petits nobles va vouloir comploter. Partout, les dissensions vont éclore, et notre Empire en sortira disloqué. Seule la Garde Noire peut maintenir notre intégrité et sauver notre héritage. Aujourd'hui, nous allons mettre un terme à cette menace que représentent ces sauvages. Ces arbres nous reviennent, tout comme le Sud. Le plan n'a pas changé : nous allons revenir à Altis avec les têtes de ces monstres au bout de nos piques, et les rivières charrieront le bois dont nous bâtirons notre flotte de guerre avant de reprendre ce qui nous appartient de droit ! Garde Noire, aujourd'hui commence notre retour au pays !

L'accueil de ce discours enthousiaste est modéré. Marsius toise les gradés l'un après l'autre, chacun baissant le regard face aux prunelles glacées de leur supérieur. Quand il a fini, il défouraille et tend son épée bien haut sous les tentures du pavillon.

— Pour l'Empire, le Sang et le Fer.

Sa voix est grave, posée.

Tous se redressent, main au pommeau, visage droit.

— Pour l'Empire, le Sang et le Fer ! crie-t-il, cette fois-ci.

Les officiers reprennent en chœur la formule rituelle, trois fois, de plus en plus fort, puis ils emboîtent le pas à Marsius.

Rengainant son arme, le Général de la Garde Noire quitte la tente de commandement et se hisse sur une charrette pour être visible de tous. Activant son amulette d'oration, il s'adresse aux milliers de guerriers qui attendent ses ordres en silence.

— Garde Noire ! Aujourd'hui, je sais que je vais vous demander quelque chose d'indigne, mais il n'y a que vous qui puissiez le faire ! Il m'aurait fallu une armée de bûcherons pour abattre ces arbres, et une armée de nourrices pour chasser ces frayeurs de marmots, mais nous manquons de bûcherons, et on ne va pas confier l'avenir de l'Empire à des femmes !

Des rires gras s'élèvent de la foule conquise.

— Gardes Noirs, vous êtes le bras de l'Empire, le Sang de l'Empire et la force de l'Empire ! Aujourd'hui, je vous demande un travail de bûcherons et de nourrice, mais sachez que ce bois servira à bâtir des navires pour reprendre ce qui nous appartient dans le Sud ! Ce que je vous promets, c'est la gloire, c'est le sang, c'est des femmes, des terres et des richesses !

L'armée acclame Marsius comme un seul homme.

— Pour l'Empire, le Sang et le Fer !

De plusieurs milliers de poitrine monte une même voix qui scande à trois reprises cet engagement à la vie à la mort.

Marsius est prêt, et son armée aussi.

Il est temps d'écrire l'Histoire.


***


Fille des Coupeurs-de-tête, es-tu prête à payer le prix du sang pour racheter les crimes de ton peuple ?

La pensée de la gigantesque créature me remplit si totalement que je reste quelques instants à ce point immergée en elle que j'en oublie qui je suis. Mes yeux plantés dans ses pupilles de lave en fusion qui tournoie de manière hypnotique, je peine à revenir à moi.

Je ne ressens plus aucune urgence, plus aucune tension autre que cette attente minérale de ma réponse. Le monde commence et s'arrête dans ce regard de feu liquide.

Le prix du sang ?

Comme un écho, la pensée résonne dans mon crâne sans faire sens.

Nous n'avons pas le choix, s'insinue la pensée du Sylfaën.

Je ne sais pas. Je ne sais plus. Mon esprit embrouillé ne parvient plus à faire la part des choses. J'ai besoin de recul. J'ai besoin de temps. J'ai besoin de calme.

J'ai besoin de Pissenlit.

Le monde est tout entier contenu dans ces deux vortex de feu qui drainent ma volonté en même temps qu'ils me remplissent d'une impression de puissance. Dans ma main, je sens les petits doigts boudinés de Dava se glisser entre les miens et serrer.

J'ignore si c'est pour m'encourager ou me retenir.

Ou bien s'il a peur.

Impossible de me détourner de ces puits de lave.

Je suis prête à payer le prix du sang.

La pensée flotte entre le prakhak doré et moi quelques instants, et je ne réalise pas tout de suite qu'elle vient de moi.

J'ai une fraction de seconde l'impression que la créature sourit, mais comment ce serait possible dans une mâchoire de zarde ?

J'ai accepté de payer le prix du sang.

Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Je l'ignore, mais ça n'augure rien de bon... Ma mort, a priori. A minima.

Tout à coup, la chose la plus improbable se produit sous mes yeux, au point que j'écrase les doigts de Dava dans ma main tout en écarquillant les yeux, souffle coupé.

Le prakhak.

Il a fait un geste impensable.

Un mouvement impossible.

Il s'est couché.

Son cou, posé contre le sol, s'offre à moi à quelques pas. Je pourrais le toucher.

Un silence oppressant se fait ; plus rien ne bouge.

Montez.

Je ne réagis pas à l'ordre de la bête monstrueuse lovée à mes pieds.

Montez ! répète le Sylfaën.

Paralysée, je fixe les écailles étincelantes du reptile gigantesque.

Tous les trois, montez. L'Arbre-Vent, la Montagne et l'Étincelle, maintenant.

Impérieuse, la pensée du prakshak balaie mes idées balbutiantes et me redresse ; j'avance malgré moi en entraînant le Güllvergoth comme un simple sac. Épouvantée et béate d'émotion, j'observe sans la contrôler ma main qui se pose sur la peau dorée, qui s'accroche aux écailles, puis qui tire, me hissant sur le cou de l'animal redoutable.

Qui se redresse.

Je manque de tomber en arrière, glissant un instant sur la peau lisse de la bête, mais je sens Dava me retenir, et j'assure ma prise de mes deux mains tandis que la créature déploie ses ailes.

Et s'envole.

Olympe !

La pensée du gaïak vient tenter de s'accrocher à moi, mais elle est emportée par le vent tandis que le prakshak file vers le Nord-Ouest.

Je suis désolée, Pissenlit...

J'ignore s'il a perçu ma réponse, mais je n'ai rien de mieux à dire, et plus rien à espérer des Altisiens.

Partagée entre émerveillement et terreur, je m'agrippe pour ne pas tomber.

Je vole. Je vole !

Non, me rétorque le prakshak doré. Tu ne voles pas, petite étincelle. Le feu te porte à travers l'air.

Surprise, je crois percevoir une couleur ironique dans sa pensée.

— Vous allez bien, Olympe ?

La voix de Dava est bien plus aiguë que d'habitude.

— Oui, je crois. Et vous ?

— Je crois que je vais vomir.

— Tenez bon, lui dis-je, faute de mieux.

Un silence passe, pendant lequel je laisse les sensations folles du voyage me traverser. Il fait frais, à cette hauteur, mais le corps chaud du prakshak diffuse dans tout mon corps une torpeur agréable. Dans mes cheveux, le vent joue furieusement avec mes mèches. La terre, loin en bas, semble filer vers Altis comme si elle ne voulait pas se trouver là avec nous une fois que nous serons arrivés à destination.

— Où va-t-on ? me demande le Güllvergoth, la voix crispée.

— Je ne sais pas.

Nous allons réveiller le printemps, Olympe, murmure Syldise au fond de moi. Nous allons chasser les miasmes de l'hiver.

Je ne parviens pas à retenir un frisson.


***


— Maître Luminski, veuillez vous expliquer ! Le Trône a convoqué notre Ordre en Sylfaënis d'urgence : quelle fantaisie vous prend de nous retarder par cette convocation extraordinaire ?!

La voix puissante du Sage d'entre les sages impose le silence dans le brouhaha de la salle du Conseil. Les plafonds de cristal voûtés jusqu'à se perdre dans le ciel réverbèrent la lumière du soleil et les voix, faisant de l'endroit « Le Gueuloir », comme l'appellent irrévérencieusement les novices en découvrant l'acoustique particulière de la salle du Conseil.

Tout autour, cent onze sièges de bois blanc tapissés de velours rouge accueillent sur un même pied d'égalité les cent onze sages, qu'aucune préséance ne distingue. Chaque fois que l'un des membres de l'Ordre rend son âme à l'univers, l'univers envoie un remplaçant.

Parfois des remplaçantes, mais la loi est stricte sur ce point : toute magie se corrompt, mélangée au sang d'une femelle, et les candidates qui se distinguent par leur potentiel magique sont rapidement éliminées avant qu'elles n'engendrent le chaos. Il en est ainsi depuis les débuts de l'Empire, depuis la découverte de la Source, et il en sera sans doute ainsi à jamais.

Maître Saule, qui a été élu Sage d'entre les sages en vertu de ses connaissances profondes de la Source et de la magie, n'est pas réputé pour son caractère conciliant, et Maître Luminski s'empresse de ne pas le faire attendre.

— Chers confrères ! Le ciel m'a parlé, cette nuit ! Des étoiles ont bougé : notre plus petite Lune, Jika, a changé d'orbite, la constellation de Tunka s'est fondue dans Arbila, et le ciel de l'Oraison est désormais complet, comme l'avait annoncé la prophétie !

Un mutisme choqué s'abat sur le Conseil. De mémoire de gaïak, la prophétie de l'Oraison ne s'est jamais réalisée, et beaucoup vont jusqu'à affirmer à mi-voix que c'est une erreur de transcription ou une folie du gaïak qui a rapporté cette vision de la Source.

— Vous avez dû vous tromper, crache Maître Tabirsk.

Luminski retient une réplique acerbe. Tabirsk et lui ne sont d'accord que sur une seule chose dans la vie : qu'ils ne sont d'accord sur rien. Chaque rencontre, chaque discussion, chaque regard, même, est l'occasion d'une joute, d'un conflit, d'une bataille dans cette guerre sans fin qui les anime.

— J'ai plongé dans la Source pour comprendre.

Nouveau silence. Il a désormais gagné l'attention de tous, même de Maître Tabirsk : plonger dans la Source peut être le dernier acte inconséquent d'un fou, et ceux qui en reviennent sont comme marqués du sceau de la résurrection miraculeuse.

Maître Saule est d'ailleurs devenu Sage d'entre les sages après son troisième plongeon victorieux pour ramener des connaissances.

— Qu'avez-vous vu, Maître Luminski ?

Le gaïak se redresse, rejoint le centre du cénacle en fermant les yeux, puis il lève lentement ses bras à l'horizontale, paumes tournées vers le ciel, et c'est comme si la lumière qui tombe en cascade de la verrière se faisait soudain plus dense, plus solide. Bientôt, la lumière solide devient formes mouvantes, et c'est toute la vision de la Source que Luminski offre à l'assistance.

Il faut le voir pour le croire, et il a conscience que des mots ne suffiraient pas.

La lumière solide se découpe en blocs d'obscurité, et c'est comme si tout à coup chacun se tenait sur cette passerelle de poussière au-dessus du néant, prêt à sombrer dans les ténèbres et le vide. Il laisse la vision durer comme il se la rappelle, angoissante, incompréhensible, puis il fait entendre à tous la pensée de la Source, qui résonne dans les esprits avec cette couleur si étrange qui l'a mis si mal à l'aise : « Ce n'est plus en notre pouvoir d'agir. »

Luminski ne se contente pas de montrer : il revit sa vision. Bientôt, c'est la deuxième déclaration de la Source qui fait vibrer l'espace : « L'avenir appartient à ceux qui foulent le présent armés de leur passé. » Puis, après un long silence tendu, la troisième et dernière vérité de la Source rugit dans le Gueuloir : « Le printemps a besoin de l'hiver pour reposer ses forces, de l'été pour les nourrir et de l'automne pour les ressemer. Le Cercle est partout mais n'a qu'un centre. »

Enfin, dans un éblouissement qu'il se rappelle comme la conclusion de sa prophétie et le début de son renvoi dans la caverne, une image lui apparaît, fugace, qu'il n'avait pas remarquée dans la Source : une montagne de feu qui touche le ciel en crachant des soleils, et dont les racines répandent le feu à travers tout l'Empire. Et une foule de cadavres brûlés forme une terre noire où plus rien d'autre ne pousse que des fumerolles aux allures de spectres.

C'est l'Oraison.

Quand Luminski rouvre les yeux, des larmes roulent doucement sur ses joues. Scrutant les réactions de ses confrères, il réalise qu'eux aussi ont les regards brouillés par l'émotion.

— Que peut-on faire ? murmure le Sage d'entre les sages, brisant la chape de plomb qui écrase le Conseil.

Personne ne répond.

Personne ne sait.

Luminski baisse les bras, et la cascade de lumière qui se concentrait sur lui s'estompe.

— Le Cercle est partout mais n'a qu'un centre, répète doucement le gaïak, et tout le monde se pend à ses lèvres, espérant une suite.

Mais il se tait, le regard perdu dans le vide.

La tension devient de nouveau insupportable, et personne ne semble vouloir agir ou parler, mais Luminski s'écrie soudain :

— Le Centre, c'est le Cœur !

Et, comme s'il avait retrouvé la fougue de sa jeunesse, il sort de la salle du Conseil en courant. Après un moment de flottement, les cent-dix emboîtent le pas du gaïak qui a disparu dans les profondeurs de Nordansk.


***


Ils sont tous là, plongeant leurs racines dans la Rivilse.

Ils se tiennent la main, entrelaçant leurs branches, et ils ne font soudain plus qu'un : un seul organisme en symbiose avec Sylfaënise. L'eau qui s'écoule autour d'eux coule aussi en eux, et leurs racines sont à présent l'eau elle-même, qui abreuve la terre et nourrit les plantes à travers le sol de toute la forêt.

Syldise est là aussi, en partie, même s'il se trouve quelque part ailleurs, de moins en moins loin. Mais il ne faut pas que les autres le comprennent. Ils ne seraient pas d'accord.

Alors il visualise un rideau de feuilles entre les deux parcelles de son esprit, et il concentre l'énergie de son corps pour soutenir l'effort collectif.

Cette fois, les Anciens ont décidé de projeter leur force moins loin. Il est trop tard, à présent, pour espérer le secours de la Mère. Ils doivent résister seuls. Et l'aide des Vénérables et de leurs âmes sœurs sera capitale. Mais il faut leur prêter le pouvoir des Sylfaëns.

Tout à coup, un Ancien pousse un cri et glisse lentement dans le courant. Projetant sa conscience sur la Toile de la Vie, Syldise comprend : le massacre a commencé.

Rugissant intérieurement, la sève en ébullition, il fusionne avec la forêt et se bat de toute son énergie.

Ces monstres ne doivent pas passer.

Un Vénérable est déjà tombé sous les coups de haches, mais d'autres subissent déjà les assauts de lames innombrables. Mêlant leur essence à celles qui peuplent le Cœur de la Vie, ils organisent leur défense : partout où les Feriens cherchent à faire couler la sève, des lianes viennent couvrir les troncs, des racines s'accrochent aux bottes, des branches agrippent les armes, ralentissant la progression de l'ennemi, la neutralisant presque.

Mais les brutes ne cèdent pas, et leurs bras sont innombrables, leurs haches tranchantes, et il faut sans cesse puiser dans les forces de la forêt pour contrer cet assaut. Un deuxième Ancien est emporté par le courant tandis qu'au loin un deuxième Vénérable tombe en faisant frissonner d'horreur jusqu'à la Toile de Vie elle-même.

Syldise ne peut rester sans rien faire. Il faut tenir, oui, mais tenir ne suffira pas. Il a une autre idée. Pour ça, il doit convaincre les autres jeunes de l'accompagner pendant que les Anciens luttent.

Pourvu qu'ils acceptent...


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