Chapitre 39 - Cœur de pierre

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— Olympe ! Calmez-vous ! Vous êtes revenue !

Mes yeux grands ouverts voient enfin le gaïak derrière les brumes hostiles que je croyais affronter. Mes derniers coups faiblissent contre sa poitrine, et je m'affaisse, toute tension évanouie, épuisée. Il me retient in extremis entre ses bras et m'accompagne au sol. Assise, je peux enfin faire le point sur mes sensations et me rassembler, réunir les bribes de mon identité enchevêtrée dans les plumes du célestiaque.

Je redeviens moi-même.

— Vite !

Mon cri a fait reculer Pissenlit, qui écarquille les yeux en basculant en arrière tandis que je me relève prestement pour partir en courant.

— Olympe ! Qu'y a-t-il ?

La voix lointaine du gaïak me parvient, mais je ne prends pas la peine de lui répondre.

Besoin de mon souffle.

Courir.

Vite.

Question de vie ou de mort.

Tiope !

Que vous arrive-t-il, Olympe ?

Je sens son effarement inquiet dans mon esprit.

Prévenez Tiope !

Mais de quoi, Olympe ?

Ils arrivent !

Mais qui, Olympe ? Qui ?

L'armée de Fer !

Son silence sous mon crâne ne m'empêche pas de ressentir son effroi. Je le chasse de mes pensées et me concentre sur mon objectif.

J'ai vu le bataillon des guerriers qui reviennent vers Altis.

J'ai vu notre ramassis d'assassins amateurs en liesse, ce soir.

Et l'évidence me saute aux yeux. Violemment.

Nous ne ferons pas le poids.

***

Lorsqu'elle attrape mon bras, je comprends immédiatement qu'il y a un problème. Je la suis hors de la foule des derniers fêtards. Je suis épuisé, mais je n'aurais voulu pour rien au monde partir avant la fin de cette célébration.

Ce n'est pas tous les jours que l'injustice d'un tyran est punie.

Elle ne lâche pas mon poignet, et ce geste renforce un mauvais pressentiment qui commence à étouffer ma joie que je pensais inextinguible.

L'heure est grave.

Les Sylfaëns auraient-ils levé une armée, déjà ?

Une patrouille oubliée serait-elle en train d'attaquer les Mascules ?

L'impératrice repousse d'un geste sec le lourd dais de velours rouge qui dissimule la porte des appartements royaux, et nous quittons la grande salle et le bruit.

Un silence assourdissant s'abat sur nous, et elle se retourne pour me faire face, plantant son regard d'acier dans le mien.

— Mon vieux renard, il va nous falloir plus que de la ruse, cette fois-ci.

Sa voix tremble un peu, et je suis plus bouleversé par la peur que j'y décèle que par la menace qu'elle suggère.

— Parle, voyons !

Je presse ses mains entre les miennes pour inciter ma vieille sœur d'arme à lâcher le morceau, et elle acquiesce solennellement, prenant une inspiration comme on prend un dernier élan avant de sauter.

La Montagne DécapitéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant