Gueule d'ange [PREQUEL DVOS]...

By JHaltRoen

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Au moment de notre naissance, les étoiles se concertent et tracent la voie que nous serons amenés à suivre. Q... More

Avant-Propos
Prologue
.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8 - Partie I
Chapitre 8 - Partie II
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Epilogue
Remerciements

Chapitre 4

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By JHaltRoen


— F L A S H B A C K —


Quelque part entre les rayons de Charles Dickens et Léon Tolstoï, Angélique jouait aux équilibristes sur une vieille échelle en bois. Comme tous les mardis, depuis plusieurs semaines maintenant, elle rangeait, sur leurs étagères, chacune des œuvres extirpées de leur sommeil séculaire par quelques visiteurs curieux. Elle passait des heures à promener inlassablement son petit chariot à travers les majestueuses rangées du temple des mots. Dans le pieux silence qui veillait à la quiétude des plus beaux textes jamais écrits, Angie jouait tantôt au funambule, tantôt au détective, jusqu'à ce que le dernier livre empilé devant elle ait retrouvé son cocon habituel.

Mais en cet après-midi nuageuse, et malgré son assiduité coutumière, ses propres envies dictaient ses gestes d'acrobate.

— Viens par là, toi...

Ses doigts effleurèrent la tranche d'un épais volume à la couverture usée. Un précieux recueil de lettres d'amour qu'Angélique avait prévu de dévorer dans la nuit. Happée par sa trop grande convoitise, elle se hissa sur la pointe des pieds et se pencha un peu plus dans le vide. L'échelle vacilla sous son poids. Angélique pinça les lèvres. Son ongle raclait la bordure du livre, elle y était presque. Presque... !

Soudain, deux mains vinrent se plaquer sur ses hanches et la ramenèrent aussitôt vers l'échelle. Prise au dépourvu, la jeune femme laissa échapper un petit cri de surprise qui éclata la bulle de sérénité qui régnait jusqu'alors en ces lieux. Bien entendu, cela ne manqua pas d'alerter les lecteurs assidus assis autour de tables d'études à proximité qui, dans l'instant, levèrent le nez de leurs ouvrages pour braquer leurs regards emplis d'amertume sur Angie. Cette dernière, toujours en proie à de violentes bouffées d'angoisse, chercha à tout prix à retrouver son équilibre et tenta de s'agripper aux barreaux de bois, en vain. Elle bascula en arrière et plongea dans des bras inconnus, qui ne le restèrent pas vraiment longtemps.

— Bonjour.

— Ayden, bon sang ! Mais ça va pas ?

Angie se dégagea de son emprise et jeta un bref regard aux autres visiteurs. Leurs yeux interrogateurs se muèrent alors en de véritables mitraillettes qui fusillèrent la jeune femme et son ami. Eux qui osaient continuer de déranger le sacro-saint silence que leur hypothétique frénésie intellectuelle requérait...

Face à une Angélique à présent furibonde, Ayden fit un pas en arrière, et plaça les mains en évidence, comme pour tenter d'esquiver l'orage qui allait, semblait-il, bientôt le frapper de plein fouet. Il rétorqua à mi-voix, avec l'insolente nonchalance que sa jeunesse lui conférait :

— Oh, ça va... J'ai rien fait de mal, je t'ai même sauvé la vie.

La jeune fille roula des yeux et chuchota :

— N'importe quoi.

— Mais bien sûr que si ! Sans moi, tu serais tombée de cette échelle, directement dans cette pile de livres et tu aurais fait une indigestion de...

Il s'empara d'un des volumes sur le chariot à leur côté et grimaça :

— ...Roméo et Juliette ? C'est pire que ce que je pensais.

— Donne-moi ça.

Angie extirpa le précieux ouvrage des mains du garçon et le replaça sur l'étagère qui lui était dédiée. Entre temps, il adressa un sourire radieux aux vieux hirsutes, toujours enragés par le raffut que les gens de son espèce pouvaient provoquer.

Angélique avait rencontré Ayden trois ans plus tôt, lorsque la tornade texane avait déboulé à New York City. Plus précisément, au moment où, prise dans un élan d'euphorie soudaine d'être enfin libre d'explorer la grosse pomme, la même tornade avait dégringolé les escaliers de l'université, et avait échoué aux pieds de la jeune fille, les quatre fers en l'air. Depuis ce jour, ils étaient devenus presque inséparables. Leurs caractères opposés et si complémentaires avaient forgé une amitié dont l'équilibre était parfaitement maîtrisé. Ainsi, quand Ayden passait son temps à essayer d'entraîner Angélique dans des bars et des boîtes branchées, cette dernière répliquait à grands coups de livres et de longs après-midi au musée. Et c'était bien, comme cela.

Le jeune homme s'installa sur le rebord de la fenêtre, près de son amie, et sortit une pomme bien verte de sa poche. A contrario d'Angie, il reprit en parlant presque à haute voix :

— Je t'ai cherchée partout, ce matin.

— Comment ça ?

— J'avais oublié que tu travaillais dans le temple des grands coincés maintenant.

Un deuxième sourire provocateur, une deuxième grimace affligeante. Ayden haussa un sourcil en direction d'Angie tout en croquant un morceau dans sa pomme. Elle poussa un profond soupir de lassitude en replaçant deux nouveaux ouvrages sur les étagères, puis répliqua dans un murmure :

— Il faut bien que je paie mon loyer.

— Il y a des moyens plus simples de se faire de l'argent. Mais comme j'ai promis à Marguerite d'être un gentil garçon, bien comme il faut avec toi, je ne dirai rien.

Elle esquissa un bref sourire et plongea dans les pages usées des Fleurs du Mal.

— Donc, tu m'as cherchée toute la matinée pour venir manger une pomme devant moi, alors que tu sais que c'est interdit et, du même coup, prétendre être un vilain garçon ?

Ayden descendit du rebord de la fenêtre et, sans crier gare, lança sa pomme à Angie. Cette dernière la rattrapa de justesse, manquant au passage de faire chuter le recueil de Baudelaire qui se retrouva maladroitement coincé entre son avant-bras et son sein. Elle leva les yeux au ciel et reposa délicatement l'ouvrage sur la pile de son chariot. Le jeune homme afficha alors un large sourire de satisfaction et ajusta son blouson en cuir en reprenant, avec un enthousiasme à peine dissimulé :

— Non, pas exactement. En fait, je voulais te demander quelque chose. Parce que tu es une fille. Du coup, tu pourras sûrement m'aider.

Angélique resta un instant immobile, la pomme toujours serrée entre ses doigts fins et les yeux perdus dans le vide. Le fait qu'Ayden avait quelque chose à lui demander parce qu'elle était une fille ne présageait rien de très bon. Elle hocha la tête, dubitative, et il reprit, sur un ton enjoué :

— Il y a cette fête, samedi prochain. Et, bon, j'aimerai... J'aimerais bien inviter une fille à y aller avec moi, sauf que je ne sais pas vraiment comment m'y prendre, alors je me suis dit...

— Tu es sérieux, Ayden ?

Un ange passa entre les deux jeunes gens qui se fixaient à présent l'un, l'autre, sans bouger. Soudain, Angie se mit à pouffer, s'attirant une nouvelle fois les foudres des lecteurs avoisinants. Interloqué par la réaction de son amie, il retint à son tour un petit rire nerveux avant de reprendre, confus :

— Arrête, je vois pas ce qu'il y a de drôle. C'est une vraie question.

— Oui, oui, bien sûr. Pardon, excuse-moi. C'est juste que, toi... en galère pour aborder une fille. C'est vraiment le monde à l'envers !

— Y a pas de quoi rire.

Le visage plongé dans sa main, Angélique tentait maladroitement de ravaler ses larmes d'hilarité étouffée. Lorsqu'elle eut enfin retrouvé son calme, elle releva la tête, et poussa un long soupir d'apaisement.

— Non, tu as raison. Ça arrive à tout le monde de douter, même au grand séducteur que tu es. Enfin, bref. Du coup, qui est l'heureuse élue ?

— Loïs Carter.

Les yeux encore brillants de malice, Angie afficha un large sourire en s'emparant de deux nouveaux volumes sur son petit chariot.

— Oh, bien ! Jolie, sûre d'elle, fêtarde et populaire... Elle est parfaite pour toi ! Par contre, tu dois avoir une sacrée concurrence.

— Bon, tu vois ? Alors, tu vas m'aider, oui ou non ?

— Mais t'aider à faire quoi ?

— Chut ! Assez avec le bruit, ça suffit !

Les deux amis se retournèrent en même temps vers les visiteurs exaspérés, accoudés aux tables d'études, et la jeune fille s'excusa alors d'un bref signe de la tête. Elle demeura ensuite silencieuse pendant encore quelques minutes, puis croqua un morceau dans la pomme, presque sans s'en rendre compte. De son côté, Ayden porta sur elle des yeux emplis d'un étrange espoir.

— Vous êtes bien ensemble en cours de droit, non ? Arrange-toi pour aller déjeuner avec elle, demain. Je me débrouillerai pour vous rejoindre.

Devant l'expression de lassitude qui ornait le délicat visage de son amie, il se rapprocha d'elle en suppliant :

— Allez, quoi... s'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît, Angie chérie.

— Non, arrête ça tout de suite, Ayden, tu as l'air d'un imbécile heureux.

Il lui adressa une moue d'enfant attendrissante qui ne parvint pas mieux à convaincre Angélique. Tout à coup, cette dernière saisit de la main du jeune homme et y plaça la pomme, avant de se retourner et s'emparer d'une lourde pile de livres anciens sur son chariot.

— Tiens.

Sans lui laisser le temps de rétorquer, elle plaqua les ouvrages contre le torse d'Ayden, qui s'empressa de les maintenir avec maladresse.

— Je t'aiderai, si tu m'aides. Donnant, donnant et en plus, ça me fera une excuse pour ne pas vous mettre à la porte tout de suite, ta pomme et toi.

— C'est vrai ? Tu vas faire ça ? Je t'adore, Angie, t'es la meil...

En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle débarrassa la main de son ami du fruit juteux qu'elle plaça ensuite dans sa bouche pour le faire taire.

— Tais-toi. On est dans une bibliothèque, pas dans un de tes bars à la con.

Il fronça les sourcils, tandis qu'Angie s'employa à le propulser hors de l'allée où elle se trouvait.

— Allez, file ! Les livres anciens, c'est tout au fond, à gauche.

Lorsque le jeune homme disparu enfin de son champ de vision, elle poussa un profond soupir et replaça ses cheveux blonds sur l'arrière de son crâne. Même après le capharnaüm qu'il venait de mettre dans sa journée de travail, elle ne pouvait s'empêcher de sourire à l'idée de voir son ami si heureux. Sa joie de vivre constante avait souvent été le remède à ses doutes et ses peines. Sans s'en rendre compte, il avait presque compensé le manque de sa famille, qui était toujours aussi loin d'elle, en Oregon.

Angélique entreprit de poursuivre son travail, dans le calme et la sérénité qui s'étaient à nouveau installés dans l'allée. Le silence reprit ses droits et forma de nouveau une petite bulle de bonheur dans laquelle elle ne tarda pas à replonger. Un petit sourire aux lèvres, elle s'empara d'un autre recueil à ranger, quand soudain...

— Hey, Angie ?

Les deux mots prononcés à voix haute retentirent à ses oreilles, aussitôt suivis par un tsunami de « chut » qui finit d'extirper la jeune femme de son cocon. Ayden — dont les bras s'étaient déjà débarrassés des livres par Dieu sait quel moyen — jeta les restes de sa pomme dans une poubelle environnante en pestant à haute voix :

— Oh, vous, ça va. Prenez des boules quies la prochaine f...

Angélique agrippa le bras du garçon et le tira de toutes ses forces vers elle, les faisant à nouveau disparaître au coeur des immenses rayons.

— Tu cherches à me faire virer ou quoi ? Qu'est-ce que tu veux encore ?

— Tu y vas avec qui, toi, à cette soirée ?

Elle considéra son ami pendant quelques brèves secondes, puis finit par relâcher son emprise et croisa les bras sur sa poitrine.

— Je n'ai déjà pas les moyens de payer correctement mon loyer, alors acheter une robe pour aller à une fête...

— Quoi ? Tu ne viens pas ? Pour de vrai ?

La déception qui se traduisait sur le visage du jeune homme toucha Angélique qui secoua la tête en signe de négation.

— Non... Mais ça ne fait rien. Si c'est toi qui me la racontes, je suis sûre qu'elle sera encore plus drôle que si j'y avais été. Surtout si tu arrives à y aller avec Loïs Carter.

Il haussa les épaules et étira ses lèvres en un petit sourire en coin, empreint d'un éclat d'espièglerie dont lui seul avait le secret. Il ouvrit ensuite ses bras pour lui offrir une longue étreinte.

— Alors, faisons tout pour que ce soit la fête la plus drôle de l'année. On se dit à demain, midi, devant le campus ?

Angélique poussa un profond soupir et décroisa ses bras pour venir se blottir contre son ami en acquiesçant d'un signe de la tête. Elle ferma alors les yeux et il resserra son étreinte et commença à la bercer avant de prendre congé.

— Merci, Angie. Je te revaudrai ça.

— ...Ayden, où sont les livres ?

— Les livres. Ah, euh... oui, oui. Je vais aller les ranger tout de suite, promis ! 

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