Les vrais rêves, les plus dangereux, sont ceux que l'on fait étant éveillé
Depuis plusieurs jours, je fais toujours le même rêve : un ténébreux inconnu surgit des flammes et des ombres pour torturer mon corps de ses caresses. Aujourd'hui ne fait pas exception : je rêve avec délice de ses deux mains habiles, d'une bouche chaude et ingénieuse quand des forces maléfiques tentent de m'en sortir. Je fais de mon mieux pour résister, mais elles sont sacrément insistantes, ces forces extérieures. Une sensation d'oppression m'entoure et cette impression seule suffit à me tirer en sursaut de mon rêve chaud bouillant. Je frissonne et donne un coup de pied, refusant de répondre à cette convocation. Puis, je rentre ma jambe sous les plis épais de ma couette.
Ensuite, une mélodie cacophonique et insistante se fait entendre à la périphérie de mon subconscient, comme une chanson familière dont je ne retrouve pas le nom. Au bout d'un moment, je comprends qu'il s'agit de la chanson « joyeux anniversaire » et je me relève en sursaut pour faire face à... Viskaya, assise au pied de mon lit.
Elle m'a sortie des bras de Morphée, simplement pour ça ! Elle n'aurait pas pu attendre que j'avance un peu plus dans mon sublime rêve pour me souhaiter un joyeux anniversaire ? Si elle ne tenait pas un gâteau avec une bougie allumée, je serais sûrement retournée sous ma couette, mais au lieu de ça, je me jette dans ses bras en éclatant de rire.
C'est la première qu'on m'offre un réveil en fanfare ! Et même si ça m'a coûté des minutes en plus avec mon l'Apollon Ténébreux de mes rêves, je ne peux empêcher mon cœur de s'emballer devant cette surprise.
— Merci beaucoup, c'est génial ! Mais comment est-ce que tu as eu la date exacte ?
J'attrape le muffin et mords dedans. Je fonds littéralement, il est tellement bon !
— J'ai demandé à Osh. Et en parlant de lui...
Elle m'offre un sourire complice en jouant des sourcils. J'adore quand elle fait ça.
— C'est à lui que tu pensais en te frottant à ta couverture comme une obsédée ?
Je m'étouffe avec mon muffin, mais littéralement. L'air ne passe plus dans ma trachée à cause d'un énorme morceau que j'ai mal avalé. Viskaya se précipite derrière moi pour claquer mes omoplates. Je recrache le morceau de muffin assassin et m'affale sur le sol, mortifiée.
— C'était explicite à ce point ? Je murmure.
Je sombre peu à peu dans les méandres de la honte.
Elle se racle la gorge.
— Si tu veux savoir, tu parlais même dans ton rêve. Et entre tes paroles obscènes et tes gémissements c'était plutôt cha...
Osh entre dans la pièce, mettant fin à sa description honteuse. Mais à sa vue, Viskaya m'offre un grand sourire complice qui me donne envie de me terrer sous terre et de ne jamais sortir. Osh s'approche de moi et me prend dans ses bras.
— Joyeux anniversaire ! Bien dormi ? Il me demande.
— Merci ! Et oui, très bien, répondis-je.
— C'est le cas de le dire, marmonne Viskaya hilare.
Je lui donne un discret coup de pied pour la faire taire, mais ça ne fait qu'amplifier son hilarité.
— J'espère que tu n'as pas oublié ce que je voulais pour mon dix-neuvième anniversaire, hein ?
Il fait mine de réfléchir, mais je sais très bien qu'il sait exactement ce dont je parle. Je lui donne une tape sur l'épaule, il fait mine d'avoir mal, mais je sais que c'est aussi douloureux que le vent.
— On verra ça à la fin de la journée. Pour l'instant, j'ai du boulot qui m'attend.
Il m'embrasse le front puis part en saluant Viskaya. Cette dernière m'observe des cœurs dans les yeux.
— Si tu veux, je te prêterais une des mes nuisettes pour ce soir, me lance-t-elle avec un sourire.
Je lui tire la langue comme une enfant, avant de partir dans la salle de bain. Je me déshabille rapidement avant de me doucher à l'eau froide pour remettre mes idées en place. Mon corps commence à me trahir. Je ne sais pas pourquoi, mais depuis notre retour du monde des humains qui date d'une semaine, je fais des rêves... obscènes. Mais ce qu'ignore Viskaya, est le fait que ce n'est pas Osh qui apparaît dans mes rêves, mais ce maudit Knox.
Je ne sais pas ce qu'il m'a fait, mais mon comportement n'est pas normal. J'ai l'impression de ne plus me contrôler, d'être devenue l'esclave de mes pulsions. Knox m'a fait quelque chose, ce que je ressens n'est pas le fruit de mes sentiments, mais de l'emprise qu'il a sur moi. Si ça continue comme ça, le Haut Conseil aura une vraie raison de faire de moi une déchue.
Knox est un danger pour moi, et je dois coûte que coûte l'éviter.
✧ ✧ ✧
La journée passe incroyablement lentement. Chaque seconde, chaque minute, chaque heure me rapproche de plus en plus du cadeau que je convoite depuis plus d'un an. J'ai passé toute la journée à éviter Knox, qui n'a cessé de me lancer des regards soupçonneux. Est-ce qu'il sait que je rêve de lui ? Si c'est le cas, je risque de mourir de honte !
A la sortie du cours de vol, j'embrasse Viskaya et rejoins le bureau de Barinthus où m'attend Osh. Le directeur m'accueille en m'étouffant littéralement entre ses bras puissants.
— Si ton but est de m'étouffer... tu y es presque, dis-je péniblement.
Il éclate de rire et m'ébouriffe les cheveux avant de m'offrir un cadeaux soigneusement emballé. Je lui lance un sourire narquois.
— C'est sûr que c'est Mona qui l'a emballé. Avec tes gros doigts boudinés, tu n'aurais pas pu faire un emballage aussi soigné.
Il me fusille du regard, et j'éclate de rire
— Continue comme ça petite gamine ingrate, et je reprends ce paquet.
Je lui embrasse la joue avant de la lui pincer. Il me tape les doigts en marmonnant des mots de malédictions, et j'ouvre frénétiquement mon paquet.
Je tombe sur une boîte en velours que j'ouvre avec la même frénésie. L'objet qui s'y trouve m'est douloureusement familier. J'attrape l'amulette posée dans la boîte. Elle est plus lourde qu'elle y paraît et aussi chaude que ma peau. Sa surface marbrée est marquée par le temps qui s'est écoulé depuis sa création. Le pendentif représente des bois de cerf, avec une pierre d'onyx entre les deux cornes. À l'intérieur du bijou sombre, semble scintiller une minuscule lumière rouge, trop faible pour que Barinthus et Osh puisse la voir.
— J'ai l'impression de connaître ce bijoux...
Barinthus pose une main sur mon épaule.
— Il appartenait à ta mère. Ton père le lui avait offert.
Les larmes me montent aux yeux mais je refuse de les laisser tomber. Je ravale ma tristesse en passant le pendentif à mon cou qu'Osh attache. Je me tourne vers Barinthus, qui me regarde avec des yeux humides et lui saute au cou. Quand il me caresse les cheveux d'un geste paternel, je ne peux plus me retenir. Je pleure silencieusement dans ses bras, laissant me peine sortir pour se déverser sur mes joues.
Savoir que mes parents, quelque part en ce monde vivent mais que je suis dans l'incapacité de les approcher, me brise le cœur. Tant que je ne fais pas pas leur connaissance, je ne pourrais jamais me connaître entièrement. J'ai l'impression d'avancer, mais sans repères.
— Allez, aujourd'hui est un jour joyeux. Séchez-moi ces larmes, sinon je vais aussi m'y mettre ! s'exclame Osh en riant.
Je me sépare de Barinthus et essuie mes joues.
— Mieux vaut l'écouter, il est vraiment laid quand il se met à pleurer, chuchotais-je à Barinthus.
— Tu as raison, on dirait un monstre tout droit sortit des ténèbres, approuve Barinthus.
Osh me fusille du regard.
— Si tu veux avoir ton cadeau, tiens-toi bien.
Je fais mine de zipper ma bouche. Il m'envoie un sourire satisfait.
Et sans m'avertir, il m'entraîne sur un autre plan de réalité — chez lui.
J'écarquille les yeux devant l'environnement s'offrant à moi. Nous nous trouvons à présent dans un palais fait de nuages et bien plus grand que ce que j'imaginais. Il y fait bon, l'air est délicatement parfumé et l'atmosphère paisible.
Des fresques se forment sur les murs vaporeux. Des anges et des démons qui semblent vivants y volent dans un ciel limpide. Le sol est fait de la même substance éthérée. Il est solide, mais assez transparent pour qu'on puisse observer les humains en contrebas.
Des nuages... Des anges...
Je pose mon regard sur Osh qui me sourit à pleines dents.
— Bienvenue Aux Cieux.
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