Nous sommes comme les étoiles : nous ne pouvons pas briller sans noirceur.
Je suis assise sur le bord de la fenêtre, mes jambes se baladant dans le vide tandis que je serre ma cape tout autour de moi pour cacher ma quasi nudité. Un vent doux me caresse pendant que j'observe le ciel infini s'étendre au-dessus de moi, émerveillée. Une grosse boule blanche illumine le ciel obscure et tout autour d'elle, des petites lumières scintillent.
— Qu'est-ce que c'est ? Demandai-je à Knox.
Il est assis sur le lit, son dos calé contre le dossier du baldaquin. Il lit un livre qu'Ezore lui a offert dix minutes plus tôt.
— La lune et des étoiles, il répond en me jetant un bref regard.
C'est magnifique. Au purgatoire, le ciel est dénué de toute beauté : bleu clair le matin, sombre la nuit. J'ai envie de voler jusqu'aux étoiles pour en capturer une afin d'apporter un peu de lumière dans ma vie.
— On ne peut vraiment pas rester encore un peu ? Demandai-je.
— Non, tranche-t-il.
— Mais tu as dis que le temps passe deux fois moins vite ici, allez j'ai envie de voir un peu de ce monde, dis-je en faisant la moue.
— Quand tu seras déchue, tu auras tout le temps de jouer les touristes.
Je le fusille du regard.
— Qu'est-ce que t'en sais ?
— Sérieusement ? Tu crois vraiment que tu vas aller au Paradis ?
Je croise les bras sur ma poitrine, boudant.
— Et pourquoi pas ? Toi, c'est sûr qu'il ne vont même pas étudier ta candidature. Tu es voué à l'enfer, enfant de Satan, craché-je.
Il m'envoie un sourire narquois.
— Tu as échoué l'année dernière à ce que j'ai entendu dire. Si tu veux mon avis, la seule raison pour laquelle Ils n'ont pas viré tes fesses du Purgatoire, c'est pour garder un œil sur toi. Ce n'est pas une deuxième chance qu'Ils t'ont offert, mais un séjour en prison.
J'aurais voulu répliquer, trouver une remarque cinglante pour contredire ses propos, mais ils sont douloureusement vrai. Peu importe ce que Barinthus ou Osh essayent de me faire croire, la Haute Couronne ne m'a pas offert une second chance pour pouvoir devenir une Ange Confirmée, Ils essayent juste de me garder sous le coude.
— Ils t'ont donné quoi comme raison pour te faire doubler ton année ?
Je lui envoie un regard suspicieux.
— Pourquoi est-ce que je me confierais à toi ?
Il me lance un regard profond avant de tapoter la place à côté de lui pour m'intimer de m'assoir à ses côtés. Je le rejoins.
J'aurais au moins dû faire semblant que ça ne m'enchantais pas... j'ai vraiment l'air désespérée de retrouver sa proximité.
Je pique un oreiller et m'affale au pied du lit. Je le vois lorgner mes jambes nues et je m'en délecte. Je dois avouer que ça fais du bien de se sentir désirée. À l'académie, tout le monde me regarde comme un monstre, –exceptés Osh et Barinthus–, alors sentir le désir dans le regard d'un homme, qui plus est Knox, me donne l'impression d'être une femme, un être de sang et de chair et pas seulement un danger, une erreur de la nature.
— Une pensée pour une autre, il dit.
Je fronce les sourcils.
— Comment ça ?
Il plonge ses yeux dans les miens tandis que je me cale plus confortablement sur le lit. Je sais que dans cette position très suggestive, Knox à une vue panoramique sur mon corps, mais je ne suis pas gênée. Son regard me donne confiance en moi.
— Tu m'intrigues, Elle-Rhyne. Beaucoup plus que tu ne le penses.
Les battements de mon cœur s'accélèrent tandis que des papillons volent dans mon ventre.
— Est-ce que je dois m'en inquiéter, Enfant de Satan... ?
Il sourit, et les papillons se transforment en oiseaux. Je me mords la lèvre inférieure pour ne pas sourire à mon tour.
Qu'est-ce qu'il se passe ? J'ai l'impression qu'un fil invisible est entrain de se tisser entre nous.
— Une pensée pour une autre, il répète.
— Tu radotes comme une vieille dame. Qu'est-ce que tu entends par là ?
— Si je te pose une question, tu dois me répondre en toute honnêteté. Et je ferais de même.
Je fronce les sourcils.
— Pourquoi est-ce que tu voudrais te confier auprès de moi ? Tu te sens seul ? Comme c'est chou, dis-je en souriant à pleine dent.
Le pince-sans-rire, c'est ma manière à moi de garder le contrôle de la situation. En tournant cette discussion au dérisoire, j'espère donner l'impression que je me fiche complètement de son jeu, alors que je n'ai qu'une idée en tête : apprendre à le connaître, oser l'approcher, détecter ses mensonges et ses vérités, apprendre à l'apprivoiser pour pouvoir voir ce qui se cache derrière ces yeux pleins de mystères et de ténèbres.
— Parce qu'ainsi, tu me feras confiance. Et j'en découvrirais davantage sur toi, il dit finalement.
Et encore une fois, mon cœur s'emballe...
Dès son arrivée, j'ai sentis que je l'intriguais. Quand il me regarde, j'ai l'impression qu'il me connaît, mais qu'il essaye de se remémorer d'où. Et j'ai la même sensation.
Son pouvoir, son aura, ne me sont pas inconnus. Et quand ses doigts m'ont caressés quelques temps plus tôt, j'ai sentis les voluptés de son pouvoir me lécher la peau. À cet instant, quelque chose au fond de moi s'est réveillé à son contact. Timidement, cette chose l'avait approché avant de se raviser. C'était... déroutant.
— Pourquoi est-ce que tu as dis «trouvée» lorsque tu m'as vue pour la première fois ?
Il me lance un sourire sournois.
— Parce que je te cherchais.
Je lève les yeux au ciel.
— C'est nul comme réponse. Pourquoi tu me cherchais ?
— Tss Tss, j'ai dit : une pensée pour une autre. C'est à moi de te poser une question, ne triche pas.
Je me renfrogne et me cale plus confortablement sur le lit.
— Pourquoi est-ce qu'on t'a retiré tes ailes ?
Je lui lance le même sourire narquois qu'il m'a offert.
— Pour m'empêcher d'en jouir.
Il ne semble pas surpris de ma réponse. Un sourire prend place sur son visage tandis qu'il passe une main dans ses cheveux.
— À mon tour, dis-je. Quel est la race d'Ezore ? S'il connaît un moyen de tuer les sept démons, c'est qu'il doit être très puissant.
Il prend un certain temps avant de répondre. Tellement, que je me demande s'il va ma répondre. Je commence à perdre patience, et alors que je m'apprête à lui lancer mon oreiller en pleine figure pour qu'il réponde, il ouvre finalement son clapet.
— C'est compliqué, répondit-il. Lorsque Dieu a créé les anges, on parlait d'eux en tant que fils de Dieu jusqu'à ce qu'il ait un vrai fils, créé afin de conduire les humains, de leur assurer un passage au paradis. Satan a voulu faire de même et a créé les daeva, ils sont appelés fils de Satan. Mais il s'est lassé d'eux, et les a abandonnés. Depuis, ils ne sont rien d'autre que des daeva. Ils n'ont pas été déchus. Ce ne sont pas les fils. Ils existent, c'est tout. Et Ezore en est un. Mais il s'est transformé en hybride afin d'acquérir encore plus de pouvoir. C'est un des êtres les plus puissant que je connaisse, c'est pour ça qu'il est le roi de cet endroit.
J'en reste bouche-bée, mes poils se redressant sur la nuque tandis qu'un froid s'insinue le long de ma colonne vertébrale. Je me doutais qu'Ezore était un être puissant, mais pas au point d'avoir été créé par Satan. J'en reste ahurie.
— Et toi... pourquoi es-tu devenu un ange noir ?
Je devais savoir si Knox était comme Ezore, si lui aussi était un être fait de ténèbres et de feu.
— Parce que j'ai succombé aux péchés capitaux.
— Lesqu...
Il me coupe.
— Une pensée à la fois, n'oublie pas. Pourquoi est-ce que le Haut Conseil te convoite autant ?
— C'est à cause de la nature de mes parents. Le fait qu'ils se soient accouplés pour me donner naissance alors qu'ils étaient si différents était impossible. Ma race est... contre nature.
Il acquiesce.
— Tu as succombé à quels péchés ? je lui demande, consciente de mon impatience.
Il m'intime de me rapprocher du bout du doigt. Comme hypnotisée, j'obéis rampant à quatre pattes sur le lit jusqu'à ce qu'il presse sa lèvre contre mon oreille. Son souffle chaud caresse mon lobe tandis qu'il me répond. La sensation est si agréable que j'en souffle de plaisir.
— L'orgueil, la colère, l'avarice, l'envie et...
Je déglutis.
Il me mord le lobe de l'oreille et je ne peux m'empêcher de couiner.
— La luxure.
Je tombe à la renverse, les yeux écarquillés de stupeurs.
— Tu es... tu es tombé pour quasiment... tout les péchés capitaux ?!
Il se cale plus confortablement contre la tête du lit pendant que je continue de le regarder, ahurie.
Tous les anges noirs qui sont envoyé à l'Académie y sont pour avoir succombé à un péché, à la moindre erreur ils sont directement envoyés au Purgatoire. Alors pourquoi la Haute Couronne a attendu aussi longtemps pour envoyer Knox à l'Académie ? Était-il un fugitif ? L'ont-Ils traqué jusqu'à ce qu'Ils le capturent comme Ils avaient fait avec moi ?
Mes questions doivent se refléter sur mon visage car il pose son doigt sur ma bouche pour me faire taire.
— J'ai dis une pensée pour une autre.
Je déglutis et acquiesce contre son doigt chaud.
— Je ne veux plus jouer... pour l'instant, dis-je doucement.
C'est fou. Ce que Knox vient de me confier devrait me faire courir dans le sens inverse, m'alerter au plus haut point mais je n'en suis que plus aimantée. Son doigt chaud contre mes lèvres me fait perdre la raison.
Je recule, rompant ce contact ensorcelant pour retrouver mes esprits, mais quand je tombe sur les yeux sombres de Knox, je m'y noie. Et je ne veux pas remonter à la surface.
Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Pourquoi est-ce que je contrôle si peu mes sentiments et les réactions de mon corps ?
Knox se relève du lit.
— Alors habille-toi, nous devons rentrer.
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