La Montagne Décapitée

By quatseyes

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Un honneur pour l'Empire ? Et qui m'a demandé mon avis, à moi ? Est-ce que c'était mon projet, à moi, d'être... More

Le Cercle de Fer
Prologue
Chapitre 1 - Des regrets et des zardes
Chapitre 2 - Le gynécée
Chapitre 3 - La règle du triangle d'or
Chapitre 4 - Les Appelées
Chapitre 5 - Un beau mariage
Chapitre 6 - Le parfum
Chapitre 7 - Les chambres vides
Chapitre 8 - Sous les feux de l'Empire
Chapitre 9 - Dans la nuit
Chapitre 10 - Femme du monde
Chapitre 11 - Les Mascules
Chapitre 12 - Verval
Chapitre 13 - Dipe
Chapitre 14 - Le visage dans l'ombre
Chapitre 15 - Dans le secret des entrailles de Fer
Chapitre 16 - Dans le vin
Chapitre 17 - Les Pouvoirs de la Lune
Chapitre 18 - Corps-à-corps
Chapitre 19 - Quarante-quatre
Chapitre 21 - Par le fer et le feu
Chapitre 22 - Cœur de la nuit
Chapitre 23 - Naître qu'une femme
Chapitre 24 - Prison de chair
Chapitre 25 - De profundis
Chapitre 26 - Les Crocs de Fer
Chapitre 27 - A la lueur des chandelles
Chapitre 28 - Comme la vie vous berce...
Chapitre 29 - Un éclair dans la nuit
Chapitre 30 - Chuter
Chapitre 31 - Tout ce qu'on jette en l'air...
Chapitre 32 - Creuser
Chapitre 33 - Dans le pétrin
Chapitre 34 - A découvert
Chapitre 35 - Tôt ou tard
Chapitre 36 - Le poids d'une couronne
Chapitre 37 - Douce nuit
Chapitre 38 - L'Appel du sang
Chapitre 39 - Cœur de pierre
Chapitre 40 - Dernière gorgée
Chapitre 41 - Le grand saut
Chapitre 42 - Chanson verte et nuit d'encre
Chapitre 43 - Sur le fil
Chapitre 44 - A l'orée
Chapitre 45 - Aube sang et or
Chapitre 46 - Tenir
Chapitre 47 - Sang de Fer
Chapitre 48 - Principe viril
Chapitre 49 - Épicentre
Chapitre 50 - Au-delà du Cercle
Chapitre 51 - Les liens du sang
Chapitre 52 - Bon sang ne saurait mentir
Chapitre 53 - Un pas en avant
Chapitre 54 - Epicentre
Chapitre 55 - Concentriques
Chapitre 56 - L'ombre au coeur
Chapitre 57 - Au cœur de l'ombre
Chapitre 58 - Bouquet final
Bonus - Et si Olympe n'avait pas été Appelée ?
Bonus - Les coulisses du récit

Chapitre 20 - Dans ma bulle

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By quatseyes


— ... se remettre. Avec du temps.

— ... certain ?

— Faites-moi confiance... ma vie.

Des voix me parviennent comme à travers un brouillard. Ou plutôt comme si j'étais plongée sous l'eau. Un instant, je suis près de paniquer, mais je sens bien que je ne suis pas en train de me noyer.

En revanche, impossible d'ouvrir les yeux.

— Elle se réveille.

Cette voix. Une voix d'homme vigoureuse et douce. Je ne la connais pas, mais elle m'inspire immédiatement confiance.

Comment sait-il que j'ai repris mes esprits ?

Je suis pourtant certaine de ne pas avoir bougé un orteil.

— Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle, me rassure la voix. Vous êtes en sécurité entourée de vos amis.

Mes amis ?

— Votre nourrice et vos deux servantes sont là, oui.

Soudain, un éclair de lucidité me traverse en même temps qu'un froid glacial s'empare de moi. Je n'ai pas parlé. Pas dit un mot. Il a donc répondu à mes pensées. Il lit dans ma tête.

Il va tout découvrir !

Il va tout découvrir, tous nous dénoncer, et nous allons tous finir suspendus à des crochets de boucher aux murailles d'Altis, condamnés à nous faire dévorer vivants par les charpies.

Ne t'inquiète pas, mon enfant. Je suis de ton côté.

Je retiens in extremis un cri d'effroi.

Il a répondu dans ma tête.

Comment est-ce possible ?

J'ai lu dans des ouvrages beaucoup de choses sur les forces magiques qui cheminent sur notre monde, et je sais bien qu'il existe des magiciens à la cour, mais je n'étais pas préparée à ça. Soudain, toutes mes pensées m'apparaissent traîtresses, honteuses, dangereuses. Je n'ose plus respirer, plus réfléchir, plus parler. Pourtant, je ne peux m'empêcher de haleter, un poids écrasant ma poitrine, la pensée fiévreuse et tourbillonnant autour de tous les secrets que je dois pourtant cacher.

Ne crie pas, Olympe. Tu vas faire peur à tes proches. Elles ne savent rien.

Il a recommencé.

J'inspire à pleins poumons, m'efforçant de discipliner mon souffle, et je tourne la tête vers lui pour le regarder. Il me semble que sa voix dans ma tête me paraîtra moins effrayante si je vois son visage.

Je pourrai alors imaginer qu'il me parle par sa bouche. Ainsi, ce sera moins terrifiant.

J'ouvre les yeux, m'attendant à découvrir un visage ridé et barbu surmonté d'un long chapeau pointu, mais c'est le plafond qui me fait face, luisant d'une onde immatérielle verdâtre et chatoyante. Je me tourne vers l'autre côté et les découvre enfin.

Plusieurs mètres en contrebas.

Mon hurlement fait étinceler l'étrange voile, et je chute.

Je crie de plus belle, battant frénétiquement l'air de mes bras et de mes jambes pour me raccrocher à quelque chose, mais il n'y a que le dallage de pierre sombre qui semble vouloir m'accueillir.

Au moment où je ferme les yeux, résignée à mourir, le choc ne vient pas.

Je tends les mains, mais je ne rencontre que du vide, à nouveau. Soulevant les paupières, je constate que je suis de nouveau en l'air dans l'étrange bulle magique.

Je jette un regard choqué autour de moi, et je croise ceux de Mamina, Meth et Gone, figées toutes les trois dans un même cri d'horreur silencieuse, la même main devant la bouche.

Mes nerfs lâchent tout à coup devant cette vision insolite, et je me mets à pouffer, entraînée dans un fou-rire irrépressible. Et, tout en riant, des larmes se mettent à couler le long de mes joues, bientôt accompagnées de sanglot.

— Désolé de vous avoir lâchée, Mademoiselle. Vous m'avez surpris en criant, et j'ai été déconcentré. Je n'ai pas encore l'habitude de ce rite.

Son ton réellement embêté pénètre le brouillard de ma folie passagère, et je parviens à me reprendre assez pour le chercher des yeux.

Là, à côté de Mamina, il y a un jeune homme plutôt mignon, mais pas de trace du magicien.

Très joli sourire, d'ailleurs, ne puis-je m'empêcher de penser lorsque son visage s'illumine.

Merci, Olympe, mais vous allez me faire rougir !

Je tourne vivement la tête de l'autre côté, au comble de la honte.

Quelle sotte ! J'ai oublié qu'il lit dans mes pensées !

Je me mords la lèvre avec à nouveau l'envie de pleurer.

Je sais que c'est déconcertant, mais je vous apprendrai à fermer votre esprit.

— Comment tu te sens, ma chérie ?

La voix tendre et inquiète de Mamina arrive à me sortir de cette spirale infernale. Elle semble très préoccupée par mon état, et je comprends que me voir ainsi m'évanouir a dû la bouleverser.

— Je vais bien, Mamina.

Et de le dire m'amène d'ailleurs à le réaliser. Je me sens bien, en effet, bien mieux que je ne l'ai été depuis des jours. J'ai l'impression de déborder d'énergie.

Anormalement.

— Qu'est-ce que vous m'avez fait ?

La colère m'aide à affronter à nouveau ce magicien en face.

— Un charme de résilience, Mademoiselle, me répond-il d'un ton d'évidence sans avoir totalement effacé son sourire de tout à l'heure. Votre corps et votre esprit étaient à bout de force, et je les ai reconnectés au tout pour que l'énergie du monde puisse à nouveau vous irriguer.

Devant mon air interdit, ses yeux scintillent d'amusement.

— QU'EST-CE QUE VOUS M'AVEZ FAIT ?

Répétée avec rage, presque de l'hystérie, ma question fait frissonner ma bulle, et je crains un instant à nouveau de filer vers le sol, mais elle tient bien.

Le magicien hoche la tête et reprend plus sérieusement :

— Tout ce qui est se nourrit de l'énergie du monde, le monde étant la somme de tout ce qui est. Lors d'événements trop stressants, le lien se rompt, et on se retrouve en train de dépérir, de se dessécher de l'intérieur. Vous voyez cette plante et cet animal ?

Je suis son geste et observe avec indifférence un bac d'herbe, mais mes yeux se fixent surtout sur un célestiaque des profonds. L'animal est splendide, et c'est la première fois que j'en vois un vrai. Il est vraiment plus impressionnant que sur mes enluminures les plus précises, et ce sont sa taille imposante et sa beauté qui me frappent d'abord : plumage d'un noir intense presque bleu, le bec fin et recourbé vers le haut, d'un rouge presque luisant, comme s'il était encore tout trempé du sang frais de sa dernière proie, et de longues et puissantes pattes palmées. Puis, c'est son regard acéré et intelligent qui m'interpelle, et j'y plonge presque sans pouvoir m'en empêcher, tant je n'éprouve plus que le désir de m'y perdre.

Attention, Olympe. C'est un psychopompe. Ne vous offrez pas à lui, où il vous emportera.

L'avertissement du mage vient tinter dans ma tête comme une clochette aigrelette et insistante, mais il rompt le charme suffisamment pour que je revienne à moi.

— Cette herbe et ce célestiaque sont vos ancrages végétal et animal, Altis jouant le rôle d'attache minérale. Tous trois sont reliés de manière quasi indéfectible à l'énergie du monde. Grâce à cette bulle et à leur proximité, vous pouvez utiliser leur lien pour vous reconnecter au réseau du vivant.

Et vous en aviez terriblement besoin, mon enfant. Nous avons besoin de vous pour les grandes choses qui vous attendent.

A nouveau, sa voix est venu murmurer dans ma tête ce qu'elle doit taire devant mes compagnes. Je ne sursaute même pas. A croire que je commence à m'habituer.

Quand m'apprendrez-vous à protéger mes pensées ? me mets-je à lui adresser dans mon esprit, pour voir.

Cette nuit, si vous le voulez. Sandra vous conduira.

Sandra ? L'habilleuse ?

Mon étonnement ne suscite pas d'explication de sa part, et je décide de creuser tout ça plus tard avec Sandra. Ce sera de toute façon plus confortable pour communiquer.

Pour l'heure, je commence à me sentir mal à l'aise à flotter près du plafond, et je suis pleine d'une énergie que j'ai bien envie de mettre à profit.

J'ai dû quitter la leçon de ce matin, et je ne dois pas me singulariser de mes camarades davantage en manquant celle de l'après-midi.

— Pouvez-vous me faire redescendre ? dis-je sèchement.

Le mage hoche la tête, et ma bulle amorce sa descente. En approchant du sol, je sens mon corps se redresser doucement en posture verticale, et le voile magique qui m'enveloppe se dissipe tandis que mes pieds reprennent contact avec la pierre.

Je suis aussitôt entourée de Mamina qui me serre dans ses bras, de Gone qui s'agrippe à ma main, et de Meth qui me tapote le dos en me murmurant des paroles apaisantes. Je me laisse un peu aller, le temps de retrouver pleinement mon équilibre après ce séjour en apesanteur.

— Merci, Messire, déclare soudain ma nourrice en se tournant vers le mage. Vous avez redonné des couleurs à cette petite.

Il se fend d'une révérence.

— Appelez-moi Pissenlit.

Mage Pissenlit ? Vous êtes sérieux ?

Je me retiens de ricaner, mais ne peux m'empêcher de penser au ridicule de la chose, ce qui lui fait froncer les sourcils.

Le pissenlit n'a peut-être pas l'heur de vous sembler bien noble, damoiselle, mais pensez que les prés s'en retrouvent sans cesse envahis, car, malgré son allure modeste, cette fleur est infatigable, et c'est sous ses traits les plus fragiles, boule d'akènes en sursis sous le vent, qu'elle ne répand que mieux ses triomphales conquêtes ! C'est pour ma ténacité que mon maître Panos m'a honoré de ce nom, et je suis fier de le porter.

Je sens à sa tirade que ce n'est pas la première fois qu'il doit faire face à ce type de moqueries, et je culpabilise un peu d'avoir cédé à cette facilité.

Désolée d'avoir été blessante, dis-je, sincère. Vous m'avez prise par surprise, et j'ai été déconcentrée. Je n'ai pas encore l'habitude de ces rites.

Il sourit en voyant où je veux en venir,

— Bien, conclut Mamina. Nous allons vous laisser, Messire Pissenlit. Nous vous remercions encore pour votre générosité, mais j'imagine qu'un magicien tel que vous doit être très occupé, et nous allons vous laisser travailler.

— Je vous en prie, Mesdames, répond-il galamment. Mais nous autres, mages naturocrates, nous préférons qu'on nous nomme des gaïaks plutôt que des magiciens. Magicien est un titre un peu galvaudé, vous comprenez ?

Nous acquiesçons et quittons ses appartements, nous retrouvant aussitôt dans le Grand Salon du gynécée, complètement désert, rangé et nettoyé.

Nulle trace du banquet.

Nulle trace de la traînée de sang.

Nulle trace de quoi que ce soit, en fait.

Comme si rien n'avait existé.

— Allons, Olympe ! me presse ma nourrice. Dépêche-toi de rejoindre Maîtresse Témis. Toutes les autres y sont déjà !

Elle m'indique la porte de la Salle des Pouvoirs de la Lune et se dirige vers notre suite, imitée de Meth.

Gone, restée en retrait, me murmure la tête baissée :

— Vous êtes toujours d'accord pour cette nuit ? Vous voulez toujours que n...

— Oui ! je la coupe en vérifiant autour de nous que personne ne peut nous entendre. Pas un mot !

Elle m'adresse un sourire radieux, et je la quitte pour reprendre ma leçon d'humiliation. Pardon : d'humilité.

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