- Vous voulez connaitre le sexe?
La gynécologue avait posé cette question il y a déjà plus d'une minute et nous avions répondu positivement. Depuis lors, elle observait le moniteur en nous lançant de temps à autre un sourire énigmatique.
Ne pouvait-elle pas tout simplement nous dire: c'est une fille ou c'est un garçon. Apparement non, elle prenait même un malin plaisir à faire durer le suspense.
L'attente était interminable.
Assis à côté de moi, Hakim claqua sa langue dans sa bouche synonyme de son impatience. La gynécologue balada encore un peu sa sonde sur mon ventre légèrement arrondi par mon quatrième mois de grossesse.
- Alors? Finit par demander Hakim, impatient.
Je le remerciais du regard avant de reporter mon attention vers le médecin dans l'attente d'une réponse qui vint enfin.
- Vous attendez une fille.
- Vous en êtes sûre ? Demandais-je heureuse.
- Oh oui regardez.
Elle tenta de nous montrer et de nous expliquer ce que l'on voyait sur le moniteur. J'échangeais un regard avec Hakim et il sembla, tout comme moi, ne pas vraiment distinguer ce que la gynécologue nous montrer. On se contenta donc de la croire sur parole.
- Tu es content? Demandais-je alors que l'on venait de regagner notre appartement.
- Oui, très. J'aurais été aussi très content si ça avait été un garçon. Mais une fille c'est bien.
- Ça ne sera plus les frères Akrour, maintenant ça sera les cousines Akrour.
- J'ai hâte de le dire à Idriss, il va être content, il avait peur qu'Inès soit la seule fille du groupe.
- Oui tu imagines la pauvre, perdue au milieu de Maël, Elias et Georges.
- Emilie a passé son adolescence dans un groupe de mec et elle s'en est très bien sortie.
- C'est parce qu'elle a une grande force morale. Riais-je. Il faut que l'on cherche un prénom.
- Déjà?
Hakim se laissa tomber dans le canapé et attrapa la télécommande pour allumer la télévision.
- Bin oui et puis nous connaissant je suis sûre que l'on va mettre du temps avant de tomber d'accord.
Il haussa les épaules pas vraiment convaincu par mon argument.
- J'aimerais bien un prénom court. Dis-je en m'asseyant à côté de lui.
- Et moi je ne veux pas un prénom de parisienne bobo.
- De parisienne bobo? C'est à dire? Demandais-je en arquant un sourcil.
- Genre Madeleine ou Célestine. Me fais pas ce regard là, je suis sûre que tu kiffes ce genre de prénom, je te connais par coeur.
- C'est jolie, Célestine. Tentais-je.
- Non c'est moche, moi vivant jamais ma fille aura un prénom de parisienne bobo.
Ma fille. Ces deux mots m'arrachèrent un sourire.
- Ok bon, pas de prénom de parisienne bobo. Dis-je d'un ton las. Pourquoi pas Nina?
- Non j'aime pas, ça fait pétasse.
- Ça ne fait pas pétasse du tout. Dis-je outrée.
- Je suis sortie avec une Nina et c'était une vraie pétasse.
Cette remarque me fit grincer des dents et Hakim le remarqua.
- Quoi? Me demanda-t-il innocemment.
- Rien. Dis-je froidement. Et Eva?
- J'aime pas non plus.
- Ne me dis pas que tu es aussi sorti avec une Eva.
- Je ne te le dis pas alors. Ricana-t-il.
Contrairement à lui sa remarque ne me fit pas rire du tout.
- Bien, tu sais quoi? Tu n'as qu'à me faire une liste des prénoms de toutes les meufs que tu as baisé, comme ça, ça m'évitera de te les proposer.
- Tu ne vas quand même pas t'exciter pour ça?
- Si, je vais m'exciter pour ça. Tu rigoles en me disant que tu t'es tapé un tas de meuf, je ne vois pas ce qu'il y a de drôle.
Il allait ouvrir la bouche mais je le coupais d'un geste de la main.
- Et ne mets pas mon comportement sur le compte des hormones. Tu me soules et les hormones n'ont rien à voir là dedans.
Je me levais et lui lançais un regard noir.
- Je vais me préparer pour ce soir. Et ne te prépare pas à la dernière minute, j'en ai marre d'être toujours en retard à cause de toi. Ken et Emilie nous attendent pour 19 heures.
Agacée, je me dirigeais vers la salle de bain pour prendre une bonne douche. Une fois lavée, séchée et maquillée, je me dirigeais vers mon dressing pour y choisir ma tenue. J'attrapais mon jean taille haute préféré et l'enfilais mais je déchantais rapidement. Malgré tous mes efforts, je n'arrivais pas à le fermer.
Je lâchais un premier juron avant de retenter l'expérience mais sans grand succès. Je geignis et ne pus contenir bien longtemps mes pleurs.
- Ça va ? Qu'est-ce qu'il t'arrive?
Hakim venait d'arriver dans la chambre et semblait inquiet.
- J'arrive plus à fermer mon pantalon, je suis trop grosse. Dis-je en sanglotant.
Il se détendit aussitôt et un sourire s'étira sur ses lèvres.
- C'est normal, tu es à cinq mois de grossesse. Il ne faut pas se mettre dans des états pareils pour si peu.
- Pour si peu?! Hurlais-je. Ce n'est pas toi qui te transforme en baleine, sale hmar!
Mon insulte le fit rire.
- Il n'y a rien de drôle. Dis-je en le frappant.
- Oh arrête, ce n'est pas la mort. En tombant enceinte tu savais très bien que tu allais prendre du bide.
- Oh c'est facile de dire ça pour toi, tu as le bon rôle. Ce n'est pas toi qui as toujours envie de faire pipi et ce n'est pas toi qui grossis comme un hippopotame. Tu rigoles maintenant mais le jour où je serais plein de vergetures et que j'aurais atteint la même circonférence que Big Mama, tu feras moins le malin. Crois moi, ta libido va en prendre un coup.
- Raconte pas n'importe quoi. Dit-il en levant les yeux au ciel. Quoiqu'il arrive j'aurais toujours envie de toi.
- Menteur.
Il secoua la tête désespérée et s'approcha de moi pour emprisonner mon visage entre ses mains.
- Un jour il faudra que tu te rendes compte que tu es la seule meuf qui me fait autant d'effet. Tu me rends dingue.
- Arrête avec tes disquettes de rappeur du dimanche.
Je sentis que mes remarques commençaient à l'agacer, mais c'était plus fort que moi j'avais besoin de le provoquer pour le forcer à me rassurer.
Certes, grâce à lui j'avais repris confiance en moi au cours de toutes ses années, mais on ne gomme pas nos insécurités. Et à cet instant j'avais besoin qu'il me redonne confiance en moi.
Et heureusement pour moi, il me connaissait par coeur et le comprit rapidement.
- Qu'est-ce que tu fais? Demandais-je alors qu'il retirait mon pantalon.
- Je te montre que tu as tord. Je te prouve que j'ai tout le temps envie de toi et que ça ne cessera jamais.
- On n'a pas le temps, on va être en retard. Protestais-je doucement.
Il me fit délicatement basculer sur le lit.
- Ça ne sera pas la première fois que l'on sera en retard. Et puis tu ne peux pas me laisser comme ça. Dit-il en me montrant la bosse qui s'était déjà formée dans son pantalon.
Je me mordis la lèvre et ne le repoussa pas quand il vint embrasser la naissance de ma poitrine.
- Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée Léa. N'en doute jamais.
Et lui était la plus belle chose qui m'était arrivée. Et j'avais beaucoup de chance de l'avoir.
A ma grande surprise nous ne fûmes pas les derniers à arriver chez Ken et Emilie. Sara, Théo et Elias manquaient encore à l'appel.
- Tonton Hak. S'exclama Maël.
A peine avait-on franchi la porte, que le petit garçon avait foncé comme une fusée sur Hakim. Ce dernier l'attrapa au vol et le fit basculer sur son épaule pour le porter comme un sac à patate.
- Oh non, lâche moi. Rigola Maël en gigotant dans tous les sens.
Hakim attrapa les chevilles de l'enfant et le porta à bout de bras. Maël la tête à l'envers rigolait aux éclats.
- Papa, papa! Regarde!
- Oui Maël j'ai vu.
Hakim finit par reposer le gamin au sol qui s'empressa d'aller dans sa chambre chercher quelque chose, car apparement il avait quelque chose d'important à nous montrer. Il revint plusieurs secondes plus tard, une casquette Seine Zoo vissé sur la tête.
- Vous avez vu ? Dit-il en montrant sa casquette au motif militaire. C'est une toute nouvelle, elle est chouette hein?
- Très, elle te va très bien. Dis-je.
- Ouais tu es le plus beau. Renchérit Irène.
Maël sourit à sa tante satisfait de son compliment. Georges s'approcha de son frère et tenta, sans succès, d'attraper son couvre chef.
- Je veux. Geignit le plus petit des Samaras.
- Mais c'est la mienne Georgie. Attends je vais te chercher la tienne.
Maël quitta le salon pour revenir quelques secondes plus tard avec la même casquette qu'il avait sur la tête, d'une taille beaucoup plus petite. Il la plaça sur la tête de son petit frère puis l'observa quelques instants avant de se décider à la mettre dans le sens inverse.
- Voilà, comme ça tu es plus cool!
La fin de sa phrase se ponctua par la sonnette de la porte d'entrée. Sara, Théo et Elias firent, à leur tour, leur apparition dans le séjour. Elias, lui aussi, arborait fièrement sa toute nouvelle casquette Seine zoo sur le sommet de son crâne.
- Elle est trop cool, hein? S'exclama le nouvel arrivant en se dirigeant vers son ami.
- Trop. Répliqua le jeune Samaras en faisant le signe du S-Crew avec ses doigts.
Sous nos rires, les deux compères se mirent à rapper des phrases qui n'avaient ni queue ni tête. Nos éclats de rires eurent pour résultat de faire peur à Inès qui se mit à pleurer dans son berceau. Georges prit peur et se réfugia derrière les jambes de son père alors qu'Elias se précipitait aussitôt devant le cosi dans lequel Inès était installée. Il remua légèrement le berceau.
- Faut pas pleurer bébé Inès. Murmura Maël en caressant doucement sa joue.
- C'est bon je crois qu'on a trouvé des nounous. S'exclama Idriss.
- Désolé mec mais ça va pas être possible, ils ont école.
- Ah. Grimaça Idriss faussement déçu par la réponse de Théo.
- Au faite. S'exclama Mohammed en se tournant vers Hakim et moi. Fille ou garçon?
- Fille. Répondis-je tout sourire.
- Yes! S'époumona Idriss. Ma petite crevette ne sera pas la seule meuf et vous me devez tous vingt balles.
Il agita ses mains pour réclamer l'argent auprès de nos amis.
- Vous n'en avez pas marre de faire des paris sur tout et n'importe quoi.
- Pourquoi on en aurait marre? Répliqua Doums. C'est marrant.
- C'est vraiment une fille? Nous demanda Maël.
- Oui. Acquiesça Hakim.
- Ah.
Tout comme Elias, il semblait déçu.
- Vu que c'est le moment des annonces, on a un truc à vous dire.
Nous nous tournâmes tous d'une tête vers Irène et Antoine. Ces deux là c'était rabiboché deux ans plus tôt. Je n'avais pas vraiment saisi l'histoire mais Irène était revenue en rampant et après plusieurs mois à la faire galérer Antoine avait accepté de leur donner une seconde chance.
- On va se marier. S'exclama-t-elle en montrant une bague sertie d'un gros diamant qui entourait son annulaire.
Elle aurait peut être dû attendre que son frère finisse d'avaler sa gorgée de bière avant son annonce. En effet, ce dernier avala de travers et fut pris d'une grosse quinte de toux. Maël regarda son père d'un air inquiet alors que Doums lui tapait dans le dos en rigolant.
- C'est super. Dit Ken entre deux toussotements.
- Tu es content? Lui demanda sa cadette.
- Evidemment.
- Je suis trop rassurée, j'avais peur que tu me fasses encore ton sermon de grand frère protecteur à deux balles.
- Je t'en pris Irène, on n'a plus seize ans, on a dépassé ce stade. Je suis très heureux pour vous.
Et là, à la surprise générale, Emilie éclata en sanglot. On la regarda tous avec incompréhension.
- Bin qu'est-ce qui t'arrive? Lui demanda Doums.
- C'est juste, que je suis trop contente. Les bébés, les grossesses et les mariages, c'est plein de bonnes nouvelles, du coup je suis super émue.
Suite à son explication, j'arquais un sourcil et la dévisageais. Emilie n'était pas le genre de fille émotive, à vrai dire je ne l'avais quasiment jamais vu pleurer. Elle passait son temps à positiver sur les choses de la vie et quand vraiment ça n'allait pas elle se renfermait et affichait un sourire de façade pour cacher ses émotions.
Je ne comprenais donc pas cette soudaine crise de larmes.
- C'est clair que c'est cool mais faut pas chialer pour ça.
- Je sais Doums mais j'y peux rien.
Ken, un sourire en coin, caressa doucement le dos de sa femme.
- J'y crois pas! Encore?
Tout le monde détacha son regard d'Emilie pour le reporter vers Idriss.
- Vous comptez monter une équipe de foot ou quoi?
- De quoi tu causes toi? Lui son frère.
- Emilie chiale quasiment jamais à part quand...
- Quand elle est enceinte. Continua Hakim. J'y crois pas, tu es encore enceinte?
- Je ne peux pas le dire, c'est encore trop tôt. Marmonna Emilie entre deux sanglots.
- En faite, bébé, le fait que tu dises ça ne fait que confirmer le fait que tu es enceinte.
- Tu as bébé dans le bidon? Lui demanda Maël.
Sa mère acquiesça.
- Cool! S'exclama-t-il. Tu entends ça Georgie on va avoir un petit frère.
- Ou une petite soeur. Intervint son père.
- Non, un petit frère.