Cela faisait environ vingt minutes que je regardais trois boites de jeux vidéos posées sur la petite table du salon. J'avais retrouvé ces jeux un mois après le départ d'Hakim, incapable de lui envoyer un message ou de l'appeler pour ça, je les avais planqués dans un tiroir de ma commode sous une tonne de vêtements.
Aujourd'hui ces jeux m'apparaissaient comme un moyen de revoir Hakim.
Après notre baiser lors du mariage, Hakim s'était contenté de m'ignorer. Depuis quatre jours, j'avais l'esprit torturé. J'avais besoin de le revoir. J'avais besoin de savoir où j'en étais, où en étaient mes sentiments pour lui.
Je pensais être passée à autre chose. Mais quand j'avais vu Hakim, j'avais rapidement chassé Martin de mon esprit.
J'essayais de me raisonner. Martin était parfait. Il pouvait m'apporter tout ce que je voulais: la stabilité, l'amour et une famille.
Mais il n'était pas Hakim.
Hakim était tout pour moi. C'était mon âme soeur. Je l'aimais. Mais comme, lui même, l'avait dit, parfois l'amour ne suffisait pas. Malgré mon amour pour lui, étais-je prête à renoncer à avoir des enfants?
Je soupirais. Trop de questions dans ma tête, trop de dilemmes.
Finalement, sans vraiment réfléchir aux conséquences, j'envoyais un message à Hakim. Un message simple:
Je viens de retrouver des vieux jeux vidéos à toi, si tu les veux, tu peux venir les chercher.
La réponse ne se fit pas attendre
Sérieux! Trop bien! Je viens les chercher dans une heure.
Il n'avait pas hésité à venir et ça, c'était plutôt une bonne nouvelle.
Je me levais du canapé et partis vite enfiler une tenue plus présentable. Je cherchais dans ma penderie, il fallait que je sois jolie mais il ne fallait pas que j'en fasse trop. Après un débat intérieur très intense, j'optais pour un jean et un top légèrement décolleté. Après avoir vérifié mon reflet une dernière fois dans le miroir, je m'assis dans le canapé et patientais.
Trois coups contre la porte d'entrée se firent entendre. Je me contrôlais pour ne pas me précipiter vers la porte pour ouvrir.
- Salut. Dis-je en me décalant pour qu'il puisse pénétrer dans l'appartement.
- Salut.
Il se dirigea vers le salon et je le suivis. Ses yeux balayèrent la pièce, cette pièce qu'il avait côtoyé tous les jours pendant près de deux ans.
- Ça n'a pas changé. Ça fait bizarre d'être ici.
Je ne répondis pas. En même temps quoi répondre à ça.
- C'est quoi ça? Me demanda-t-il en désignant un gros carton posé dans un coin du salon.
- Un étagère que j'ai acheté chez Ikéa. Je n'ai plus de place pour mes livres. Je n'ai trouvé personne pour me la monter. A chaque fois que Mo vient ici, il a, comme par hasard mal au dos, et Ken est tellement pas doué que je ne préfère pas lui demander.
- Et ton mec?
- Il n'est jamais venu ici.
Il fronça les sourcils et m'interrogea du regard.
- C'est notre appartement, ça me met mal à l'aise d'emmener quelqu'un d'autre ici.
J'essaya de lire dans ses yeux si ce que je venais de lui dire lui faisait plaisir ou non, mais comme à son habitude, il se ferma et détourna les regard.
- Je vais te la monter.
- Tu n'es pas obligé.
- C'est bon, ça va me prendre à peine une demie heure.
Il se débarrassa de son manteau, qu'il jeta sur le canapé, avant d'ouvrir le carton.
- Mon père vient d'emménager à Paris.
Il fallait que j'engage la conversion, d'une part pour briser le silence qui s'était installé depuis deux minutes mais aussi parce que j'avais tant de choses à lui raconter.
- Oui Ken m'a dit.
- Ouais et il a une nouvelle copine. Elle a dix ans de moins que lui. J'étais un peu réticente au début, j'avais peur qu'elle n'en veuille qu'à son argent. Mais je l'ai rencontré et c'est une femme très bien.
- Et ta mère ça va?
- Ouais comme d'habitude, elle m'appelle toujours pour se plaindre que la terre entière est contre elle et qu'elle ne sait pas ce qu'elle a fait au bon Dieux pour mériter ça. Tu connais la chanson. Et depuis qu'elle sait que mon père c'est trouvé quelqu'un, c'est encore pire.
- En même temps, elle l'a un peu cherché.
- Oh oui c'est sûr mais le jour où ma mère réalisera qu'elle est en tord, il pleuvra des licornes.
Il ricana et jeta un coup d'oeil à la notice avant de se tourner vers moi.
- Idriss va demander Alia en mariage.
- Sérieux? Dis-je enthousiaste. C'est cool.
- Ouais. Dit-il avec un petit sourire. Il est méga stressé, il veut faire la demande parfaite, s'en est presque ridicule.
- Genre diner romantique, pétales de roses et tout ce qui va avec.
- Ouais un truc du genre.
On continua à parler pendant un bout de temps et je finis par nous confectionner un petit diner.
- C'était très bon.
- Merci. Dis-je en portant à ma bouche mon verre de vin rouge.
Il m'aida à débarrasser la table avant de repartir dans le salon chercher ses affaires.
- Bon et bien, je vais y aller. Dit-il en tapant dans ses mains mal à l'aise.
- Ouais. Et bien, merci pour le meuble.
- Pas de problème.
- C'était une bonne soirée. Ça m'avait manqué de parler avec toi.
- Oui à moi aussi.
- Bon et bien. Salut.
- Ouais, salut.
Il fit un pas hésitant vers moi avant de se stopper. Je pris donc le relai et réduisis la distance qui nous séparait pour venir déposer un baiser sur sa joue.
Qu'est ce qui m'avait prise? J'aurais dû garder mes distances.
Prise d'une pulsion, je déposais un second baiser au coin de ses lèvres. Il ne réagit pas mais ne me repoussa pas non plus, je relevais les yeux vers lui et plongeais mon regard dans le sien. Son regard était brulant. Un brasier s'alluma dans tout mon corps et la secondes d'après je me jetais sur ses lèvres.
A mon plus grand plaisir, il répondit à mon baiser, il y participa même activement. Son poing se resserra sur mes cheveux et sa langue caressa doucement la mienne.
J'avais envie de lui, au diable les conséquences.
Cependant, le destin ne sembla pas du même avi que moi. La sonnette de ma porte retentit dans la pièce. Ni une ni deux, nous nous écartâmes l'un de l'autre, un air coupable sur le visage.
Je baissais la tête et me précipitais vers la porte d'entrée maudissant celui qui venait de nous interrompre.
Mohammed, je vais te tuer!
- Yo mon chou! S'exclama le marocain en pénétrant dans l'appartement. Je me faisais grave chier alors je suis venu voir ce que faisait ma meuf préférée, j'ai...
Il se stoppa net lorsqu'il aperçut Hakim planté au milieu du salon.
- Putain, je dérange! Désolé!
- Non, non, t'inquiète pas, je partais.
L'algérien fit une accolade à son ami avant de me faire un léger signe de la main et de quitter l'appartement en trombe.
La porte d'entrée claqua et Mohammed se tourna vers moi, tel un robot, les yeux écarquillés.
- Tu m'expliques?
- Il est venu chercher des jeux vidéos qu'il avait laissé ici.
- Un an après qu'il est déménagé? Dit-il en haussant un sourcil.
Il se tourna vers la table du salon sur laquelle trôné toujours les jeux.
- Et en plus il est parti sans. Donc c'est quoi la vraie raison de sa visite ?
- Je viens de te le dire.
- Arrête de me mentir, sale hmar. Dis moi la vérité où je te pète une jambe.
Je lui lançais un regard outrée.
- Essaye pour voir sale taré! Tu ne crois pas que c'est un peu excessif comme réaction!
- Alors dis moi pourquoi il est venu.
- Je te l'ai déjà dit, il est venu pour récupérer ses jeux.
Il m'observa les bras croisés en tapant du pied.
- Bon admettons que tu me dises la vérité.
- Je dis la vérité.
- J'ai dit: admettons. Est-ce que tu peux me dire pourquoi vous aviez la tête que fait Nek lorsqu'il vient de faire une connerie.
- Sur ma vie, tu me casses les couilles. Dis-je excédée.
- Arrête de jurer sur ta vie, tu te vas porter l'oeil, sale folle.
Je levais les yeux au ciel et lui tournais le dos pour rentrer dans la cuisine. Bien décidé à continuer cette conversation, il me suivit.
- Il a mangé ici? Me demanda-t-il en observant la vaisselle posée sur le plan de travail.
- Ouais.
- Je suis sûr que tu me caches un truc, ça se voit à ta tête.
Je ne répondis pas.
- Oh allez, raconte moi. Me supplia-t-il avec une voix enfantine.
Je soupirais et me tournais vers lui. De toute façon, il fallait que j'en parle à quelqu'un, je me posais trop de questions et j'avais besoin d'un avis extérieur. Je commençais donc par le début.
- Au mariage, on s'est embrassé.
- Noooonnn! Hurla-t-il.
- Bin si.
- Mais à quel moment? C'est arrivé comment?
- Quand je lui ai amené la chemise de Ken, il n'arrivait pas à refaire son noeud de cravate, donc je lui ai fait. On n'était un peu trop proche et une chose en a entrainé une autre...
- Je me disais bien que tu étais chelou durant la soirée. Je l'ai dit à Nek, mais il n'a pas voulu me croire. Il a dit que tu n'étais pas plus chelou que d'habitude, tu parles il était trop obnubilé par Em' pour remarquer quelque chose ce batard. Donc, qui a embrassé qui?
- Je crois que ça venait de tous les deux, on s'est rapproché en même temps.
- Je vois et après?
- Et bien, il y a eu du bruit à côté du coup ça nous a fait sursauter et on s'est éloigné. Il a dit qu'il n'aurait pas dû faire ça, qu'il était désolé et il s'est barré. Et il ne m'a plus reparlé. J'avais besoin de le revoir, je me posais mille questions.
- Compréhensible.
- Du coup, je lui ai envoyé un message pour lui dire que j'avais encore des jeux à lui. Il m'a répondit direct et une heure après il était là.
- Il a été hyper rapide. C'est qu'il avait grave envie de te voir.
- Tu crois?
- Sûr.
- Il est arrivé, il a vu mon étagère qui n'était pas monté, donc il s'est proposé pour la monter.
- Ça c'est bien, comme ça je n'ai plus besoin de le faire.
Je levais les yeux eu ciel et repris mon récit.
- On a mangé et au moment de partir, on s'est embrassé. Enfin je l'ai embrassé.
- Il t'a repoussé?
- Au contraire.
- C'est chaud, putain! Hurla-t-il. Mais c'est trop bien!
- Je n'en sais rien.
- Comment ça tu n'en sais rien? Dit-il interdit.
- Et bien ouais on s'embrasse et après nos problèmes sont toujours les mêmes, rien n'est réglé. Ça sert à quoi tout ça, si c'est pour ce rendre compte une nouvelle fois que l'on veut pas de la même chose.
- Vous voulez la même chose: être ensemble.
- Je veux avoir des enfants lui non.
- Et c'est un crétin. Je ne vois pas c'est quoi son problème avec ça, il a qu'à te faire un gosse.
- On parle d'avoir un gosse pas d'acheter une plante, Mo.
- Ouais bin, Nek en a beaucoup parlé avec lui. Enfin Nek a beaucoup parlé parce qu'Hakim reste muet sur le sujet. Le fait est que Nek essaye de lui faire comprendre qu'avoir un enfant c'est merveilleux et tout le blabla.
Je soupirais.
- Je pense qu'il faut que l'on ait cette conversation avant que ça dérape une nouvelle fois. Dis-je.
- Tu te poses trop de questions.
- Peut être ouais mais je préfère ça que foncer tête baissée.
Il haussa les épaules.
- Et Martin?
Et là, l'image de Martin me revint en tête. Je l'avais presque oublié. Un sentiment de culpabilité m'envahit. J'étais vraiment une mauvaise petite amie.
- Ne te prends pas la tête, quitte le.
Je soupirais.
- Tu ne l'aimes pas hein? Lui demandais-je.
- Ce n'est pas que je ne l'aime pas, c'est que je ne comprends pas ce que tu fous avec ce gars.
- Il est sympa.
- Wouah! Tu me vends du rêve là! Ricana-t-il.
J'attrapais un verre et versais le reste de la bouteille de vin rouge dedans.
- Espèce d'alcoolique!
Je lui montrais mon majeur.
- Bon tu sais ce qu'il te reste à faire.
J'interrogeais Mohammed du regard, ne comprenant pas où il voulait en venir.
- Hakim a oublié ses jeux, il faudra que tu lui ramènes.
Il me fit un petit sourire entendu avant de prendre son portable.
- Qu'est-ce que tu fais? Le questionnais-je.
- J'appelle Nek, il faut absolument que je lui raconte ce que tu viens de me dire.
- Vous êtes pires que des meufs.