Je frappe à la porte et suis ci-tôt accueillie par le sourire de la mère de Mike qui m'indique que, comme à chaque fois que j'ai eu recourt à cet appel d'urgence, son fils se trouve dans sa chambre à l'étage. Je grimpe l'escaliers de la petite maison à la décoration vieillotte et recommence la manoeuvre contre la porte en frappant juste sous le panneau «défense d'entrer».
Quand Mike me voit, son visage change. Il passe d'un sourire similaire à celui de sa mère à une mine inquiète. Je dois vraiment avoir une tête affreuse parce que je n'ai pas le temps de m'excuser pour mon comportement de ce matin qu'il me prend déjà dans ses bras. Il m'invite ensuite à m'assoir sur son lit alors qu'il prend place sur sa chaise de bureau, face à moi.
— Qu'est-ce qu'il se passe? demande-t-il.
J'ai l'impression que j'ai expliqué cette histoire mille fois sans avoir vraiment su donner une réponse à cette question. Alors je me contente de hausser les épaules parce que ma gorge est déjà nouée et que les larmes menacent de s'échapper de mes yeux.
Il pousse sur ses jambes pour faire rouler sa chaise assez près de moi pour pouvoir attraper mes mains. Il attend patiemment que j'ai réussi à avaler la boule que j'ai dans la gorge et m'écoute pendant que je raconte encore le weekend dernier.
À la fin de mon récit, il pince les lèvres, le regard au loin, il réfléchi. J'ai très peur des paroles qu'il va prononcer. Elles pourraient m'achever.
— Récapitulons depuis la départ, tu veux bien. Cette fille a échangé son numéro avec celui de James pour te faire du mal et s'est retrouvée prise à son propre jeu. Tu as rencontré le vrai James, tu t'es rendue compte que... Ben, qu'il était quelconque comme mec. T'as couchée avec Lisa, tu t'es barrée, t'as voulu lui envoyer un message parce qu'elle te manquait et c'est elle qui t'a renvoyé bouler. Bon, sa soeur jumelle est à l'hosto... C'est un détail non négligeable. J'ai bien résumé?
Je hoche la tête. Je crois que c'est encore pire de l'entendre de quelqu'un d'autre.
— En fait, conclu-t-il, la seule chose qu'on puisse lui reprocher à elle, c'est la première action...
Une fois de plus, je confirme.
— La question, continu-t-il, c'est... Pourquoi tu l'as embrassée?
Il pense que je ne veux pas répondre, mais mon silence traduit juste ma réflexion. Pourquoi je l'ai embrassée?
Mike se lève et continu son analyse à voix haute en faisant les cent pas.
— C'est vrai. OK, t'avais été déçue par James. En même temps, il casse pas trois pattes à un canard. OK, tu étais bouleversée après le flash du traumatisme de ta vie. Mais... Elle proposait de te laisser seule, d'aller chercher Carmen... Pourquoi tu l'as retenue? Pourquoi tu l'as embrassée?
La réponse est si évidente que j'ai dû attendre tout ce temps pour qu'elle me frappe. J'en rigole. Je suis tellement stupide. Mike arrête sa marche pour me considérer d'un drôle d'aire. Il y a deux minutes, j'étais au bord des larmes, et là, je me marre toute seule. Je le regarde, toujours amusée de ma propre bêtise et lui répond enfin.
— Parce que j'en avais envie.
Il croise les bras pour se rassoir sur sa chaise. Il garde le silence pour entendre la suite.
— Ben oui, j'en avais envie. Avant même de parler à James en fait. Déjà, en la voyant danser, ça me faisait quelque chose. Quand je l'ai touchée, je ressentais des frissons. Et là, en lui parlant dans cette chambre, j'avais en face de moi la personne à qui j'avais parlé pendant des semaines, avec son côté piquant et qui savait tout de ma vie, celle dont j'étais tombée amoureuse. Et, lorsqu'elle s'est penchée, près de moi... J'en avais envie.
— Ok, dit-il en joignant ses mains devant sa bouche, les yeux toujours perdus on ne sait où. Tu as flippé le lendemain. Ça arrive. Mais il faut se rendre à l'évidence, tu la kiffes cette meuf. Au point qu'elle te manque. Je ne vois qu'une seule chose à faire.
Je m'avance sur sa housse de couette, prête à entendre la suite, l'idée merveilleuse qui me sauvera de mon enfer quotidien depuis que je sais à qui appartient ce numéro de téléphone. Mike se redresse, prenant une posture très formelle pour déclarer:
— Il va falloir la reconquérir.
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