Moi une ange ? Est-ce qu'un oiseau sans ailes est toujours considéré comme un volatile ?
Mouais...On est d'accord.
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À la minute même où le cours d'histoire céleste se termine, je me précipite hors de la salle de classe pour éviter la cohue d'aile qui ne me rate jamais. Je me glisse habilement entre les anges, en évitant à tout prix d'entrer en contact avec leurs ailes. Un ange pouvait tuer si on osait ne serais-ce qu'érafler une de ses plumes.
J'ai l'impression d'étouffer. Tout autour de moi se ressemble. Les étudiants portent tous le même uniforme bleu avec deux fentes dans le dos pour leurs ailes. Tous sauf moi. Leurs ailes sont toutes identiques : grises, majestueuses et puissantes.
À l'occasion de sa Confirmation, les ailes d'un ange changent de couleur.
Leurs formes se modifie également selon les compétences du porteur. Par exemple, un Ange de la Garde Céleste a des ailes beaucoup plus longues et robustes que celles d'un ange chérubin, pour qu'elles le propulsent plus loin dans le ciel et qu'elles lui servent de bouclier en cas d'attaque.
Les êtres de cette académie ne sont pas des anges nés, des Originels, mais des humains mort-nés. Comme ils n'ont pas commis de mauvaises actions, ni de bonnes actions, ils ont été sélectionnés par le Conseil Céleste puis envoyés à ici afin d'avoir le grand et miraculeux honneur de devenir un Ange Confirmé... Lorsqu'ils seront Confirmés, ils deviendront des anges à part entière, mais s'ils échouent, ils seront déchus. Du moins, je pense. Personne ne sait ce que deviennent les anges non confirmés.
Même si je suis l'unique descendant d'une Ange Originel ici, je suis aussi la seule ange de l'école à ne pas avoir d'ailes. Elles m'ont été arrachées à l'âge de huit ans avant qu'on ne me jette dans cette prison situé dans le Purgatoire qu'ils appellent l'Académie des Anges.
Je réussis finalement à me frayer un chemin pour me rendre aux dortoirs quand une ange aux cheveux blancs et aux ailes grises bloque mon chemin. Je m'arrête et soupire de frustration.
— Qu'est-ce que tu me veux, Kallista ? demandé-je, blasée.
Elle croise les bras sur sa poitrine et sourit. Les anges qui l'accompagnent font de même.
— Les nouveaux étudiants débarquent. Il vaudrait mieux que tu te fasses discrète et que tu ailles te terrer quelque part. Nous ne voudrions pas qu'ils pensent que nous hébergeons des fugitifs, ricane-t-elle.
Je lève les yeux au ciel, mais elle ne peut pas le voir à cause de ma capuche.
—Quand est-ce que tu va te mettre dans le crâne que je suis pas une fugitive.
Elle renifle avec mépris.
— Tes ailes ont été prises. C'est le châtiment le plus dur avant la déchéance et la mort. Alors pourquoi le Conseil Céleste t'aurait envoyé ici au lieu de t'envoyer brûler en enfer ou errer dans le monde des humains ?
— Peut-être qu'ils se sont rendu compte que mon cœur est fait d'or et que je chie des arcs en ciel ? je tranche d'une voix cinglante.
Je contourne Kallista et ses amies avant de poursuivre ma route. Vous pensiez que tous les anges étaient des saints ? J'ai un scoop pour vous : ils ne sont que des êtres imbus d'eux-mêmes qui se croient tout permis parce qu'ils ont les faveurs de Dieu.
Je la contourne et marche dans les couloirs un peu plus rapidement. Je ne reçois plus autant de regards accusateurs ou meurtriers qu'avant, mais il y en a encore suffisamment assez pour me mettre mal à l'aise et me taper sur les nerfs.
J'arrive enfin dans ma chambre au bout du couloir, la plus éloignée de toutes. Je passe mon poignet au-dessus du scanner. Nous avons tous des puces d'identifications dans le poignet, elles surveillent nos moindres faits et gestes et nous permet d'accéder à certains endroits selon notre habilitation de sécurité.
J'entends un bip et j'ouvre la porte. Ma chambre est beaucoup plus grande que celles des autres anges et j'aime pouvoir me trouver loin des regards. Ici, c'est mon sanctuaire, même si je souffre un peu de l'isolation. Ils ont même mis une salle de bain et des toilettes adjacentes à ma chambre pour que je n'ai pas à utiliser les douches des filles. De plus, plusieurs puces m'ont été implantées en plus de celle à mon poignet. J'en ai une derrière l'oreille, dans la nuque, dans l'os de la hanche et dans d'autres endroits que je n'ai pas encore découverts.
Mes choix étaient de vivre comme ça, ou de mourir. À l'âge de huit ans, je pensais que sauver ma peau était le meilleur choix. Aujourd'hui, je n'en suis pas si sûre.
Je ferme la porte derrière moi et prends une nouvelle tenue dans mon armoire. Je mets mes vêtements sales dans un panier à linge.
Je vais dans ma salle de bain et me regarde dans le miroir. Le physique d'un ange n'est pas associé à son niveau de bonté, des anges noirs peuvent avoir la peau laiteuse, les cheveux très clairs et les yeux limpides. Tandis qu'un ange de lumière peut avoir teint hâlé, les cheveux foncés et les yeux sombres.
La noirceur d'un ange ne résidente pas dans son apparence, mais dans les flammes du vice dansantes dans son regard.
Je détache mes cheveux, les laissants cascadé jusqu'à ma taille, flamboyants, en une masse désordonnée, avant de brosser ma frange effilée. Mes yeux sont deux billes d'un noirs profonds avec des milliers d'éclats argentés. On m'a déjà dit que c'est comme si les Ténèbres et la Lumière menaient une constante bataille dans mon regard pour savoir lequel des deux me possédait.
Comme je suis une ange Originel, mon physique est si différent des anges de cette académie, que le Conseil Céleste m'oblige à porter constamment une capuche et des vêtements larges chaque fois que je suis en public.
J'ouvre la douche et me glisse sous l'eau. Je lave mon corps puis m'enroule dans une serviette rouge moelleuse. Je me sèche puis enfile des vêtements. J'essuie mes longs cheveux avec une serviette puis les tresse avant de les ranger sous ma capuche.
Quelqu'un toque à la porte, je sursaute. Les seuls moments où on me dérange, c'est quand je suis convoquée. Et ça ne se termine jamais bien pour moi.
J'ouvre la porte pour révéler Osh et pour la première fois depuis le début de cette semaine affreusement ennuyeuse, je souris. Il me prend dans ses bras et je ne peux m'empêcher de respirer l'odeur familière de son parfum masculin.
Ses ailes sont blanches avec des reflets grâce aux quelques plumes dorées, propres au Gardes Célestes. Elles font au moins six mètres et leurs bouts effleurent le sol lorsqu'elles sont pliées. Ses cheveux blonds sont toujours tirés en un chignon lâche. Je n'ai jamais vu des yeux aussi bleus que les siens et comme la plupart des Gardes Céleste, il respire la beauté et l'autorité. Il porte son habituelle tenue blindée bleue nuit ; tunique et manteau, glaive, lance et bouclier.
— Le directeur m'a demandé de venir te chercher. Il doit te parler.
Je fronce les sourcils.
— À ce que je sache, j'ai fait aucune gaffe, dis-je incrédule.
Et moi qui croyais qu'il voulait passer du temps avec moi pour jouer aux cartes. Il a dû remarquer ma mine boudeuse car il me pince la joue.
— J'ai beaucoup de travail en ce moment, mais t'inquiètes on se fera une partie.
Osh est mon seul et unique ami. Un jour, je m'étais faite agresser par un groupe d'anges et le directeur l'a envoyé vérifier mon état. Cet idiot s'est faufilé dans ma chambre alors que je sortais de la douche : résultat, il m'a vu sans mon "déguisement". Après avoir bégayé et rougit comme une tomate, je lui ai balancé ma brosse à cheveux en pleine tête, puis je l'ai aidé à stopper les saignements de son nez cassé avant de replacer l'os. Et c'est ainsi que nous sommes devenus meilleurs amis.
L'académie a cinq étages et le bureau du directeur se trouve au dernier. Les dortoirs occupent le deuxième étage et les salles de classes se trouvent au troisième et au quatrième tandis que la cafétéria et le gymnase se situent au premier. Il y a un grand espace au centre qui permet aux anges de voler entre les étages. Au fond se trouve une grande et belle fontaine entourée de fleurs.
Nous montons les escaliers jusqu'au dernier étage et Osh toque à la porte en bois sculpté. J'entends le directeur nous dire d'entrer et je le suis à l'intérieur. Ce n'est pas la première fois que j'entre ici alors je me dirige sur le sofa en cuir et me laisse tomber lourdement dessus.
Lorsque la porte se ferme et que nous sommes à l'abris des regards indiscrets, j'ai l'autorisation de retirer ma capuche. Je gémis presque de bonheur en sentant l'air frais caresser mon visage.
— Bonjour Barinthus ! je souris. Il sourit automatiquement, c'est un des effets secondaires que j'ai sur les gens à cause de mon physique.
— Combien de fois vais-je devoir te dire de m'appeler Monsieur Mor ? me sermonne-t-il.
Je balaye sa remarque du revers la main.
— On garde les bonnes manières lorsque les Autres sont présents, je réponds simplement.
Il lève les yeux au ciel. Ou plutôt au plafond.
— Comme tu le sais, demain des étudiants de l'unité de réadaptation arrivent, commence-t-il.
Il est vieux de plusieurs siècles mais n'a pas l'air d'avoir plus d'une trentaine d'années. Ses cheveux sont attachés en une lourde et épaisse natte argentée qui effleure presque le sol. Il a des ailes blanches aux reflets argentés, plus élancées que celles d'Osh, puisque son âge est plus avancé.
Je détache mes yeux de ses ailes et me concentre à nouveaux sur son visage.
— Oui, qu'en est-il ? je demande.
— Et bien, j'aimerais te montrer l'une d'entre eux.
— Pourquoi ? Dis-je, soupçonneuse.
Barinthus gesticule, mal à l'aise sur sa chaise et Osh se balance d'un pied sur l'autre.
— L'une d'entre eux sera ta camarade de chambre.
— Le Conseil a explicitement déclaré que je devais être seule dans ma chambre afin de garder mon identité secrète.
Il le sait très bien pourtant !
— Oui nous savons, mais nous n'avons plus de pièces libres et les prochaines chambres sont encore en cours de construction, explique-t-il.
— Comment diable suis-je censée rester cachée quand il y aura quelqu'un à mes côtés presque tout le temps ? soufflé-je en levant les mains en l'air.
Il claque la langue sur son palais lorsque je prononce le nom du Déchu.
— Tu ne pourras pas. Tu parleras à l'étudiante demain. Je veux que tu la rencontres à sept heures, dit-il.
— Si mon secret est révélé, je suis foutue. Tu t'en rends compte, n'est-ce pas ? je fulmine.
— Ne jure pas, et oui j'en ai bien conscience. Mais nous ferons de notre mieux pour que ça n'arrive pas. Tu as bien agi depuis quasiment onze ans. Il ne sera pas trop difficile de faire de même un an de plus.
— Ok, peu importe.
Barinthus souffle.
— Le Conseil Céleste t'a offert une année de plus, mais si tu échoues encore, nous n'avons aucune idée de ce qu'ils feront. Essaye de montrer patte blanche, répond Barinthus.
— Et pour mes ailes ? l'inquiétude dans ma voix fait écho à mon cœur.
— Nous ne savons pas non plus. Aucun ange Originel n'a eu ses ailes retirées avant ses dix-huit ans, répond le directeur visiblement mal à l'aise en voyant ma mine.
Je hoche la tête et soupire, défaitiste.
— Très bien, je vais aller dormir. Salut, dis-je avant de me lever pour partir et de rabattre ma capuche sur ma tête.
— Il te reste encore deux heures de cours, Elle-Rhyne, gronde Barinthus de sa voix de directeur.
— Je m'en fou. Je les rattraperai demain. Et mes ailes n'ont pas été retirées, mais arrachées, craqué-je en sortant.
J'entends une cloche et tous les étudiants se précipitent à leur prochain cours. Je traverse le couloir presque vide en silence.
Les Gardes Célestes m'arrêtaient chaque fois que je séchais les cours et me demandaient mon poignet, maintenant ils ne me dérangent même plus. Techniquement, j'ai la permission de sauter des cours quand je veux, mais je ne le fais pas souvent car je m'ennuie dans ma chambre.
J'entre dedans et enfile mon short et mon débardeur gris. Je vois un lit de plus dans la pièce et je le regarde avec agacement. Ils ont profité de mon entretient avec Barinthus pour le mettre ici, les enfoirés.
— Fais chier, je murmure en soulevant mon matelas puis en déplaçant les lattes de lits pour attraper mon journal.
Le Conseil Céleste ne m'a pas seulement arraché mes ailes, mais Il m'a aussi privé de mes souvenir. Lorsque je suis arrivée à l'Académie des Anges, je ne savais rien de moi, hormis le fait que je m'appelais Elle-Rhyne. C'est Mona, la femme de Barinthus qui a réussit à déterminer mon âge. Elle travaille avec les jeunes anges au Paradis en tant qu'institutrice depuis de nombreux siècles, elle a ça dans le sang.
Alors depuis mon arrivée, je tiens des journaux et y marque ce que je fais chaque journée, au cas où le Conseil Céleste altère de nouveau ma mémoire. C'est légèrement paranoïaque, je sais, mais au moins, ça me rassure.
J'ouvre le cahier en cuir noir offert par Barinthus similaire aux onze autres sous mon lit, attrape un stylo et commence à écrire.
4030ème jour.
Onze ans et treize jours.
Je n'ai toujours pas retrouvé mes ailes, et il me reste encore un an pour être Confirmée avant d'être déchue par le Conseil Céleste.
Osh est venu me rendre visite après les cours, son odeur est toujours aussi apaisante et il m'a promis une partie de carte.
Les nouveaux arrivent demain, Barinthus m'a annoncé que j'allais partager ma chambre avec une Ange Noire. Une Ange de Originel de lumière, sans ailes et une Ange Noir dans la même chambre. Si je meurs pendant mon sommeil, on saura au moins qui est la coupable.
Je m'engouffre dans les draps en soie en marmonnant des mots de malédiction. Quelques minutes plus tard, le monde s'assombrit et je sombre dans l'inconscient.
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