Un Passé Toujours Présent.
J'ai encore du mal à y croire. Il y a seulement quelques heures, Asher ne savait pas à propos de l'adoption. Mon cœur bat encore tellement fort à l'idée de lui avoir avoué. Je n'en avais jamais parlé à personne, même pas à Faith que je connais depuis trois ans. Mais les circonstances étaient telles que je ne pouvais pas ne pas lui dire. Son regard partagé entre la tristesse et la colère m'avait effrayé, même si je savais qu'il ne me ferait pas de mal. Mais j'avais peur. Tellement peur.
Peur de le perdre.
Et cette peur sera encore plus forte maintenant. L'idée d'avancer dans ma relation avec Asher me plaît, énormément. Et je sais que m'attacher à lui peut impliquer un futur cœur brisé. Et je n'ai pas envie de revivre ce que j'ai déjà vécu avec Alexandre. Rien que penser à lui me fait frissonner. La dernière fois que je l'ai vu, c'était dans une épicerie en ville et je m'étais cachée sous ma capuche pour qu'il ne me reconnaisse pas. Tout ce que je sais de lui, c'est qu'il est marié. Des fois, je me demande ce qu'il se serait passé si je lui avais avoué pour mon bébé. Peut-être qu'on l'élèverait ensemble, qu'on aurait acheté une maison, qu'on aurait un chien, comme la petite famille américaine parfaite.
Pourtant je ne changerai ma vie pour rien au monde.
Être dans les bras d'Asher en ce moment me comble de bonheur, chose que je n'avais pas ressenti de façon si importante depuis des années.
- À quoi tu penses ?
Les yeux fermés, je souris contre son torse et serre plus mes bras autour de lui. Je ne veux plus jamais bouger.
- Au fait qu'on se trouve sur mon balcon à quatre heures du matin, avec certainement cinq degrés comme température extérieure.
Enfin presque plus bouger.
Asher éclate de rire et attrape ma main pour me traîner dans l'appartement. Main dans la main, nous nous rendons dans la cuisine et je m'assois sur un tabouret du bar pendant qu'il s'affaire à chercher quelque chose dans mes placards.
- Un chocolat chaud ça te dit ? Il me présente un pot de chocolat en poudre.
- Je dis pas non.
Avec son fidèle sourire, il se met derrière la plaque chauffante et commence sa préparation. De ma place, je m'amuse à l'observer faire, comme un véritable chef cuisinier. J'ai encore du mal à croire qu'il y a quelques semaines, nous n'étions que de vulgaires inconnus. Maintenant, je suis incapable de me passer de lui. Et je sais aussi que ça m'effraie. Qu'est-ce qu'il se passera s'il ne veut plus qu'on se voit ? S'il trouve mieux ailleurs ? Il y a beaucoup mieux ailleurs, il suffit juste de voir comment Ivy a rappliqué quand elle a aperçu le beau brun. Asher intéresse les femmes, certainement plus qu'il ne le croit.
- Tu la trouvais vraiment belle Ivy ? Je l'interroge alors qu'il verse le lait dans la casserole.
- Ta collègue ? Je hoche la tête et il grimace. Pas spécialement. Même si j'ai bien apprécié qu'elle me drague.
- Vraiment ? Je hausse un sourcil et il continue sans même me regarder.
Attention mon grand.
- Ça flatte toujours, il hausse les épaules.
L'égo masculin j'imagine. Même si je comprends ce qu'il doit ressentir. Qui ça ne flatterait pas qu'une belle personne vienne lui proposer un café ? Pourquoi ça m'est jamais arrivé ? Je suis si invisible aux yeux des hommes ? Ou alors je suis trop horrible pour eux.
- Je crois que je suis invisible pour les hommes, je conclue et Asher pouffe de rire.
- Pourquoi tu dis ça ?
- On m'a jamais dragué. Enfin à part quand j'étais à l'université mais ça compte pas.
- Jamais jamais ? Il revient vers moi en laissant la casserole refroidir.
- On m'a jamais proposé un café comme l'a fait Ivy avec toi.
- N'oublie pas que je t'ai proposé un dîner, il ajoute et je lève les yeux au ciel.
J'oublierai jamais.
- C'est pas pareil Asher.
Ça peut paraître stupide mais je me demande vraiment quel est mon problème. Peut-être que mon caractère effraie les mecs. Ou alors que je ne suis pas assez belle. Ou pas assez extravertie pour eux, trop coincée. Après tout, Faith m'a bien fait comprendre que je devais arrêter de rester plongée dans mon monde de travail.
Dans le silence, Asher vient s'asseoir à côté de moi, sans me regarder. Il se gratte la gorge et me jette un coup d'œil avant de me sourire innocemment.
- Bonjour jolie demoiselle.
Malgré les tentatives d'Asher pour me calmer, j'éclate de rire sans m'arrêter. Son sourire éclatant orne son visage alors qu'il me prend dans ses bras pour embrasser mon front.
- T'es pas invisible Blaise. Je vois pas qui ne rêverait pas de sortir avec toi ou même de te parler.
*
Il est dix heures du matin lorsque nous arrivons au cabinet d'Asher. Nous avons pu dormir un peu, après notre chocolat chaud nocturne et bien que le réveil fut compliqué, j'ai adoré me réveiller près de lui.
Le brun me sourit en me tenant la porte et j'entre dans la salle d'attente où Finn se trouve déjà. Ce dernier nous accueille chaleureusement, une bouteille de champagne à la main.
- Putain tu déconnes, Asher fronce les sourcils et arrache la bouteille des mains de son collègue. Finn bordel ça coûte la peau du cul ça !
- On s'en fout ! Grâce à l'argent de l'assurance et à cet investisseur qu'on connaît même pas, on va pouvoir racheter du matériel neuf ! Alors on peut bien se boire une boisson de qualité !
À nouveau la bouteille dans ses mains, Finn remplit deux flûtes et m'en tend une, avant de tendre l'autre à son ami. Nos flûtes en notre possession, nous trinquons, difficilement pour Asher. Boire du champagne à dix heures du matin, c'est une première pour moi.
- Je comptais aller acheter les premiers nécessaires, nous annonce le bouclé et Asher soupire, Tara va venir aussi. Ça vous dit ?
- Blaise va rentrer, m'interrompt Asher alors que j'allais répondre.
- Pourquoi ?
- Tu vas profiter de ton jour de congé, il hausse les épaules et je le fusille du regard.
- Je pense que je suis assez grande pour prendre des décisions, je fronce les sourcils et me tourne à présent vers Finn, je viens avec vous.
Comme je m'y attendais, Finn grimace et sort de la pièce pour se rendre dans une autre. Face à moi, Asher croise les bras et je comprends que lui aussi est énervé. Donc nous sommes deux.
- Pourquoi tu fais ça ? Il m'interroge et je hausse les sourcils.
- T'as pas à décider pour moi Asher. Je suis majeure et vaccinée, ne t'inquiète pas pour moi.
- Blaise je voudrais juste que tu te reposes. T'as passé une nuit compliquée. Je pensais juste que ça te ferait du bien.
- Je vais bien Asher, je t'assure. Tout ce que je veux là, c'est profiter de mon jour de repos.
Calmement, je m'approche du brun et dépose mes mains sur son torse. Les siennes viennent se poser sur ma taille et l'agrippe, si bien qu'il m'empêche de m'éloigner.
- Et puis faudrait qu'on trouve une date pour ce fameux dîner que tu m'as promis.
Son front se pose contre le mien et je lui souris doucement. Le silence autour de nous règne, j'ai l'impression d'être sur un nuage.
- Samedi tu es libre ?
*
De retour dans mon petit appartement, je me lance sur mon canapé et m'y étend. Il y a encore quelques heures, Asher et moi y étions assis et rien que le souvenir d'être dans ses bras me revient. J'aime tellement sa présence. Tellement que je sens le manque s'installer chaque fois que nous ne sommes pas ensemble et ça m'effraie un peu. Qu'est-ce qu'il se passera s'il change d'avis ? S'il décide lui aussi de me laisser ?
Alors que je tends le bras pour attraper ma télécommande, mon téléphone se met à sonner et je soupire. Je suis fatiguée, j'ai marché toute l'après-midi dans les magasins avec Tara, Finn et Asher et je n'ai qu'une envie, c'est dormir. Alors l'idée de devoir me lever pour récupérer mon mobile dans mon sac à main me désespère.
Deuxième sonnerie, je me décide enfin à me lever et entreprends de retirer mes chaussures le loin du trajet. Quand j'atteins enfin mon sac, mon téléphone affiche deux nouveaux messages, tous les deux de ma chère collègue adorée aussi appelée Ivy.
Reçu aujourd'hui à 20h17 : Devine qui sera ta coéquipière pendant quelques jours ! On va trop s'amuser tu vas voir. Allez salut. Xoxo
Reçu aujourd'hui à 20h19 : Au fait, ramène le beau brun quand tu veux, j'ai pas dit mon dernier mot.
C'est décidé.
Je vais commettre un meurtre.
*
- Salut ma belle !
Apaisée par le sourire de mon amie, je m'assois à mon bureau et dépose mon sac à terre. Mes yeux se ferment presque seuls lorsque je tente d'allumer l'ordinateur mais je me retiens pour ne pas tomber la tête contre la table. Je n'ai pas dormi de la nuit, trop occupée à penser à ma situation avec Asher, notre futur rendez-vous et mon travail avec Ivy qui va s'avérer très difficile. Comment vais-je faire pour ne pas la frapper ?
Faith, à mes côtés, observe son écran les sourcils froncés. Encore certainement ce dossier sur lequel elle travaille depuis plusieurs jours, la présentation du nouveau numéro du magazine. J'espère vraiment que tout sera parfait, j'y ai mis tellement de temps et d'efforts que ça me briserait le cœur de voir mon travail réduit en miette. Et puis, ça me permettrait de voir que je n'ai pas failli me faire agresser par ce crétin pour rien.
- Ça va pas mieux toi, hein ? Elle m'interroge et me regarde de ses yeux inquiets.
- J'ai pas beaucoup dormi.
- Asher m'avait expliqué. T'aurais du rester chez toi une journée de plus Blaise.
- Non, c'était mieux que je vienne, je stoppe cette conversation et elle reprend son travail, après m'avoir jeté un nouveau coup d'œil. Asher m'a invité à dîner samedi.
- C'est génial ! Elle lâche son poste et vient se poster près de moi. Donc on a quatre jours pour te trouver une jolie tenue !
Qu'est-ce que je ferais sans elle ?
*
Les premières heures passent sans que nous ne nous adressions la parole. Trop de travail nous en empêche. Faith est soit devant son ordinateur au téléphone, soit avec l'équipe de rédaction en réunion pendant que je m'occupe de terminer la préparation de la couverture avec les designers. Nos idées avaient été validées par Monsieur Carter, j'espère juste qu'elles le seront par le public.
- Blaise ton téléphone sonne, me déclare Faith alors qu'elle ne quitte des yeux son écran.
Une photographie d'un des mannequins dans la main, je décroche sans même regarder le numéro et laisse mon interlocuteur me parler.
- Blaise désolée de te déranger mais il y a un homme qui dit te connaître et qui est en train de se prendre la tête avec l'agent de sécu.
Les mots d'Abigail ont le mérite de m'inquiéter et je stoppe mes mouvements. Et si c'était le directeur de Miami ? S'il avait réussi à sortir de prison plus tôt que prévu ?
- Est-ce qu'il t'a dit son nom ?
- Je t'avoue que j'ai pas vraiment réussi à lui demander vu qu'il est en train de limite se battre avec l'agent.
- J'arrive.
Pas le choix, ma peur doit passer outre. Je dois me rendre au rez-de-chaussée pour aller voir ce qu'il se passe. Sous les yeux de ma collègue affolée par certainement mon élan soudain vers l'ascenseur, je me presse et me rends à l'accueil, là où Abigail m'accueille en courant sur ses hauts talons rouges sang.
- Dis moi que tu le connais s'il te plaît. Je n'ai pas envie d'appeler la police.
Alors que nous nous approchons des deux hommes à l'entrée, mon téléphone retentit à nouveau dans ma main et le prénom d'Asher s'affiche sur l'écran. D'un mouvement brusque, je l'éteins et le range dans ma poche de pantalon.
- Puisque je vous dis que je la connais ! S'exclame l'homme dos à moi, maintenu par l'agent de sécurité.
- C'est quoi le problème ?
La testostérone semble redescendre en flèche alors que les deux s'aperçoivent de ma présence. Luc, l'agent de sécurité, daigne enfin lâcher l'inconnu et le laisse se retourner, sous mon regard stupéfait.
- Phil ?
- Ma petite Blaise ! Il s'écrie et s'approche rapidement de moi pour me serrer dans ses bras.
Les miens encore raides pendent le long de mon corps. Ayant du mal à y croire, j'éloigne mon ancien ami de moi et observe son visage qui a changé depuis le temps. Une mâchoire plus masculine, des cheveux courts et noirs bouclés, une peau bronzée ainsi qu'un début de barbe. Voilà ce qui a changé chez lui.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Je tente de prononcer même si je suis encore trop surprise.
- Ça fait tellement longtemps que je voulais te voir ! Mais je suis souvent en déplacement pour mon boulot donc j'ai du mal à être libre.
- Tu voulais me voir ? Vraiment ? Ça fait huit ans Phil. Huit ans que tu aurais pu me voir.
- Est-ce qu'on peut parler ailleurs, en privée ? Il m'interroge et baisse d'un ton lorsqu'il remarque que nous ne sommes pas seuls.
- Je travaille là.
- Tu peux prendre une pause dans combien de temps ?
- Je prends pas de pause, je me retourne et pars en direction de l'ascenseur qui n'attend que moi.
- S'il te plaît Blaise. J'ai besoin de te parler, je l'entends me crier depuis l'entrée et je me stoppe dans ma progression.
Je peux pas ne pas y aller. Je le sais bien. Mais j'ai peur de ce dont on pourrait parler. Je ne veux pas retourner dans le passé en évoquant des souvenirs qui pourraient me blesser.
Mais Phil était là pour moi pendant ma grossesse, quand je me suis retrouvée abandonnée par la personne que j'aimais le plus.
- J'ai une heure devant moi, pas plus.
*
Installée dans le restaurant du coin, assise face à Phil, je ne lève pas les yeux du morceau de pain que je suis en train de triturer. Le stress m'a envahi depuis un moment déjà et m'empêche d'esquisser le moindre sourire. L'idée même d'évoquer le nom de certaines personnes me terrifie.
- Alors ? Tout se passe bien dans ta vie ?
Pour la première fois depuis vingt minutes au moins, je relève les yeux de la table.
- Ça va, je hausse les épaules et l'observe se mordre la lèvre.
- Tant mieux alors...
À nouveau dans le silence, mes yeux dérivent sur mon sac à mes pieds et je l'attrape pour en tirer mon téléphone. Ce dernier affiche un appel en absence et je finis par me souvenir de Asher. Mon cœur bat rien que de penser à lui.
Reçu aujourd'hui à 11h43 : Ça te dirait un déjeuner ce midi ?
Mon cœur se serre lorsque je relis le mensonge que j'ai dû inventer plus tôt.
Envoyé aujourd'hui à 12h50: Désolée, trop de boulot mais demain si tu veux !
- Blaise ?
- Hein ? Je relève la tête de mon mobile et m'aperçois qu'un serveur attend patiemment à côté de moi. Oh ! Un camembert au four et un peu de vin s'il vous plaît.
- Une salade au fromage de chèvre pour moi s'il vous plaît, ajoute mon vieil ami et le serveur prend note pour finalement partir.
Je repose discrètement mon smartphone dans mon sac et replace mes mains sur la table, dans l'attente des paroles de Phil.
- Comment vas ton frère ?
- Pourquoi tu m'as fait venir ici Phil ? J'évite sa question et perds patience.
- Ça fait des années que je cherche à te voir. Mais tu as disparu des radars. Plus personne n'a de tes nouvelles, tes parents ont déménagé, ton frère refuse de m'adresser la parole. Tu n'es même pas dans l'annuaire. J'ai bataillé pour te retrouver Blaise.
- C'est fait exprès. Tu crois quand même pas que j'allais vous laisser la possibilité de me retrouver et de venir constater combien ma vie était minable.
- Ta vie n'était pas minable Blaise.
- J'étais enceinte, je vivais chez mon frère et sa copine, mon père ne voulait plus me voir et mon copain m'avait trompé. Mais oui, tu as raison, ma vie n'était pas minable.
Assez énervée par la situation, je jette mon morceau de pain sur la table et m'adosse à ma chaise, les bras croisés en défiant Phil du regard. Lui qui dans mes souvenirs était tellement sûr de lui, il n'en est rien aujourd'hui.
- Tu étais la fille la plus courageuse que je connaissais, il murmure et ne cesse de me regarder dans les yeux. Tu voulais garder ton enfant malgré tes problèmes, tu t'es relevée après être tombée, tu ne t'es pas laissée faire par ton père. Alors non Blaise, ta vie n'était pas minable pour moi, au contraire.
« Tu voulais garder ton enfant. »
Je ne suis pas cette fille courageuse qu'il décrit. Si je l'étais vraiment, j'aurais gardé cet enfant, je l'aurais élevé et j'aurais trouvé un toit pour que nous puissions vivre. J'aurais retrouvé une vie stable, un homme qui aurait bien voulu de moi. Mais il n'en est rien. Je ne suis pas courageuse. Je suis minable.
- Je ne suis pas cette personne là, je réponds, à voix basse, les yeux rivés sur ma serviette en papier.
Autour de nous, les gens parlent, rigolent, mangent, vivent. Pourtant, toute cette agitation ne me donne pas envie de faire de même. Tout ce que je veux faire maintenant, c'est pleurer.
- Bien sûr que si, Phil tente d'attraper ma main pour me rassurer.
- Phil je n'ai pas gardé le bébé.
Si j'arrivais à enfouir ma tristesse au fond de moi, elle dévale maintenant mes joues, sans s'arrêter. S'en est trop pour moi, je n'y arrive plus. C'est trop difficile de penser à ça alors que je n'ai fait que le cacher pendant presque huit ans. C'est dur de le dire, dur de montrer aux gens que justement, je n'étais pas assez courageuse pour élever mon bébé.
- Tu aurais été une excellente mère pour cet enfant Blaise.
*
Sur le chemin de retour, son bras autour de mes épaules comme avant, Phil me raconte ses aventures ou comment il a réussi à partir en Espagne pour apprendre la photographie. Il en a toujours rêvé et après sa dernière année d'université, il a osé se lancer. Depuis il ne jure que par la photographie.
- Et alors ? Qu'est-ce qu'il se passe dans ta vie aujourd'hui ?
- Je travaille dans l'entreprise d'un ami de mon père. Ça paie plutôt bien et j'aime ce que je fais. Un jour j'aurai peut-être une promotion mais pour l'instant ça me convient, je lui explique et nous nous stoppons devant mon immeuble.
- Et ? Côté homme ? Si tu me dis que tu es retournée avec ce crétin je te tue.
- Non, je grimace au souvenir d'Alexandre et moi, je suis encore seule.
- Pas d'homme qui te court après ? Il insiste et je commence à me poser des questions.
Phil a toujours dit qu'un homme ne devait pas courir après une fille, qu'elle n'était pas quelque chose à conquérir. Dans mes plus lointains souvenirs, il détestait Carrie pour son caractère de fille en chaleur justement mais quand il a appris à la connaître, il s'est rendu compte que c'était une fille bien. Enfin pas assez visiblement.
- Personne. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Je me renseigne juste sur ta vie c'est tout, il hausse les épaules et son regard semble s'éloigner de moi.
- Phil. Dis moi.
- Ok, il soupire et grimace. Je suis l'ancien président du conseil des élèves de l'université et j'ai été chargé d'envoyer un mail à chacun des anciens élèves pour les prévenir d'une réunion des anciens élèves justement. Mais je voulais pas juste t'envoyer un mail alors me voilà.
- Tu crois quand même pas que je vais y aller ?
- Ça serait super que tu viennes.
- Pour voir des gens que je déteste et qui me prenaient pour la cocue de service ? Non merci.
- Blaise je te promets que ça se passera bien. Tu dois venir. Montre leur que tu es heureuse aujourd'hui, que tu as réussi ta vie.
- C'est pas mon truc, désolée Phil.
- Me dis pas que t'as pas envie de voir la tête de Colmarti s'il te voyait avec un mec à ton bras ? Ou celle de Carrie si elle réalisait que tu as mieux réussi qu'elle ?
- Envoie moi ce mail.
*
- Salut !
Lorsque j'entre dans le cabinet fraîchement peint, c'est sur Finn que je tombe, dans ses vêtements tachés. Ce dernier me sourit et m'invite à le rejoindre près du nouveau comptoir, ce que je fais.
- Qu'est-ce que tu fais là ? L'homme aux cheveux couleur corbeau me questionne et je soupire.
- Je sais qu'il est tard mais je voulais venir vous voir.
- Vous ?
- Asher et toi, j'ajoute et il secoue la tête.
- Asher était censé venir te chercher ce midi pour que vous mangiez ensemble. Il est pas revenu depuis.
- Quoi ?
L'inquiétude prend le dessus et je m'empresse d'attraper mon mobile dans mon sac. S'il était arrivé quelque chose à Asher, je ne sais pas si j'arriverais à continuer. Finn s'approche plus de moi et ensemble nous écoutons le répondeur de notre brun résonner dans la pièce.
- Je vais essayer moi.
Alors qu'il se dirige vers son bureau pour prendre son téléphone, je m'assois doucement sur une des chaises nouvellement montée. Le stress monte en moi et je me vois déjà à l'hôpital, à son chevet, à serrer sa main en ayant peur de ne plus jamais voir ses beaux yeux.
- Putain tu nous as fait peur mec, j'entends et je relève la tête.
Finn, le téléphone à l'oreille lève un pouce en l'air et reprend sa discussion.
- Oui, nous. Blaise est avec moi au cabinet là.
Pour tenter d'entendre quelque chose, je m'avance et espère pouvoir lui parler. Pourquoi ne m'a-t-il pas répondu ?
- Hein ? Mais Asher !
Le téléphone maintenant sur la table près de nous, Finn soupire et passe ses mains sur son visage.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? J'ose lui demander après quelques secondes de silence.
- Il s'est mis à jurer et il a raccroché.
- Tu crois qu'il a un problème ?
- J'en sais rien du tout. Asher est jamais comme ça. Je sais pas ce qu'il lui prend.
- Il était où là ?
- Chez lui je pense. J'entendais le son de la télévision.
- Donne moi son adresse.
- Blaise...
- S'il te plaît.
*
Grâce à Finn, j'ai même pu obtenir le code de la porte d'entrée de son immeuble. Même si Asher laisse prétendre le contraire, il a des moyens. Il doit tellement détester mon appartement. Si petit, un immeuble désagréable. On se demanderait presque ce qu'il vient y faire.
- Plus qu'un étage, je marmonne, essoufflée par les marches que j'ai dû déjà monter.
J'ai l'impression de faire un marathon. Mon cœur bat à cent à l'heure, mes jambes me crient de m'arrêter mais pourtant je continue de courir. Je veux savoir ce qu'il lui arrive, pourquoi il n'est pas rentré au cabinet et surtout pourquoi il a dit à Finn qu'il venait me chercher alors qu'il ne l'a pas fait.
Quand j'arrive enfin devant la porte, je toque de toutes mes forces, dans l'espoir qu'il daigne m'ouvrir. Mais alors que je pensais le voir me sourire en l'ouvrant, c'est une toute autre chose que je découvre.
- Oui ?
Habillée d'un jean moulant à en faire pâlir les mannequins, ses longs cheveux blonds tombant en cascade sur sa poitrine dégagée par sa chemise ouverte au niveau de celle-ci. Mon cœur se serre, mon estomac se retourne. Pourquoi j'ai l'impression de ne plus savoir respirer ?
- Oh mais vous êtes la petite rousse qui était à côté de Asher l'autre jour ! Elle semble me reconnaître et j'en fais de même.
- Et vous êtes-
- Savannah, elle me répond et mon monde s'effondre un peu plus. Vous vouliez voir Asher ?
- Je-
- Désolée il est à la salle de bain, elle me lance un sourire victorieux et s'appuie contre la porte, mettant en valeur sa grande taille grâce à ses merveilleux talons hauts. Vous voulez laisser un message ?
Je ne peux pas me faire des idées. Mais savoir Asher et son ex dans le même appartement ne laisse pas beaucoup de place à l'imagination. Je ne me pose même pas de question, je sais qu'elle n'est pas là innocemment. Et le regard qu'elle vient de me lancer me le prouve. Elle est venue pour gagner.
- Non, je secoue la tête et murmure.
S'en est trop. Si je reste devant elle, j'ai peur de m'effondrer. Pour la deuxième fois de ma vie, j'ai le sentiment d'avoir été trahie, abandonnée. Le pire c'est que je ne peux pas en vouloir à Asher. Nous ne sommes même pas en couple. Pourquoi j'ai aussi mal alors ?
Sans plus discuter, je replace mon sac correctement sur mon épaule et fais marche arrière pour retourner dans les escaliers où je ne tiens plus. Dans un grand bruit, je laisse tomber mon sac au sol et m'installe sur une des marches, le cœur en miettes.
Elle a réussi. Elle a gagné.
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À écouter : Sober - Selena Gomez
[ Je profite de ce chapitre pour vous dire que les prochains chapitres vont arriver rapidement puisque l'histoire est presque finie. Vous aurez donc les trois prochains chapitres ainsi que l'épilogue postés cette semaine et la semaine prochaine !]