Après m'avoir fixé rendez-vous le plus tôt possible, donc pour le soir même, nous nous sommes quittés pour partir chacun de notre côté. J'ai couru, couru le plus vite jusqu'à chez moi et je me suis enfermé à double tour dans mon appartement. Je ne voulais croiser quiconque aujourd'hui.
En prenant cette décision de rentrer en France, sur un coup de tête, je n'ai pas mesuré l'ampleur de ma situation. Que vais-je faire ? Jetsen s'est occupé de relouer mon petit studio miteux, je n'ai donc nul part ou aller et hors de question de débarquer chez mon frangin, bras ouvert, alors que je ne digère pas encore le tour qu'il a su me jouer. Je ne veux rien avoir à rendre à Etienne, je veux donc me débrouiller toute seule, il y aurait bien Matt mais... Non. Ce n'est même pas la peine d'y penser. Et puis, il y a aussi le boulot ? Ici, j'ai encore un mois à exercer avant de savoir si je souhaite prolonger mon passeport de séjour, en tant que résidente officielle. Si je quitte Québec maintenant, je peux dire au revoir à la belle vie que m'a offerte Sportium.
-Mais je dois le faire ! je m'exclame au milieu de mon salon. Ok, réfléchi Ruby... me dis-je en piétinant sur place. J'ai trouvé la solution pour soulager mon état d'âme, il ne me reste plus qu'à régler le problème...
Mais si partir d'ici enclencher justement un nouveau problème ?! Je ne veux pas partir et quitter tous ceux qui ont su m'accueillir à bras ouvert ici... Johan, Sherley, les autres gars du taff, Tecker et... Dimitri.
Dimitri...
Après toutes ses années à me lamenter sur mon sort et à pleurer et me voiler mon amour pour lui, c'est moi qui aujourd'hui, vais reproduire le même schéma d'il y a cinq ans.
-Ne pas reproduire les mêmes erreurs deux fois Ruby... je me répète.
C'était un mantra de mon père, et je vois enfin ou est-ce qu'il voulait en venir lorsqu'il me disait cela. Je m'empare de mon téléphone furieuse et composé son numéro sans réfléchir. Dès qu'il décroche, je l'incendie sans même lui décocher un bonjour.
-Ah tu t'es bien foutu de ma gueule Jetsen ! M'envoyer Étienne pour soit disant ne pas me laisser seule... Elle était belle ta solution ! T'inquiète pas ta foutue idée à bien fonctionner, j'me suis laisser avoir par les douces paroles de ton pote. Une psychanalyse...non mais sans déconner ?! Mais t'en fais pas frangin, j'me suis arranger avec lui pour éviter de te faire payer la séance. Après tout tu n'allais pas lui offrir le voyage et aussi payer les frais de ma déprime profonde. En tout cas t'a gagné ! Enfin non t'as rien gagné du tout car c'est Étienne qui a fait son taff après tout, mais mon choix est fait Jet, je rentre, dès ce soir.
-Qu...Hein ? Comment ça tu rentres ?
-Les coton tiges ça existe Jet si t'as les oreilles bouché.
-Rha putain Ruby met la en sourdine cinq minutes tu veux !
-Toi et le second degré ça fait deux, c'est affreux.
Ou c'est moi qui suis affreuse. Quand la rage me prend je ne contrôle rien du débit de mes paroles souvent absurdes. J'entends Jetsen inspirer profondément de l'autre côté du combiné.
-Tu...tu...balbutie t-il, je... je t'interdis de rentrer Ruby, tu m'entends !
Je me stoppe sur place, abasourdi par ce qu'il vient de dire et je ne trouve rien d'autre de mieux que de lui raccrocher au nez. J'extériorise un cri de haine et fonce sur ma commode. J'ouvre et en vide les tiroirs dont je fou le contenu dans ma valise sans prendre le temps de les plier. Si je veux faire ce que j'ai décidé, il ne vaut mieux pas que je pousse à réfléchir trop longtemps. J'abats le couvercle de ma valise, la ferme, m'empare de mes clefs sur mon comptoir et sans regarder derrière moi, quitte la résidence.
*
* *
Assise sur un des sièges de la tribune juste au dessus de la sortie des vestiaires, je guette la sortie de chaque joueur. C'est la fin de l'entraînement, et je suis arrivé lorsqu'ils étaient encore sur la glace. C'est Tecker qui d'un coup de cross dans le patin a fait un signe en direction du plexiglas derrière lequel je me trouvais pour avertir Dimitri de ma présence. Lorsqu'il m'a vu, son visage s'est fendu d'un sourire, je n'ai pas pu le louper, comparé aux autres, il n'était pas équipé de son équipement intégral, mais c'est lui qui tenait l'ardoise et le sifflet du coach. J'ai eu droit au fameux lancé de palet sur la vitre par Jessy et d'autres, mais je me suis lassé de la blague, elle ne venait pas du principal intéressé. J'ai regardé la fin de l'entrainement et j'ai admiré les talents de Dimi en tant que coach. Je le vois enfin qui sort des vestiaires en compagnie de ses acolytes. Il cherche de partout autour de lui, et je le siffle du haut de mon siège pour qu'il me voit. Il a l'air soulagé que je sois resté. Il dit aux autres de ne pas les attendre et grimpe les tribunes pour me rejoindre. Je repère Jessy qui s'éloigne en me regardant et je lui fais un signe de main en souriant, il me répond d'un signe de tête, je n'ai toujours pas pris la peine de m'excuser de mon attitude pour l'autre jour, le pauvre.
-Hé Ruby... dis Dimi en arrivant. Il se penche et m'offre un baiser sur la joue puis s'assoit à côté de moi. Tu as vu Étienne ce matin...?
-Oui... tu savais toi, pourquoi il était là n'est-ce pas ?
-Je me l'a annoncé que ce matin... sinon je t'assure que je te l'aurais dis avant !
-T'inquiète...
Je frotte mes mains sur mes cuisses et perds mon regard sur la surfaceuse qui en train de refaire la glace.
-Depuis combien de temps tu n'es plus monter sur la glace ? me demande Dimitri.
Je tourne la tête vers lui, ses yeux d'azur sont braqués sur moi. Je perds mes yeux dans les siens. Il est tellement beau, comment aurais-je pu une seule seconde réussir à l'oublier ?
-Tellement longtemps... je soupire.
-Qu'est-ce qui t'en empêche ? me demande t-il alors.
-Qu... euh je... Dimi tu sais très bien que...
-Je sais, ta blessure. Tu as dû renoncer à tout, ta passion, mais, pourquoi renoncer aussi à ton plaisir ?
-Je...
-Viens !
Il m'attrape par la main et me tire. Je me lève pour le suivre, et nous descendons les tribunes jusqu'à l'entrée des vestiaires.
-Attends-moi là, j'arrive.
Il s'éclipse derrière la porte et ne reviens que dix minutes plus tard, deux paires de patins dans les mains. Les siens et...
-Ce ne sont pas tes patins mais c'est ta pointure. Enfile ça, allez.
-Dimi, je ne pense pas que ça soit une bonne idée.
-Pourquoi ? Tu aimes patiner et moi aussi, et j'aime encore plus patiner avec toi. Ca fait six ans que j'en ai pas eu l'occasion Ruby, on est seul... Il n'y a personne. C'est rien que toi et moi.
Je regarde autour de nous, et seul la voix de Dimitri résonne encore dans la patinoire. Je fixe les patins des yeux et commence à me mordiller la lèvre.
-S'il te plait... me supplie t-il.
J'expire et attrape la paire qu'il me tend, décidé. Je le vois en passant à côté de lui, cacher son sourire fier. Alors que nous lassons nos lacets, je retrouve depuis longtemps cette sensation de remettre le pied dans un patin. Avant de monter sur la glace, Dimi rentre dans le sas d'accueil pour allumer la sono et branche son téléphone pour y lancer son téléphone. Ce sont les musiques de notre jeunesse. Près de la porte, il me tend sa main que j'attrape et je pose un patin sur la glace. Un frisson me prend avant de poser le second et une fois debout et tout entière, les larmes me montent aux yeux.
-Hé ça va...
-Oui... oui, je ris, c'est juste que, ça fait tellement du bien !
Il sourit et m'attrape par les deux mains et commence à glisser doucement en arrière tout en me tirant vers lui. Mes pieds reprennent immédiatement leur automatisme et je me laisse glisser, poussant un peu pour nous donner plus de vitesse. Lorsque nous sommes lancé, Dimi se remet dans le même sens de glisse que moi et glisse croise ses doigts aux miens. Nous faisons plusieurs tours main dans la main, sans parler, juste en glissant, seul le son de la musique et le bruit des nos lames raclant la glace nous accompagnant. Dimitri me tire à lui et nous nous stoppons. Dans ses bras, je suis aux anges. Je penche la tête pour le regarder puis lui offre un baiser langoureux.
-Je suis tellement heureux que nous nous soyons retrouvés Ruby...
Il me lâche les mains alors, je glisse en ne le lâchant pas des yeux. Et là, sur cette musique qui résonne, se redessine mon bonheur. Sous mes pieds, la glace s'anime enfin et je parcours mon chemin. Je reprends ma grâce, mon élégance, je revie ma passion...
Mes cheveux sont aux vents, virevoltants, je me remets enfin à rêver...
*
* *
-Étienne je... je ne peux pas retourner en France. Ma vie est ici maintenant et je crois que...qu'aller sur la tombe de mes parents ne m'aidera pas en faite... au contraire je crois que ça y est je réalise. Je veux laisser tout ça derrière moi et avancer.
Dans le hall de l'aéroport, les bruits des voix aux micros, la foule bruyante, je réalise enfin que ce que je suis en train de faire est une erreur. J'ai abandonné Dimitri à la patinoire sans lui dire un mot de mon intention. Après avoir patiné toute l'après-midi avec lui, nous ressassant tous nos merveilleux moments, nous embrassant et riant comme deux gamins, heureux à en crever, je suis parti et me voilà là, aux côtés d'Étienne, qui me sourit tendrement et attrape ma main pour y déposer un baiser sur le dos. Je ne m'étais pas rendu compte que je tremblais.
-Enfin quelque chose de censé qui sort de ta bouche Ruby ! Je me demandais à quel moment tu allais vraiment te réveiller. Tu aller tout abandonner sans en parler à personne, lâcher ton boulot, tes amis et... ton mec ! Tu n'as rien à faire ici !
-Mais...mais et toi ?
-Moi ? Hé bien je vais rentrer et reprendre le cour de ma vie normale. Nous avons chacun notre manière d'avancer et moi la mienne, c'est en France auprès de ma famille. Je suis simplement venu pour essayer d'éclairer ta lanterne...
-Et tu y es arrivé...
-Oui. Jetsen m'avait pourtant averti que ça n'allait pas être évident, il va être bluffé quand il va apprendre que j'y suis parvenu.
-Jet... Jet il m'a interdit de rentrer, je lui dis déboussolé de réentendre les paroles de mon frère.
-Et il a entièrement raison ! Tu as reconstruis ta vie, ici.
-Je ne sais comment te remercier... Tu as su m'écouter et rentrer en moi pour en extraire le mauvais.
-Rien de toi n'est mauvais Ruby, il faut simplement accepter que parfois nous avons à besoin de nous faire aider pour avancer.
-Il m'aura fallu quelques années... Tu as tellement changé Étienne. Je regrette que ses dernières années se soit déroulé de cette manière entre nous.
Il pose son sac à côté du mien sur le sol et m'attrape les deux mains et lorsqu'il ouvre la bouche pour parler, une voix qui transperce tout le hall de l'aéroport nous coupe.
-RUBY !
Nous tournons la tête en simultané pour apercevoir Dimitri, suivi de Jessi, Johan et Sherley. Mais qu'est-ce qu'ils font tous là ?
-Mais qu'est-ce qu'il fait la ? je demande paniqué à Étienne, dont le sourire s'élargit de plus belle.
-Tu as cru que j'allais te laisser faire la même connerie que Dimi ?
-Ruby... arrive Dimi essoufflé, ne part pas... Je t'en supplie.
-Je...
-Attends ! dit-il en levant la main. Laisse-moi finir ! il se plie en deux, les mains posés sur les genoux et reprends son souffle.
Les autres arrivent enfin, et ils ont tous un visage décomposé.
-Je sais que...tout ce qu'ils nous arrivent depuis que nous nous sommes retrouvés est dingue mais... n'est-ce pas un signe du destin justement ? Devions-nous pas nous retrouver un jour ou l'autre ? Tu t'apprêtes à partir et à tout quitter mais... s'il te plaît Ruby, réfléchi... On... on n'est pas bien là, ensemble... Et cet après-midi, ne compte pas pour toi ?
-Ruby ! Ne pars pas ma belle, me lâche pas... J'avais enfin trouver une amie digne de ce nom putain... rajoute Sherley par dessus.
Une larme arrive à se faire la malle et roule sur ma joue.
-"Dernier appel pour le vol Air Canada à destination de Lyon , veuillez vous rendre immédiatement en porte A17 pour embarquement."
-Ruby c'est notre avion... Quoique tu choisisses je ne t'oblige à rien mais moi je vais devoir y aller.
-Ruby je t'aime ! s'exclame Dimitri affolé.
Ses mots je les ai déjà attendus de sa bouche, mais sur l'instant, ils deviennent magiques, me coupant du monde, de la foule et du bruit. Son "Je t'aime", ne me fais voir plus que lui, et plus personne autour de nous, juste lui et tout mon amour. L'amour que je lui porte.
-Moi aussi je t'aime Dimitri, et si, si bien sur que cet après-midi à compter pour moi.
-Alors reste... reste, je t'en supplie.
-Mais je ne pars pas Dimi, je ne pars plus.
Il m'attire à lui et attrape mon visage pour me donner le plus fougueux des baisers. J'entends mes amis siffler et rire autour de nous, et je me pends autour du cou de l'homme que j'aime pour ne plus le lâcher.
-Hum, euh... je dois y aller.
Seigneur, Étienne.
Je relâche Dimi et me retourne brusquement vers mon ami.
-Étienne, je suis désolé !
-Tu n'as pas à l'être ! Je suis heureux, que tu te sentes mieux et que vous vous soyez retrouvé ! En faite pour tout te dire, je n'aurais jamais accepté que tu montes dans cet avion avec moi.
Je l'attrape et le tire vers moi pour l'étreindre un moment puis, nous lui faisons nos adieux. Dimitri d'abord, dans une accolade, il se tape généreusement le dos et riant et en se souhaitant pleins de bonne choses et viens mon tour.
-Étienne s'il te plait, j'ai un dernier service à te demander. Peux-tu pour moi, aller expliquer sur la tombe de mes parents, ce que j'ai vécu et ressenti à leur perte ? Et leur déposer un bouquet de roses aussi ? S'il te plait.
-Je le ferais Ruby, pour toi. Et ils comprendront je t'assure, ils seront tellement fière de toi de là-haut de voir que tu as pu avancer.
Je retiens mes larmes et sourit avec les caresses réconfortante de Dimi dans mon dos.
-On se revoit bientôt, promis ?
Je lui tends mon petit doigt qu'il crochète.
-Promis.
Il m'embrasse sur le front et attrape ses affaires, et d'un signe de main à tout le monde, il se retourne pour s'éloigner vers le couloir d'embarquement. Nous le regardons tous partir, moi, blottit dans les bras de l'homme que je croyais avoir perdu.
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Fin du Chapitre.
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Mon Histoire écrite en collaboration : INKED MEMORIES 1 & 2.
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