Cum' un cantu di liberta

By Aelnen

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Les Casaleccia et les Venazzi sont deux importantes familles du village de Merusaglia en Corse.Depuis plus de... More

Retrait d'une partie du texte
Prologue
Mai 1769, la bataille de Ponte Novu et ses conséquences.
Sur les terres ennemies
Insolence
Trêve
Le banquet du 14 juillet 1939
Réflexions
Mauvaises nouvelles
Disparition
Représailles
Chantage
L'invasion
Survivre
Attendre et espérer
Exil
L'exode
Continuer à avancer
Pourquoi ?
Carpentras
Retour à Merusaglia
[ Leçon de géographie corse]
Tentatives de discussion
Mariage à Corti (1ère partie)
Mariage à Corti (2ème partie)
Remontrances
L'orage
Nuit dans la bergerie
Troubles
[Arbre généalogique]
Engagement
Niolu
Secret révélé
Le 14 juillet, deux ans après
Les confidences de Rose Venazzi
Amour condamné ?
Oublier les vieilles querelles
Un bébé pour l'été ?
L'incendie
Retrouvailles
Nouveaux projets
Découverte
Discussion entre frère et soeur
L'arrivée des Italiens
La grotte
Fureur
Remerciements

Réparer le préjudice

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By Aelnen


Joséphine Venazzi était furieuse et elle n'attendit pas que son mari lui permette de prendre la parole tandis que tout le clan était réuni dans la vaste demeure familiale.

- Comment cette petite peste peut-elle lancer d'aussi odieuses accusations ? Antoine,...tu ne vas quand même pas laisser cela impuni ? Il est hors de question que ces paysans répandent cette ignoble rumeur dans tout le pays ! Mon fils a été parfaitement éduqué. Et tu oublies que la vieille harpie a clairement menacé Leandru.

- Je le sais ma chérie, je le sais. Mais nous avons d'autres préoccupations.

- Je ne me laisserai pas insulter de la sorte, Cette gamine ne va pas s'en sortir comme ça !

Antoine et Joséphine Venazzi regardèrent alors leur plus jeune fils avec une certaine inquiétude. Leandru était d'un tempérament plus calme, plus réfléchi que ses frères et sœurs mais la lueur de rage qui brillait dans ses yeux inquiéta ses parents. Jusqu'à présent le clan avait toujours fonctionné avec la plus grande prudence et aucun acte n'avait jamais été commis dans la précipitation.

Cependant, à force d'entendre les médisances de sa famille au sujet des Casaleccia, Leandru avait fini par, lui-aussi, perdre son sang-froid face aux informations qu'il ne cessait de recevoir de la part de ses aînés.

- Leandru, je comprends ta colère. Mais, nous allons devoir envisager les choses différemment. Nous savons qui est leur prochaine cible à présent au vu des paroles d'Alba.

- Et ?

- Enfin, tu n'as pas compris ? C'est toi.

- Et bien, qu'ils viennent ! Je n'ai pas peur.

- Corti est trop vaste et trop étendue pour que nous puissions assurer ta protection.

- Je ne suis plus un enfant papa ! Je n'ai pas besoin d'une nourrice à mes côtés !

- Ton orgueil te perdra Leandru.

- Mon orgueil ? Cette gamine va colporter partout dans le village d'horribles ragots à mon égard et vous pensez que je vais rester là sans réagir ?

- Oui, c'est exactement ce que tu vas faire. Comme je l'ai dit, nous avons d'autres préoccupations. L'année dernière, Charles, Pasquale, Paul et Filippu ont été rappelés à Bastia pendant une grande partie de l'année suite à l'alerte qui a suivi l'annexion de l'Autriche à l'Allemagne. Si une nouvelle alerte se produit, nous nous retrouverons à nouveau avec quatre hommes de moins pour faire fonctionner nos entreprises, sans compter tous ceux qui ont déjà servi et qui pourraient être rappelés sous les drapeaux. J'ai discuté avec quelques amis hier durant ma visite à Corti. Une note serait parvenue à tous les maires de l'île pour qu'ils effectuent un recensement des hommes disponibles pour rejoindre au plus vite l'armée française.

Leandru fronça les sourcils en regardant son père : si ses dires se confirmaient, il serait effectivement très compliqué de faire fonctionner les affaires familiales. Un instant il oublia l'insolente gamine qui occupait toutes ses pensées afin de se concentrer sur les problèmes qui risquaient de surgir à tout moment pour son clan. Après de nombreuses discussions parfois houleuses, les Venazzi décidèrent à l'unanimité de laisser un instant leurs différents avec les Casaleccia pour se concentrer sur le devenir de leurs activités professionnelles.

Du côté des Casaleccia précisément, l'ambiance était tout autre. La vieille Alba n'en revenait toujours pas que le plus jeune des fils d'Antoine Venazzi ait osé la menacer aussi ouvertement. Elisabetta, quant à elle, ne digérait pas du tout la manière dont Leandru l'avait rabrouée comme si elle était encore une petite fille de cinq ans.

- Quand je repense à sa manière de me parler ! Il a à peine deux ans de plus que moi. Pour qui se prend-il ?

- C'est un Venazzi, Lisa. Ils nous méprisent pour notre statut d'éleveur, ils nous considèrent comme des moins que rien.

- Et bien, je vais aller lui dire ma façon de penser à ce...ce...grossier personnage !

- Non Lisa, il vaut mieux que tu l'évites.

- Mais il t'a menacé grand-mère !

- Jamais il n'osera s'en prendre à moi. Ils sont peut-être nos ennemis mais ils respectent au moins les femmes et les enfants. Je parlerai à ton père un peu plus tard de ce jeune loup. Il doit être surveillé, c'est une évidence, mais tu ne dois pas entrer dans son jeu. En te provocant il ne cherche qu'un prétexte supplémentaire pour s'en prendre à notre famille. Tu devrais aller te coucher à présent. Demain, il faudra que tu te rendes dans la première châtaigneraie pour faire un état des lieux des dégâts que les cochons y ont fait la semaine dernière.

Alba Casaleccia discuta ensuite avec son fils jusqu'à une heure avancée de la soirée.

- Ce garçon a de qui tenir Dumé. Il est aussi fier et arrogant que son père. Mais cette violence que j'ai vu dans ses yeux...j'ai peur qu'il n'agisse vraiment contre l'avis de son clan.

- Jamais Antoine ne le permettra. C'est bien la seule chose que je peux reconnaître chez lui : jamais une femme ou un enfant n'aura à souffrir de sa main. Par précaution je vais demander à Matteu d'accompagner Lisa demain.

- Demain et les autres jours. Nous ne savons pas grand-chose de Leandru, Dumé. Qui nous dit qu'il ne cherchera pas à bafouer son honneur ?

- Voyons maman, cela ne te ressemble pas. Pourquoi tant de craintes ?

- Jamais un Venazzi n'a osé s'approcher de nous de la sorte. Je sais bien qu'il vit la plupart du temps à Corti mais...

- Aiò, fèmula finita. Je tâcherai de surveiller ses allées et venues.

Le lendemain matin, Dumé Casaleccia fit de nombreuses recommandations à ses enfants. Matteu, âgé de dix-neuf ans, avait bénéficié d'une dispense du service militaire afin de pouvoir continuer à soutenir sa famille dans la gestion de son exploitation agricole. Il se montra très surpris par la soudaine anxiété qui émanait de son père mais il ne dit rien.

Tandis qu'ils cheminaient dans le maquis, le jeune homme demanda à sa petite sœur ce qui se passait.

- Leandru Venazzi. Il a osé venir nous menacer hier, grand-mère et moi.

- Oh, je vois.

- Comme si je n'étais pas capable de me défendre Matteu ! Et puis H'Orsu veille sur moi.

- Contre un homme en colère tu ne pourras rien. Je l'ai aperçu au village : Leandru a beaucoup changé, ne le sous-estime pas Lisa. Il est peut-être le plus jeune mais il est de loin le plus grand de sa famille et il paraît taillé dans la pierre. Je suis certain que sa force dépasse celle de Gabriel.

- Tu exagères !

- J'aimerais bien. Oh ! Papa avait raison, c'est un véritable carnage !

Matteu et Elisabetta observèrent les sous-bois qui avaient été véritablement ravagés par le troupeau de porcins. Heureusement, ils semblaient s'être concentrés autour de quelques arbres. Le frère et la sœur décidèrent d'un commun accord qu'ils allaient suggérer à leur père de poser des clôtures pour empêcher toute intrusion.Ils se séparèrent ensuite pour inspecter plus attentivement le vaste terrain où les arbres avaient été plantés.

Elisabetta grimpa au sommet de la colline où elle pouvait avoir une vue dégagée sur le village et ses environs. La jeune fille songea que les travaux qui seraient nécessaires pour sécuriser l'endroit allaient coûter très cher à sa famille.

Les temps étaient durs pour les Casaleccia : ils avaient moins de bêtes, ils produisaient moins et donc ils vendaient moins de produits. Clôturer la vaste châtaigneraie amènerait sans doute ses parents au bord de la ruine et ils ne pouvaient se le permettre. Elisabetta se dit que si certains endroits, ceux qui étaient les plus fréquentés par les cochons, étaient protégés, il y avait certainement moyen de les détourner vers d'autres lieux. Elle allait quitter son observatoire pour soumettre ses idées à son frère lorsqu'une ombre passa devant elle.

La jeune fille étouffa un cri lorsqu'elle reconnut Leandru Venazzi. Elle n'eut pas le temps de réagir car le garçon lui saisit le poignet et la plaqua violemment contre un châtaignier. Le corps de Leandru pesait lourdement sur elle et Elisabetta pouvait sentir les écorces de l'arbre au travers de la robe qu'elle portait.

- Écoute-moi bien petite insolente. Jamais je ne te permettrai de médire à mon sujet. Je suis un homme d'honneur et je refuse que tu colportes partout des propos injurieux à mon égard.

Effrayée dans un premier temps par le regard sombre et menaçant de Leandru, Elisabetta se ressaisit très vite.

- Vous vous accordez bien trop d'importance. De plus, je n'ai pas besoin de dire quoi que ce soit, les gens vous connaissent, ils savent que vous ne valez pas mieux que vos frères et que votre père.

La puissante gifle que la jeune fille reçut en réponse l'assomma en partie.

- Ne cherche pas les ennuis Elisabetta. Tu es encore une enfant mais ma patience a des limites.

De rage, la jeune fille se baissa rapidement et jeta une poignée de terre à la figure de son agresseur puis, elle s'enfuit pour retrouver Matteu le plus vite possible. Lorsqu'elle arriva en bas de la colline, Elisabetta souffla un peu. Décidément ce Leandru était pire que le reste de son clan. Comment avait-il osé la suivre et s'en prendre à elle physiquement ?

Machinalement, la jeune fille se frotta la joue et regarda son poignet qui portait les traces de son agression. Sa grand-mère lui avait recommandé de rester éloignée des Venazzi et de Leandru en particulier mais Elisabetta refusait que la conduite de l'un des ennemis de sa famille reste impunie. Enfin, elle vit revenir vers elle son grand frère et elle se précipita à sa rencontre. Matteu remarqua très vite la joue rougie de sa sœur et il sursauta lorsqu'elle lui en expliqua la raison.

- Je n'en reviens pas. Les Venazzis ne se sont jamais montrés aussi agressifs. Je pourrais encore comprendre qu'il se montre détestable envers toi s'il avait été obligé de t'épouser mais...

- QUOI ?

- Lisa,...il t'a touchée en public, il t'a offensée, il t'a frappée. Papa aurait très bien pu le lui demander pour réparer le préjudice qu'il a causé à notre famille.

- Mais,...mais je ne veux pas me marier avec lui ! Surtout pas avec lui ! Et puis je suis trop jeune !

- Je sais. C'est pour cela que papa n'a rien dit.

- Donc...il va laisser passer cet affront ?

- Oh non. Leandru Venazzi s'est condamné tout seul par ce geste.

Elisabetta regarda son frère avec un regard satisfait :

- Qui ?

- Papa n'a pas encore décidé. Gabriel voudra sans doute en prendre la responsabilité mais ensuite...cela veut dire qu'il devra nous quitter. Je ne pense pas qu'il soit prêt à t'abandonner.

- C'est vrai.

- Oncle Joseph a toujours dit qu'il prendrait ses responsabilités un jour. Il est venu voir papa hier soir. Ils ont sans doute parlé de tout cela.

En rentrant au village, Elisabetta se sentit rassurée : bientôt elle ne serait plus importunée par ce Leandru Venazzi. En franchissant le seuil de sa maison, la jeune fille eut cependant un temps d'arrêt. Si son père décidait de venger son honneur, que deviendrait son oncle ? Cela faisait plus de vingt ans que plus personne n'avait pris le maquis et le gouvernement français avait décidé d'en finir avec les bandits corses. Elisabetta ne voulait surtout pas que son oncle finisse comme André Spada, guillotiné en juin 1935 mais elle ne voulait pas continuer à subir les affronts des Venazzi.

La jeune fille soupira : la vendetta était un échange de malheurs sans fin. Pour sa famille elle durait déjà depuis plus de cent cinquante ans. Tiraillée entre son désir de vengeance et son amour pour les siens, Elisabetta se demandait que faire lorsque son père vint vers elle le regard grave. 



Lexique : 

  Aiò, fèmula finita : Bon arrêtons-là. N'en parlons plus  

André Spada : bandit corse qui a défrayé la chronique dans les années 30. Guillotiné le 21 juin 1935 à Bastia

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