Mai 1769, la bataille de Ponte Novu et ses conséquences.

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Dans le village, tous avaient fait leur choix.

Antone Venazzi servirait Filippu Antone Pasquale De Paoli jusqu'à la mort car lui seul pouvait accomplir son rêve de voir le royaume de Corse perdurer.

Nés tous les deux dans le hameau de Stretta, Antone avait six ans de plus que le général. Il s'était lié d'amitié avec le jeune garçon jusqu'à ce que Giancintu Paoli n'emmène son plus jeune fils, âgé de quatorze ans, en exil à Naples.

Antone Venazzi détestait les français et leur roi, Louis XV, un homme à la conduite détestable. Le monarque, selon les rumeurs, avait déjà eu sept maîtresses et un nombre tout aussi important d'enfants adultérins.

Antone Venazzi était un fervent catholique et il ne tolérait aucun écart de conduite au sein de sa très nombreuse famille.

La seule idée que le souverain français aux mœurs totalement immorales puisse un jour gouverner son île bien-aimée emplissait de haine le cœur du patriarche.

La plupart des Morosaglinchi pensaient comme lui.

Mais il y avait les autres, emmenés par Petru Casaleccia, un riche marchand du village, qui voyaient la réunion de la Corse à la France comme une opportunité de développer l'activité de l'île.

Les heurts étaient fréquents au village entre paolistes et défenseurs des troupes françaises. Si les forces du Général corse avaient remporté une belle victoire à Borgu en octobre 1768, les armées de France n'avaient pas dit leur dernier mot.

Et en effet, le 9 mai 1769, fortes de quelque vingt mille soldats, les troupes de Louis XV remportèrent une victoire décisive à Ponte Novu, un bourg faisant partie de la commune de Castello-di-Rostino.

Alors que les Corses tentaient de franchir un pont sur le Golu, ils furent pris en tenaille entre les français et des fusils prussiens. Pris au piège et dans une confusion terrible, plus de cinq cent corses trouvèrent la mort pendant les combats. Beaucoup périrent en tentant de fuir à la nage mais le Golu, rendu déchaîné par la fonte des neiges et la pluie, se montra impitoyable envers les malheureux.

Trahi de toute part, vaincu, isolé, Pasquale Paoli prit la fuite, accompagné par deux cents hommes. Après un périple qui les avaient fait passer par Vivario, Ghisoni, Bucugnanu, Bastelica et enfin, Porti Vechju. Au mois de juin le Babbu di a Patria quitta son île natale à bord d'un navire de commerce anglais.

Antone Venazzi ne revint jamais dans son petit village de Merusaglia : il périt suite à un refroidissement lors de son arrivée en Angleterre avec Pasquale Paoli.

La famille Casaleccia profita de son décès pour prendre la mainmise sur tout le village et elle étendit son pouvoir sur toute la piève du Rustinu.

La haine entre les deux familles connut son apogée lorsque l'une des filles d'Antone Venazzi fut surprise à la sortie du village à converser avec le fils cadet de Petru Casaleccia qui fut retrouvé mort quelques jours plus tard devant l'église de la Santa Riparata. L'assassin s'était enfui dans le maquis et comme tout bandit d'honneur, il fut nourri, aidé et soutenu par tout son clan.

La jeune Venazzi fut ensuite accusée de tous les maux et, pour calmer les esprits, elle fut envoyée dans un couvent sur le continent.

Dans un aussi petit village, même si les Venazzi habitaient le hameau de Stretta et les Casaleccia celui de Convento, cette partie de la Castagniccia semblait trop petite pour deux clans aussi vastes.

Tout était prétexte à déclencher une querelle entre les deux familles.

Cinquante ans après le meurtre de Carlu Casaleccia, sa mère et veuve de Petru Casaleccia, Ortensia, exigea de ses petits-enfants la vengeance pour cet acte en leur présentant la chemise ensanglanté de son fils.

Cum' un cantu di libertaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant