Cum' un cantu di liberta

By Aelnen

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Les Casaleccia et les Venazzi sont deux importantes familles du village de Merusaglia en Corse.Depuis plus de... More

Retrait d'une partie du texte
Prologue
Sur les terres ennemies
Insolence
Réparer le préjudice
Trêve
Le banquet du 14 juillet 1939
Réflexions
Mauvaises nouvelles
Disparition
Représailles
Chantage
L'invasion
Survivre
Attendre et espérer
Exil
L'exode
Continuer à avancer
Pourquoi ?
Carpentras
Retour à Merusaglia
[ Leçon de géographie corse]
Tentatives de discussion
Mariage à Corti (1ère partie)
Mariage à Corti (2ème partie)
Remontrances
L'orage
Nuit dans la bergerie
Troubles
[Arbre généalogique]
Engagement
Niolu
Secret révélé
Le 14 juillet, deux ans après
Les confidences de Rose Venazzi
Amour condamné ?
Oublier les vieilles querelles
Un bébé pour l'été ?
L'incendie
Retrouvailles
Nouveaux projets
Découverte
Discussion entre frère et soeur
L'arrivée des Italiens
La grotte
Fureur
Remerciements

Mai 1769, la bataille de Ponte Novu et ses conséquences.

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By Aelnen

Dans le village, tous avaient fait leur choix.

Antone Venazzi servirait Filippu Antone Pasquale De Paoli jusqu'à la mort car lui seul pouvait accomplir son rêve de voir le royaume de Corse perdurer.

Nés tous les deux dans le hameau de Stretta, Antone avait six ans de plus que le général. Il s'était lié d'amitié avec le jeune garçon jusqu'à ce que Giancintu Paoli n'emmène son plus jeune fils, âgé de quatorze ans, en exil à Naples.

Antone Venazzi détestait les français et leur roi, Louis XV, un homme à la conduite détestable. Le monarque, selon les rumeurs, avait déjà eu sept maîtresses et un nombre tout aussi important d'enfants adultérins.

Antone Venazzi était un fervent catholique et il ne tolérait aucun écart de conduite au sein de sa très nombreuse famille.

La seule idée que le souverain français aux mœurs totalement immorales puisse un jour gouverner son île bien-aimée emplissait de haine le cœur du patriarche.

La plupart des Morosaglinchi pensaient comme lui.

Mais il y avait les autres, emmenés par Petru Casaleccia, un riche marchand du village, qui voyaient la réunion de la Corse à la France comme une opportunité de développer l'activité de l'île.

Les heurts étaient fréquents au village entre paolistes et défenseurs des troupes françaises. Si les forces du Général corse avaient remporté une belle victoire à Borgu en octobre 1768, les armées de France n'avaient pas dit leur dernier mot.

Et en effet, le 9 mai 1769, fortes de quelque vingt mille soldats, les troupes de Louis XV remportèrent une victoire décisive à Ponte Novu, un bourg faisant partie de la commune de Castello-di-Rostino.

Alors que les Corses tentaient de franchir un pont sur le Golu, ils furent pris en tenaille entre les français et des fusils prussiens. Pris au piège et dans une confusion terrible, plus de cinq cent corses trouvèrent la mort pendant les combats. Beaucoup périrent en tentant de fuir à la nage mais le Golu, rendu déchaîné par la fonte des neiges et la pluie, se montra impitoyable envers les malheureux.

Trahi de toute part, vaincu, isolé, Pasquale Paoli prit la fuite, accompagné par deux cents hommes. Après un périple qui les avaient fait passer par Vivario, Ghisoni, Bucugnanu, Bastelica et enfin, Porti Vechju. Au mois de juin le Babbu di a Patria quitta son île natale à bord d'un navire de commerce anglais.

Antone Venazzi ne revint jamais dans son petit village de Merusaglia : il périt suite à un refroidissement lors de son arrivée en Angleterre avec Pasquale Paoli.

La famille Casaleccia profita de son décès pour prendre la mainmise sur tout le village et elle étendit son pouvoir sur toute la piève du Rustinu.

La haine entre les deux familles connut son apogée lorsque l'une des filles d'Antone Venazzi fut surprise à la sortie du village à converser avec le fils cadet de Petru Casaleccia qui fut retrouvé mort quelques jours plus tard devant l'église de la Santa Riparata. L'assassin s'était enfui dans le maquis et comme tout bandit d'honneur, il fut nourri, aidé et soutenu par tout son clan.

La jeune Venazzi fut ensuite accusée de tous les maux et, pour calmer les esprits, elle fut envoyée dans un couvent sur le continent.

Dans un aussi petit village, même si les Venazzi habitaient le hameau de Stretta et les Casaleccia celui de Convento, cette partie de la Castagniccia semblait trop petite pour deux clans aussi vastes.

Tout était prétexte à déclencher une querelle entre les deux familles.

Cinquante ans après le meurtre de Carlu Casaleccia, sa mère et veuve de Petru Casaleccia, Ortensia, exigea de ses petits-enfants la vengeance pour cet acte en leur présentant la chemise ensanglanté de son fils.

Un conseil de famille fut convoqué quelques jours plus tard mais Ortensia décéda quelques heures avant celui-ci et la décision fut reportée car ses descendants ne parvenaient pas à s'entendre.

Les maisons des deux familles étaient devenues au fil des années de véritables forteresses dans la muraille desquelles étaient aménagées des meurtrières. Les maisons renfermaient un four et un puits afin d'être en état de soutenir un siège, les portes et les fenêtres étaient hermétiquement fermées. Juste après le décès d'Ortensia Casaleccia, les membres du clan des Venazzi restèrent enfermés des mois dans leur demeure avant d'oser en sortir à nouveau.

Lorsque les hommes des deux familles sortaient dans le village, ils portaient le fusil à la façon des chasseurs et ils marchaient l'œil et l'oreille toujours aux aguets.

Personne n'osait s'aventurer dans les ruelles du village le soir venu et le dimanche les familles se rendaient à l'église avec leurs armes sans que personne n'ose dire quoi que ce soit.

Cependant, certains habitants, lassés de toutes ces querelles et de l'insécurité régnant dans la région, demandèrent aux deux Paceri du village de régler le conflit définitivement.

Ces hommes réputés pour leur sagesse, parvinrent au bout de très longues discussions qui durèrent deux années complètes à faire taire rancune et fusils et pendant presque un siècle, Merusaglia vécu paisiblement au rythme des saisons.

En 1892, la famille Venazzi était l'une des plus puissantes de Corse : création des routes, exploitation des forêts, industrie minière, le clan possédait de nombreuses entreprises disséminées un peu partout dans l'île.

Les Casaleccia, quant à eux, avaient étendu leur petite exploitation agricole : la famille, qui ne possédait qu'une dizaine de vaches auparavant, avait agrandi son cheptel et s'était diversifiée pour survivre.

Ainsi le clan élevait vaches, moutons corses et porcs et produisait lait, viande, charcuterie et brocciu. En outre, la famille Casaleccia avait fait l'acquisition de nombreuses terres qui lui avait permis de développer également une importante production de châtaignes et d'huile d'olive.

C'est ce qui conduisit à un nouveau sujet de discorde entre les deux clans durant l'été 1893.

Ettore Venazzi eut une violente dispute avec Sempieru Casaleccia au sujet d'une vieille bergerie située non loin de Gavignano. Le premier réclamait un titre de propriété en donnant pour preuve une lettre rédigée par son arrière-grand-mère en ce sens tandis que le second avait réclamé au maire un document officiel prouvant que le lieu et le terrain environnant avaient toujours été aux mains de sa famille.

Sempieru Casaleccia fut abattu un soir alors qu'il avait été faire un tour dans l'une de ses étables et Ettore Venazzi disparut dès le lendemain.

Les meurtres et les disparitions se succédèrent pendant plus de quinze ans et les deux clans, pourtant très vastes furent tous les deux réduits de moitié.

C'est dans ce climat de haine, de vengeance et de peur que naquirent en janvier 1922, Leandru Venazzi et en juin 1924, Elisabetta Casaleccia.

Ils furent éduqués avec ce désir de représailles qui coulait dans les veines de leurs parents, grands-parents et multiples cousins et sans jamais se voir, ils en vinrent à se haïr profondément.

Les deux enfants étaient les cadets d'une imposante fratrie composée de cinq garçons et trois filles chez les Venazzi et de quatre garçons et deux filles chez les Casaleccia. Leandru et Elisabetta furent surprotégés par leurs aînés afin que jamais ils ne croisent les rejetons du clan ennemi.

La Corse se remettait péniblement de la Grande Guerre qui avait coûté la vie à plus de dix milles de ses enfants. Le nombre d'orphelins, de veuves et de blessés était à la hauteur de cette tragédie et en l'espace de dix ans, entre 1911 et 1921, l'île avait perdu vingt-deux mille habitants.

Les conséquences économiques étaient profondes : toute une génération d'hommes jeunes avait été tuée au combat, privant ainsi la Corse d'une partie importante de la main d'œuvre nécessaire pour faire fonctionner l'économie de la région.

Bon nombre de mobilisés, à leur retour au pays, avaient refusé de reprendre leur travail dans les exploitations agricoles, préférant s'établirent dans les villes du littoral et opter pour un emploi administratif.

Aux décès causés par la guerre, vinrent s'ajouter plus de quatre mille décès suite à une terrible pandémie de grippe espagnole qui frappa la Corse entre mai 1918 et janvier 1919.

Les entreprises des familles Venazzi et Casaleccia furent touchés de plein fouet et les deux clans se retrouvèrent au bord de la faillite.

Les tensions entre les deux clans furent ravivées une nouvelle fois quand le père d'Elisabetta accusa celui de Leandru de l'avoir empêché de conclure la vente d'un terrain non loin du hameau de Rocca Soprana. Les Venazzi saisirent l'occasion pour déclarer officiellement une nouvelle guerre à leurs ennemis de toujours.

Cependant, en avril 1939, trois ans après cette annonce fracassante, aucun homme du clan Casaleccia n'avait été assassiné car depuis le début des années 30 d'étranges rumeurs en provenance de la lointaine Allemagne parvenaient aux insulaires. Des rumeurs qui étaient suffisamment inquiétantes pour mettre entre parenthèse les éternelles rivalités entre les deux familles.

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Un premier long (peut-être un peu trop long) chapitre pour vous mettre dans l'ambiance... j'attends vos hypothèses pour la suite !

Petite demande pour mes lecteurs corses : n'hésitez pas à m'indiquer toute faute d'orthographe dans la langue corse. Je tiens à ce que chaque nom de ville ou village soit indiqué en corse et non en français pour bien montrer la spécificité de ce roman. De même, je compte utiliser des expressions ou proverbes corses, n'hésitez pas à me signaler les erreurs !

Lexique :

Filippu Antone Pasquale De Paoli : en français, Pascal Paoli. Homme politique, philosophe et amiral corse

Morosaglinchi : habitants de Merusaglia (en français, Morosaglia), village de Haute Corse, situé au cœur de la Castagniccia.  

Borgu : en français, Borgo. Village de Haute Corse

Bucugnanu  : en français, Bocognano. Village de Corse du Sud

Porti Vechju : en français, Porto Vecchio. Ville de Corse du Sud

Babbu di a Patria  : Père de la Patrie

Piève : circonscription territoriale et religieuse. la piève du Rustinu est située au Nord-Ouest de la Castagniccia.

I Paceri : les faiseurs de paix. Dans ce mot, on retrouve celui de " Pace " qui en Corse veut dire " Paix ". Réputés pour leur sagesse, ces hommes auxquels on avait recours pouvaient donc être désignés comme ceux qui apportent la paix. Pour arrêter l'enchaînement de violence qui opposait deux familles, il arrivait que, dans la manière d'exercer leur arbitrage, les paceri aient recours à des moyens dont l'efficacité résidait dans leur caractère paradoxal : un de ceux-là, consistait à obtenir une réconciliation par un mariage entre un garçon et une fille choisis dans l'une et l'autre communauté.  

Brocciu :  Fromage à base de lactosérum  de lait de brebis de race corse  et/ou de lait de chèvre.

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