Ultra (sous contrat d'édition)

By LiaCRose

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Dans un monde stérile où l'original est puni, Dahlia se bat pour survivre. Lorsque le gouvernement l'accuse p... More

Prologue
Chapitre 1 - Nouvelle vie en perspective
Chapitre 2- Expédition nocturne
Chapitre 3- Vous avez dit mutant ?
Chapitre 5- Hello darkness, my old friend...
Chapitre 6- Avenir incertain
Chapitre 7- Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n'y est pas...
Chapitre 8- Un héritage dangereux
Chapitre 9- La lumière ne brillera pas ce soir...
Chapitre 10- La nuit porte conseil paraît-il...
Chapitre 11- Différente, oui, mais à quel point ?
Chapitre 12- Sans aucune limite
MESSAGE IMPORTANT
Epta Publishing
Édition

Chapitre 4- Du rêve au cauchemar

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By LiaCRose


Je suis réveillée par une douleur atroce. Ma tête me lance. La lumière m'est insupportable et ma vision est trouble. Je tente de respirer calmement, repensant à ce qu'Hydor m'a dit un jour. Selon les Aztèques, ou je ne sais plus vraiment quelle antique civilisation, le fait de ralentir sa respiration freine la course du temps et aide à vider son esprit.

Je cligne plusieurs fois des yeux, m'habituant peu à peu à la luminosité.

Où suis-je ?

La pièce est vide, seule la table en fer sur laquelle je repose et une petite armoire en métal la meuble. Tout est entièrement blanc, comme l'antre de la Source. Je déglutis avec difficulté. Des bribes d'images de ce qui s'est passé me reviennent. J'ai la désagréable impression d'être un rat de laboratoire.

J'essaie de bouger. Impossible. Mes pieds et mes mains sont attachés à la table. Un instant, la panique manque de me submerger.

Non ! Respire Dahlia, garde tous tes moyens.

J'essaie de me remémorer les derniers événements qui m'ont amenée dans ce fâcheux état. J'entends l'Homme de science murmurer de sa voix nasillarde : « Je vous tiens ». Ces derniers mots raisonnent dans ma tête. J'ai envie de leur crier qu'ils se trompent, que je ne suis pas une mutante, mais aucun son ne veut sortir de ma bouche. J'ai l'impression que l'air a quitté mes poumons.

J'entends des bruis de pas qui s'approchent, la poignée se tourne et un homme en costume blanc entre.

Est-ce un docteur ? Il en a l'air.

Il porte une longue moustache noire. Le médecin se dirige vers moi sans me regarder, il prend mon bras entre ses mains glacées. Je n'arrive ni à bouger, ni à parler.

Merde Dahlia, réagis !

Il est tellement proche de moi à présent que je distingue sa peau granuleuse rougie à certains endroits. Il s'apprête à m'enfoncer une seringue dans le bras qui contient une substance incolore.

Pourquoi ne me regarde t-il pas ? Lâche !

Je crie pour moi-même car mon corps refuse toujours de coopérer. Mais contre toute attente, il semble m'entendre. Comme pour répondre à ma demande silencieuse, il tourne ses yeux noirs vers moi, me fixant avec intensité.

Il semble complètement paniqué et se mord la lèvre en reculant d'un pas. Il a l'expression d'un homme qui vient de commettre une grosse erreur.

Soudain, son regard se vide, devenant presque blanchâtre. Je vois la seringue s'écarter de mon bras pour se diriger très lentement vers le sien, il paraît en transe.

J'aimerais tellement qu'il s'administre ce liquide à lui-même, je souhaite qu'il écarte cette seringue de moi à tout prix.

La porte s'ouvre avec fracas me ramenant brusquement à la réalité. J'entends quelqu'un crier. L'homme aux allures de docteur secoue la tête pour reprendre ses esprits, ses yeux redeviennent noirs comme de l'encre et il m'enfonce d'un coup sec la seringue dans le bras. Je sens un liquide glacé se répandre dans mes veines, c'est douloureux. Puis, je sombre à nouveau.

***

NON ! Je t'en prie, ne pars pas. Regarde moi, ouvre les yeux, ne t'endors pas.

J'ai froid...

Il a parlé d'une voix faible et tremblante. Il me sourit, tend un bras vers mon visage et le caresse tendrement

Je n'ai pas peur de la mort. J'aurai juste voulu passer plus de temps avec toi. Tout mon temps.

Ses longs cils bruns sont constellés de larmes, je ne l'ai jamais vu perdre autant le contrôle de lui-même. Son T-Shirt est déchiré laissant apparaître un trou béant au niveau de son abdomen. Il va mourir, c'est inévitable, et je le sais. Seulement, s'il meurt, j'en mourais aussi. Je hurle, je pleure et je répète inlassablement son nom.

***

Je me réveille en hurlant. Encore ce cauchemar. Il me faut un certain temps d'adaptation pour comprendre que je suis toujours attachée dans la salle blanche. J'ai un goût pâteux dans la bouche. Ma tête est encore douloureuse. Je tente de recouvrer mes esprits et tend l'oreille.

Quelqu'un hurle à côté. Ce sont des hurlements de douleur, je n'ai pas le moindre doute là-dessus. C'est le genre de hurlements qui ne trompe pas. Est-ce la fille aux cheveux noirs ? Elle avait l'air plus au courant que moi des projets de l'Atrium pour nous. Je déglutis avec difficulté.

Je suis sûrement toujours dans les locaux de la Source. Peut-être que ce qu'on raconte est faux. En vérité, les Hommes de sciences font des expériences sur des humains ordinaires pour trouver leur remède. Mais pourquoi moi ?

Je prends la mesure de ce que je viens de deviner et succombe à la panique. Je hurle, griffe, tente par tous les moyens de m'échapper de mes liens qui se resserrent toujours un peu plus autour de ma chair, la meurtrissant atrocement. Cela ne sert qu'à me fatiguer. Je finis par retomber dans les méandres du sommeil, épuisée et affaiblie.

***

– Dahlia ? Dahlia, tu m'entends ?

J'ouvre difficilement les yeux pour me retrouver plongée dans ceux d'un bleu si unique qui appartiennent à celui qui me fait tant tourner la tête. J'observe son visage un long moment et lis l'inquiétude sur ses traits si  angéliques. Ses lèvres vermeilles sont légèrement entrouvertes. Automatiquement, ma respiration s'accélère. Je m'imagine suivre leurs courbes à l'aide de mon index, puis l'envie de les mordre sauvagement me prend si vivement que c'en est douloureux. Il ne semble même pas le remarquer. Lorsqu'il m'aide à m'asseoir, une vive douleur se répand au niveau de mon abdomen. Ce qui me fait grimacer.

– Vas-y doucement... Que s'est-il passé ? Tu t'es littéralement effondrée...

Ma tête tourne et j'observe les alentours pour me rendre compte que tout le monde nous regarde, surpris. Je ne sais absolument pas ce qu'il s'est passé. Je me suis sentie mal et le noir a enveloppé mon regard sans prévenir. Doucement, je sens une main glisser sous mon menton pour relever mon visage. Il me force à le regarder dans les yeux. Encore une fois, je me perds dans ses iris d'un bleu céruléen dont l'intensité pourrait damner un saint.

– Tu m'as fait peur...

Nous nous fixons un long moment sans rien ajouter. Mon souffle devient erratique, mon ventre se noue. Que se passe-t-il ? Jamais encore, il ne m'avait regardée de la sorte. Tant d'émotions se succèdent dans ses prunelles que c'en est déstabilisant. À quoi peut-il bien penser ? Mais avant que j'aie eu le temps d'être sûre d'avoir deviner ce que je rêvais d'y déceler, son visage se ferme, il m'aide à me relever d'une poigne de fer et prend ses distances, me laissant vacillante, comme une pauvre fille à qui on vient d'enlever une jambe. Loin de sa chaleur, je me sens frigorifiée et fragilisée. Et je ne peux m'empêcher de rager d'être si faible face à lui.

***

Je me réveille à nouveau en sueur, un parfum d'homme s'estompe peu à peu. Je ne sais pas exactement depuis combien de temps je suis allongée sur cette table. Aucune fenêtre sur le monde extérieur ne me permet de le savoir et j'ai l'esprit totalement embrouillé. Mes bras et mes jambes sont ankylosés.

L'homme à la moustache ne revient plus, c'est un autre homme que j'appelle dans ma tête « le Géant » parce qu'il touche pratiquement le plafond, qui m'enfonce à intervalle régulier des seringues dans le bras. Il porte un masque de chirurgien et ne me regarde jamais.

Je sais qu'ils me droguent, une pensée atroce me vient à l'esprit, peut-être ont-ils déjà commencé les expériences, prélevant des lambeaux de peau sans aucun consentement de ma part. Je n'ai aucun moyen de savoir s'il m'ont sectionné un membre puisque je suis incapable de bouger. Pire, je ne ressens plus rien.

Face à tout ce complot, je ne peux réprimer un fou rire aux allures complètement désespérées. Je suis certaine que j'ai l'air d'une vraie cinglée, ce qui m'amuse d'autant plus. Puis, mes éclats de rire se transforment lentement en sanglots. Je ne sais pas combien de temps je pleure, mais cela me soulage.

Un homme me saisit le bras, je ne l'ai pas entendu rentrer. Prise de panique, je tente en vain de me débattre. Un instant, son regard croise le mien et comme ceux de l'homme à la moustache, ses yeux se teintent instantanément d'une lueur blanche.

Pour une raison que je ne saurai expliquer et qui relève du miracle, il me libère de mes attaches avec une rapidité exagérée. Il a l'air totalement détaché, perdu dans des abîmes indéfinissables. Il a quasiment fini de détacher ma cheville droite quand la porte s'ouvre à la volée.

Deux hommes en combinaison, qui se ressemblent traits pour traits, entrent dans la pièce. L'un et l'autre ont de petites prunelles noires profondément enfoncés dans leurs orbites, l'arcade sourcilière marquée et une mâchoire carrée qui leur confère une expression sévère. Tous les deux ont la même posture, les épaules rentrées vers l'intérieur et cet air de bucheron.

Ils ont de grosses mains trapues qui sont, j'en suis persuadée, à elles seules plus grosses que ma tête.

– Surtout ne croisez pas son regard ! s'écrie un homme qui les suit de près.

Hein ? De quoi parle-t-il ? Il débloque.

Il a des allures de prince, ses cheveux bruns, grisonnant au niveau des tempes sont soigneusement coiffés en arrière. Cet homme me rappelle mon oncle Astérion que je déteste. C'est sans doute pour cette raison qu'il me paraît si antipathique.

Je baisse les yeux, mes pieds sont sur le sol. Je ne sais pas comment ni à quel moment je me suis mise debout.

Le Géant est à ma droite, immobile, le regard vide et fixé sur le mur. Il donne l'impression d'attendre un ordre imaginaire.

Mon Dieu, il est effrayant comme ça !

Je me préoccuperai plus tard de savoir pourquoi il m'a détachée, pour l'instant je me trouve face à deux armoires à glace et le combat semble perdu d'avance.

Je frémis d'horreur, je ne me suis jamais battue.

Allez Dahlia, ne te défile pas, c'est le moment ou jamais pour une première fois.

Sans réfléchir je fonce droit sur eux tête baissée. Ce que je regrette derechef amèrement.

L'un d'eux me saisit brutalement par la nuque, tandis que l'autre m'immobilise à l'aide d'une clef de bras. Je me retrouve clouée au mur, incapable de bouger.

Je ressens une douleur aiguë au niveau de mes fesses.

C'est quoi cette fascination pour les seringues ?

Le liquide injecté peine à se frayer un chemin dans mon sang, la douleur est insupportable, mais je sers les dents, hors de question de leur donner le plaisir de hurler. J'attends le moment où ce satané produit fera effet, prête à m'évanouir. Mais rien ne se passe. Les deux armoires me maintiennent toujours fermement.

Après tout cela, je défends quiconque de me demander pourquoi je déteste les Hommes de science !

Peu à peu, je sens mes jambes s'engourdir, jusqu'à ce que je ne les ressente plus du tout, puis c'est mon corps tout entier qui se paralyse. Si je n'étais pas toujours maintenue au mur, je me serai déjà effondrée au sol aussi désarticulée qu'un pantin de bois. L'homme aux cheveux gominés pousse un soupir de soulagement, il s'autorise enfin à me regarder, un grand sourire s'étale lentement sur ses lèvres.

– Bonjour Dahlia, je te présente Reda et voici Regor, explique-t-il en désignant d'un signe de la main la vermine qui me maintient.

Il s'est rapproché de moi, me permettant de l'observer. Il a de petits yeux verts rapprochés l'un de l'autre, une bouche si fine qu'elle en est pratiquement inexistante et de petites taches de rousseur s'étendent sur son nez marqué par une cicatrice pratiquement effacée.

Un vague parfum d'homme se disperse jusqu'à mes narines, ce qui me donne instantanément la nausée. Il se tient droit et dégage une certaine classe naturelle. Son costume en néoprène sur lequel se détache le phénix flamboyant lui sied à la perfection. Ses mains sont lisses et ses ongles soigneusement entretenus.

– Tu te trouves actuellement dans les locaux de la tour principale. Ne t'inquiète pas, ce que nous t'avons administré n'est rien de plus qu'un anesthésiant, assez puissant je dois dire, mais les effets se dissiperont bientôt et une fois que tu seras calmée, nous n'aurons plus besoin des services de Reda et de Regor, tu me comprends ?

Son ton est volontairement bienveillant, mais il ne me trompe pas. Je ne vois en lui qu'un serpent. Venimeux qui plus est. J'ai envie de lui cracher au visage en guise de réponse, mais aucun de mes muscles ne m'obéit. Il sourit comme si je lui donnais mon consentement, ce qui m'agace au plus haut point. Je me suis trompée, cet homme est pire que l'oncle Astérion.

– Bien. Je suis le Professeur Acturus Green, je suis... hésite-t-il, disons, psychothérapeute et je suis là pour t'aider.

Génial, un psy, c'est tout ce dont j'avais besoin.

Je me rappelle succinctement que si le peuple n'a plus de notion de nom de famille et que nous possédons tous un nom unique, les Hommes de science, eux, en possède un en rapport avec les couleurs. Je me suis toujours demandé quel était le but de tout cela. Sans toutefois, jamais obtenir de réponses. Hiérarchie, sans doute.

– Déposez là sur la table, vous l'avez déjà assez abîmée comme ça ! siffle-t-il à l'intention des deux brutes.

Ils me soulèvent avec une synchronisation parfaite, me maintenant toujours fermement par les bras et m'allongent précautionneusement sur la table. Je me sens totalement démunie. Quelle sensation atroce que de penser sans pouvoir agir. J'aurai, sans aucun doute, préféré m'évanouir de nouveau.

– Laissez nous seuls et allez passer cet homme sous l'eau froide, ordonne-t-il à ses sbires d'un ton sec, désignant le Géant d'un petit signe de tête.

Ils s'exécutent aussitôt. Le Géant les suit docilement quand l'un d'eux l'empoigne par le bras. Il est carrément dans un état second. Je me demande vaguement ce qui a bien pu le rendre si déconnecté de la réalité, mais je ne m'y attarde pas trop. Le Professeur Green s'approche de moi et me regarde droit dans les yeux.

– Tu l'as mis dans un sale état, Dahlia, s'exclame t-il avec un sourire admiratif. Quand il reviendra à lui, il mettra plusieurs jours à se souvenir de qui il est vraiment. On a découvert ça avec Iota.

Ce type est cinglé, qu'est-ce qu'il raconte ? Iota c'est le docteur à la moustache ? Il me semble bien avoir entendu quelqu'un crier ce nom la dernière fois.

Il pousse un long soupir avant de reprendre :

– Écoute Dahlia, je sais bien que tu as peur et tu ne me croiras pas tout de suite, mais tu es en sécurité ici. Nous te sauvons juste la vie. Je ne veux en aucun cas te brusquer. Et dans ce but, je vais te poser une simple question, après quoi je partirai. Je te demande de bien y réfléchir. Quand je reviendrai, les effets de l'anesthésiant se seront dissipés et tu pourras me poser autant de questions que tu le souhaites. J'essaierai, bien sûr, d'y répondre dans la limite de... ce que je sais.

Il s'arrête un instant pour me permettre d'assimiler les informations. Son visage est grave. Il me contemple comme un professeur observerait un de ses élèves après une leçon de morale. Il reprend :

– Ma question est toute simple, je te demande d'essayer de te souvenir, aussi loin que tes souvenirs te le permettent, s'il ne s'est jamais passé de choses étranges autour de toi durant ton enfance, ton adolescence ou même à ton âge actuel. Si tu as le moindre doute, si tu crois te rappeler de quelque chose sans en être certaine, sache que c'est mon travail de t'aider à les dissiper. Je te demande de bien y réfléchir.

Il me sourit, ce qui révèle des petites pattes d'oies au coin de ses yeux, puis tourne les talons avant de fermer la porte derrière lui. Je me retrouve seule.

La tête me tourne, je ne sais pas si c'est dû à cet entretien plus qu'étrange ou à toutes les drogues qui m'ont été administrées. Je ne saisis pas, si je suis ici en toute sécurité, pourquoi ont-ils eu besoin de me droguer ? Ça ne tient absolument pas la route. J'ai quand même été frappée et emmenée ici contre mon gré et ces imbéciles ont le culot de me faire croire qu'ils me sauvent la vie.

C'est l'hôpital qui se fout de la charité !

Ceci dit la question que m'a posée le Professeur Green ne me laisse pas indifférente.

Si je saisis bien, il me demande si je suis différente. En d'autres termes, une mutante. De toute évidence, ils pensent que j'en suis une, ce qui me rassure indéniablement : je n'ai plus qu'à leur prouver qu'ils se sont trompés. Que c'est leur stupide machine qui est défectueuse. Je ne suis pas plus mutante qu'eux sont des saints.

Oui !

La solution est simple, je leur prouve que je ne suis pas une mutante et je rentre chez moi.

Malgré cela, une interrogation me taraude. Le Professeur Green a affirmé que c'était moi qui avais mis le Géant dans cet état végétatif. Je dois avouer que ce qui s'est passé était vraiment bizarre. En premier lieu avec l'homme à la moustache, Iota et ensuite avec le Géant. C'est vrai que j'ai voulu que cette seringue aille se loger dans son bras et, comme s'il avait entendu ma prière silencieuse, il s'est exécuté. De la même manière, que j'ai souhaité que le Géant me détache. Et leurs yeux... Teintés de blanc.

Flippant !

Y-a-t-il une mince chance pour que ce soit moi qui ait déclenché cela ? Non ! Aucune. Il y a forcément une autre explication.

Je mords ma lèvre.

À bien y réfléchir, c'est vrai qu'une fois, alors que j'étais âgée de cinq ans, il s'est passé une chose vraiment étrange.

À cette époque, grand-mère était atteinte d'un cancer en phase terminale. Tumeur au cerveau. Une des seules tumeurs malignes pour lesquelles la science reste impuissante. On ne remplace pas un cerveau, siège de l'âme.

Moi, du haut de mes cinq ans, je lui avais affirmé que je la sauverai, alors pour jouer au médecin, j'avais effleuré sa joue d'un baiser et je l'avais proclamée guérie. Et elle avait guéri.

J'ai cru pendant longtemps que c'était moi qui l'avais sauvée, je ne comprenais pas pourquoi l'oncle Astérion m'avait regardée avec tant de mépris, pourquoi il m'avait pointée du doigt en criant à ma mère qu'elle avait créé un monstre et qu'il fallait me dénoncer.

Ils s'étaient beaucoup disputés, puis maman lui avait claqué la porte au nez. Elle avait du répondant à l'époque. Je n'ai jamais compris comment Astérion avait pu prêter autant d'importance au jeu d'une gamine de cinq ans.

D'ailleurs, les miracles de ce genre existent. C'était juste une coïncidence. J'ai longtemps questionné maman à ce sujet, mais elle me répondait toujours que je ne devais pas y prêter trop attention. Selon elle, l'oncle Astérion était totalement dérangé. Elle m'asseyait ensuite sur ses genoux, puis me chatouillait en riant. Je riais alors de bon cœur à mon tour.

Mais quand venait le soir je ne parvenais pas à chasser ces mots.

Un monstre...

Ce mot me rappelle vaguement une autre histoire, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

La poignée de la porte s'abaisse et le professeur Green se faufile à l'intérieur de ma prison. Il reste à distance, par peur que je lui saute dessus, probablement.

Avec toutes ces questions je n'ai même pas tenté de bouger. J'essaie de remuer un orteil. Après deux tentatives veines celui-ci finit par me répondre difficilement. Les effets seront bientôt totalement dissipés. Cette idée me rassure.

Le professeur attend près de la porte.

Il a peur, je le sens.

Je me réjouis intérieurement. Je comprends rapidement qu'il ne parlera pas en premier, attendant patiemment que je commence la conversation. Une façon de m'expliquer silencieusement qu'il a du respect pour moi.

Mm il cherche à me mettre à l'aise pour mieux m'amadouer.

Je prends alors une décision. Je lui pose une ou deux questions et je rentre chez moi.

Je hoche lentement la tête de haut en bas pour lui signifier que je suis d'accord, que je lui donne la permission de me parler. Un large sourire s'étend d'un coté à l'autre de son visage. Celui-ci s'avance précautionneusement vers moi, restant sur ses gardes. Sans me quitter des yeux, il s'adosse au petit meuble en métal en croisant les bras.

– As-tu réfléchis à ma question ? s'enquit-il d'une voix douce.

J'opine doucement avant de lui répondre.

– J'ai besoin de comprendre. Pourquoi m'a-t-on frappée et enfermée ici comme une vulgaire prisonnière, si votre simple but est de m'aider ?

Ma voix est rauque.

Depuis combien de temps ne m'en suis-je pas servie ?

– Chaque chose en son temps, Dahlia. J'y répondrai une fois que nous aurons parlé de tes souvenirs, si tu le veux bien.

Malgré sa voix posée, je devine à son ton ferme que je n'ai pas le choix.

Nous nous observons longtemps. Chacun mesurant l'autre du regard. Cet homme a l'air très sûr de lui, ce qui me déstabilise légèrement, mais je n'en laisse rien paraître. Je maintiens mon regard avec brio.

– Professeur Green, avec tout le respect que je vous dois, vous vous méprenez. Je ne suis pas une mutante. Vous n'avez aucunement besoin de me porter secours.

– Il existe beaucoup de moyens de raviver des souvenirs, ne t'inquiète pas pour ça, se bute-t-il, éludant ouvertement mon affirmation.

Il plonge son regard dans le mien.

– Quand j'étais petite, mon oncle m'a traitée de monstre, soit disant parce que j'avais guéri ma grand-mère malade, lancé-je sans m'en rendre compte.

Je baisse les yeux, honteuse.

Pourquoi est-ce que je lui ai avoué ça ?

– Penses-tu que c'est toi qui l'as guérie ? me demande t-il d'une voix toujours aussi douce, les yeux soudain brillants.

– Bien sûr que non, je n'avais que cinq ans, m'écrié-je mortifiée

– Alors pourquoi m'en parles-tu ?

Je pousse un long soupir.

C'est vrai après tout ? C'est ridicule de lui parler de cet incident.

Je n'arrive pas à comprendre ce qui m'y a poussé.

– Je suis certain que tu sais quel est le but de nos recherches ? reprend-il, des rides s'affichant peu à peu sur son front.

Je hoche silencieusement la tête

Il se hisse sur le petit meuble en métal et croise les bras. Je note son attitude défensive.

– Nous recherchons les malades porteurs de mutations génétiques dans l'optique de les comprendre et de nous en servir à bon escient. Notre but premier est de trouver un remède bien évidemment, continue-t-il comme si j'avais répondu par la négative.

Je m'assois à mon tour sur mon lit de fer, ayant la sensation que ce qui va suivre sera d'une importance vitale. Je me sens légèrement vaseuse, mais mes muscles m'obéissent de nouveau. Il n'a pas de mouvement de recul en voyant ce geste. Il m'observe attentivement.

– Je pense, Dahlia, que tu ne connais pas l'étendu de tes pouvoirs. Je ne me l'explique pas pourtant. Par contre, je suis certain qu'au fond de toi, tu sais que tu es différente. Sinon tu ne seras pas en train de tenir cette conversation avec moi.

Là je dois avouer qu'il marque un point. J'inspire profondément.

– Vous voulez dire que je porterai ce gène défectueux depuis ma naissance sans le savoir ? C'est impossible ! Je ne vois pas comment ça aurait pu m'échapper ! Vous savez bien, mutants tueurs et tout le tintouin... Je n'ai pas besoin de vous faire un dessin. Le seul moyen pour vous d'avoir raison serait l'infime probabilité que je sois une de ces exceptions dont le gène se déclare plus tard, mais ce n'est pas le cas. Je me sens en parfaite santé !

Acturus Green me fixe un long moment. Il semble prendre le temps de choisir les bons mots.

– Laisse les fausses croyances au peuple, Dahlia. De manière certaine, tu possèdes le gène depuis toujours. Pourquoi cela ne se voit pas, pourquoi tu n'as pas l'air d'en avoir connaissance ? Je ne le sais pas encore. Cependant, je vais t'apprendre quelque chose. Il arrive qu'au sein des Sphères, des mutants naissent. Avec le temps, nous nous sommes aperçus que les vaccins obligatoires effectués sur chaque citoyen qui naît, stabilise la mutation. Il y a toujours la présence de facultés hors du commun, mais l'agressivité propre aux mutants ne ressort pas.

Je l'observe la bouche grande ouverte.

Quoi ? Non... C'est... Hors de question ! Impossible !

– Cependant, le vaccin doit être réitéré en moyenne tous les cinq ans sans quoi, la mutation prend le dessus et l'homme stabilisé se transforme en... Eh bien comme tu l'as si élégamment dit : mutants tueurs et tout le tintouin.

Il se racle la gorge bruyamment avant de continuer :

– Ce n'est pas si rare, et il y a plus de mutants que tu ne le penses. Seulement, ils évoluent dans l'ombre. Tu imagines bien que nous avons tout intérêt à conserver ce secret... secret. Car même stabilisés, ils restent dangereux. Je ne t'ai pas tout révélé à propos de la Source. Nous sommes aussi là pour les débusquer et les empêcher d'agir avant qu'ils ne blessent quelqu'un, troublant la sérénité publique.

– Qu'insinuez-vous ?

– Certains de ces mutants stabilisés seraient capables de blesser sans le vouloir, en revanche d'autres ont des idées de grandeur et au vu de ce dont ils sont capables, ils sont très dangereux. Ceux-là entrent dans un groupe baptisé le Stand, un clan de mutants qui essaye de renverser le pouvoir en place.

Il se met à rire d'un de ces rires dénué de gaieté.

– Excuse-moi d'aller si vite, j'imagine que ça ne doit pas être simple d'entendre tout ça.

C'est peu dire. Il y a encore quelques minutes je pensais que les seuls mutants existant sur cette Terre étaient ceux qui vivaient dans le Monde Oublié. J'étais à des années lumières d'imaginer qu'en vérité, certains évoluent parmi nous, stabilisés par des vaccins. Pire, j'apprends que ces mêmes vaccins nous sont administrés sans qu'aucun de nous ne le sache : en effet, la loi oblige chaque citoyen à s'injecter une piqûre tous les ans pour lutter contre les bactéries se développant dans l'oxygène synthétique. J'en viens même à me demander si ce n'est pas une farce pour nous forcer à inoculer ce sérum anti-mutant tous les cinq ans.

Je me surprends à jeter des coups d'œil tout autour de moi cherchant les preuves d'une quelconque plaisanterie, mais la seule vérité qui me répond est le regard très sérieux du professeur Acturus Green plongé dans le mien.

Je suis certaine de ne pas être une mutante, mais l'homme en face de moi est convaincu du contraire. Or je sais très bien qu'on ne rivalise pas avec les Hommes de science. Autrement dit, je suis condamnée à servir d'expériences et à rester confinée dans une cellule de ce genre.

Alors pourquoi prend-il le temps de converser avec moi ?

– Qu'attendez-vous de moi, Green ? craché-je avec mépris.

Le professeur ne semble pas se formaliser de mon attitude. Il m'observe avec curiosité avant de répondre d'une voix toujours aussi maîtrisée :

– C'est assez simple. L'Atrium a créé une branche secrète nommée l'EPM, pour Experimental Mutant Project. Nous comptons sur des mutants stabilisés et entraînés pour nous aider à débusquer tous les mutants qui peuplent cette Terre et éviter les incidents fâcheux.

Je réprime un haut le cœur. Si j'écoute cet homme, leur cause est noble. Il torture des gens que je sais à présent, pour la plupart, inoffensifs. Leur seule faute est d'être différents. Ils n'ont vraiment aucun état d'âme.

– Pourquoi ne pas laisser vivre en paix ceux qui sont stabilisés par ce vaccin et qui n'aspirent qu'à conserver une vie normale ? m'enquiers-je sans cacher ma haine à son égard.

Acturus me fixe longuement. Aucune émotion ne transparaît sur son visage.

– Je te l'ai dit. Le fait qu'ils soient stabilisés ne les empêchent pas d'être isolés et apeurés, ce qui les rend dangereux et incapables de gérer leur potentiel. Le moindre faux-pas peut les conduire à l'homicide involontaire.

Il se tait un instant, ne semblant pas affecté par le regard assassin que je lui jette.

– Si tu acceptes de nous aider, tu seras récompensée. N'importe quel souhait de ton choix sera exaucé. Sinon, j'ai le regret de t'annoncer que cette tour deviendra ta prison jusqu'à ce que nous trouvions un remède.

– C'est ridicule ! m'indigné-je. Je n'ai aucune faculté ! Je ne suis pas ce que vous m'accusez d'être ! Vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez à mon sujet ! Bande de dégénérés imbus d'eux-mêmes et détestables ! hurlé-je à m'en briser la voix.

Green amorce un mouvement de recul. Il se pince les lèvres comme si je l'incommodais avec mes hurlements.

– Et moi, je pense que personne, à part une mutante dotée de dons très puissants, aurait pu obliger un homme à la détacher, en obliger un autre à s'enfoncer contre son gré une seringue dans le bras ou même guérir sa grand-mère malade, déclare-t-il dans un murmure mystérieux profitant d'un moment de silence inopiné


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