10e chapitre et j'espère que ca vous plait !
Que pensez vous des personnages jusque la ? L'intrigue est-elle trop lente ? Pas détaillée ? Une fois encore, n'hésitez pas à commenter, voter et partager =)
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Musique festive, banderoles de bienvenue au couleur de l'établissement, une foule d'élèves dans le parc du domaine, des cris et exclamations de joie : tel était le décor qu'offrait St Charles en ce jour si spécial. La cérémonie de rentrée permettait à tous, professeurs, surveillants, élèves..., de se mélanger le temps d'une soirée. De longues tablées étaient installées dans le parc et n'attendaient que ses convives. Le temps d'une soirée St Charles allait se transformer en garden party conviviale dans le but de faire connaissance. Ca et là, des groupes d'élèves s'étaient formés selon les affinités. Les professeurs discutaient entre eux ou allaient discuter avec certains de leurs élèves qu'ils connaissaient. Mais quelque chose avait changé. Comme une légère décontraction malgré les uniformes dont tous étaient vêtus. Ce soir là, la directrice Addison Clark était la maîtresse de cérémonie : elle avait pour charge de présenter la politique de l'établissement et d'accueillir les nouveaux élèves. Elle monta sur l'estrade mise en place spécialement pour l'évènement et prit la parole.
- "Bonsoir à tous", commença-t-elle alors que le brouhaha des conversations et la musique cessaient rapidement, "bonsoir et bienvenue à tous. Pour ceux qui en ont l'habitude, je vous promets d'essayer de faire court." Quelques rires parcoururent l'assemblée. "Pour les autres, au nom de l'ensemble du personnel de cet établissement, nous sommes heureux de vous compter parmi nous. Nous n'avons pas pour habitude de faire une distinction entre les pensionnaires, vous êtes tous des élèves à part entière. J'espère que cette année vous sera profitable, surtout pour ceux qui préparent leur diplôme."
Quelque part dans la foule, Lucas et certains de ses amis commençaient à s'impatienter et singeaient Mrs Clark par des « blablablas » exaspérant. Claire émis un faible rire mais continua d'écouter la directrice présenter les coachs et professeurs. Enfin, après plusieurs minutes, la délivrance.
- "Je ne vais pas retenir votre attention plus longtemps, passez donc tous une bonne soirée !"
Un salve d'applaudissements salua la fin de son discours, la fête pouvait commencer. L'orchestre entama l'hymne de l'établissement, les groupes se reformèrent et les conversations reprirent. Des serveurs amenaient les plats et les boissons. Claire n'avait jamais vu une telle fête dans un établissement scolaire. Le temps semblait s'être arrêté, la rigueur envolée pour quelques heures. Elle quitta ses camarades pour se servir un verre, plusieurs personnes lui firent signe de la main ou des petits sourires. Surtout les garçons. Elle commençait à connaître du monde. Lorsqu'elle croisa du regard Samira, elle leva son verre comme pour lui porter un toast. Oui, Claire aimait provoquer, titiller les gens. Samira détourna la tête sans trop y prêter attention et l'adolescente sourit.
- "Hum bonsoir Miss Austen"
Cette dernière fit volte face et se trouva nez à nez avec l'entraineur de l'équipe de football Adam Baker. Elle ne l'avait vu qu'une fois l'après midi même le temps d'un entraînement. C'était un petit homme, plutôt âgé, mais très respecté par les élèves. Ses joueurs devenaient ses protégés : il cherchait à leur transmettre le plaisir du jeu avant tout et se montrait très attentif à leurs notes dans toutes les matières. Comme ses collègues, il portait un costume aux couleurs de l'école mais semblait plus décontracté que les autres. Claire, quelque peu mal à l'aise qu'on vienne la voir personnellement, ne savait pas à quoi s'attendre. Allait-il lui annoncer qu'elle avait été tellement mauvaise qu'il ne le prenait pas dans son équipe ? Elle chassa bien vite ces idées et entama la conversation sur un ton qu'elle essayait de rendre le plus naturel possible. Du coin de l'œil, elle aperçut James, leurs regards se croisèrent et un sourire presque imperceptible se dessina sur le visage du jeune homme. Claire reporta son attention sur le coach qui la toisait du regard.
- "Bonsoir coach. L-la soirée vous plait-elle ? "s'enquit-elle ne sachant quoi dire d'autre.
- Oui, très bien. Beaucoup de monde attend ce jour, c'est véritablement le lancement de l'année. C'est une tradition et ma vingt-septième cérémonie de rentrée à St Charles. Et vous miss Austen ? Cela vous plait-il ?
- C'est assez particulier, je n'ai jamais assisté à une telle cérémonie d'accueil. C'est agréable, dit-elle en jetant des coups d'œil à droite à gauche, espérons que cette année soit aussi bénéfique qu'elle n'y paraît...
- Ca c'est à vous de jouer Miss Austen, St Charles vous permet de rebondir et de vous sortir de ce mauvais pas, de vous repentir de vos erreurs, j'espère que vous en avait suffisamment conscience pour aller en ce sens.
Adam Baker n'avait pas pour habitude de tergiverser dans ces discussions, il parlait peu mais allait directement à l'essentiel. Il pouvait être sévère avec ses joueurs, mais toujours de bon conseil. Il ne regardait pas Claire. Non, il buvait tranquillement sa coupe de champagne, sachant pertinemment que l'adolescente réfléchissait à vive allure à ses paroles. En effet, ses mots avaient fait mouche dans l'esprit de la jeune fille.
- Je suis au courant, merci, inutile de me le rappeler sans cesse, j'ai un éducateur sur le dos six jours sur sept...
- Il va falloir changer de ton tête de macaque quand tu seras dans mon équipe ! maugréa le coach bougon, si tu ne veux pas passer ta saison à cirer le banc !
- Ca veut dire que vous m'avez choisi coach ?
Claire ne perdait pas le nord, ses yeux pétillaient d'impatience et on sentait l'excitation dans sa voix.
- Assez bavardé petite !
- Coooach ? Répondez-moi ! Je suis prise ?
Et il la quitta sans rien ajouter de plus. L'adolescente souriait de cette victoire, car au fond d'elle-même, elle en était persuadée, elle était sélectionnée ! Elle en avait la conviction et elle laissa éclater sa joie ! Elle avait travaillé dur pour ce résultat et un immense poids quitta ses épaules, la peur d'échouer avait été très forte. La soirée se poursuivit donc dans l'allégresse, Claire avait rejoint Lucas et d'autres personnes avec qui elle avait sympathisé, la fête et les rires se prolongeant dans la nuit calme et silencieuse du parc de Saint Charles.
L'alcool, bien qu'interdit, avait pourtant bien trouvé les verres de nos chers pensionnaires de Saint Charles. Qui ? Quoi ? Comment ? Personne ne savait vraiment mais plusieurs fioles et mini bouteilles circulaient très, très discrètement parmi les élèves. Vers minuit et demi, les dirigeants du pensionnat sonnèrent l'heure de la fin de la soirée et tous furent priés de rejoindre leur maison et de se coucher. Tous ? C'est mal connaître des adolescents en pleine ébullition transcendés par l'euphorie et l'alcool. Le flot d'élèves se quitta et le silence se fit sur le domaine. Mais quelques instants plus tard, une porte s'entrouvrit dans les dortoirs du Victoria Hall. Puis une deuxième et une troisième. Trois jeunes hommes se retrouvèrent à l'angle des escaliers et du couloir et se mirent à chuchoter
- "Oh les gars, on réveille qui ?"
Evidemment Lucas n'était pas le dernier à enfreindre les règles et à provoquer l'interdit. Pour lui, il était inconcevable de finir la soirée de rentrée de cette façon, aussi tranquille. Accompagné de ces acolytes Tom et Quentin, il avait fait entrer plusieurs bouteilles d'alcool et prévoyait de finir la nuit au lac.
- On prend des gens sûrs Lucas ! Pas Shirley donc, si on se fait prendre, elle va chialer encore !
- Ne sois pas si dur avec elle Q ! Elle a beaucoup souffert et...
- Et rien du tout, elle est chiante ta copine !
- Mais ce n'est pas ma copine arrête !
- Taisez-vous tous les deux, on va finir par attirer l'attention. On va chercher Claire et Samira, ca pourra être marrant, surtout si l'une jette l'autre dans le lac"
Les deux autres esquissèrent un sourire et acquiescèrent de la tête. Tom avait toujours les idées pour ne pas s'ennuyer : mettre Samira et Claire dans un même groupe restreint pour provoquer une dispute promettait d'être explosif. D'un seul mouvement, les trois compères allèrent réveiller leurs colocataires le plus silencieusement possible. Lucas tapa doucement à la porte de Claire et entra sans bruit. L'adolescente somnolait paisiblement et n'entendit pas que quelqu'un était entré.
- "Claire ? murmura Lucas, tu dors ?"
Pas un mouvement, pas une réponse de sa camarade. Il décida d'approcher du lit et de la secouer un peu.
- Claire ! insista-t-il, réveille toi ! On sort !
- Huumm... marmonna l'adolescente d'une voix ensommeillée, quoi ?
- Lèves toi ! On sort, on va au lac avec Tom, Quentin et d'autres... Tu viens ?
- Laisses moi m'habiller, je vous rejoins dans le hall."
Parfaitement réveillée, elle se leva d'un bond tandis que Lucas lui donna une tape sur l'épaule et sortit de la chambre. Claire enfila rapidement un survêtement qui traînait sur le bureau, une paire de basket et un foulard. Quand elle arriva dans le hall, une dizaine de personnes attendaient déjà et parmi elles, Samira. Il fallait se douter qu'habitant dans la même maison, les deux filles allaient se croiser et avoir certainement les mêmes amis. Claire préféra ignorer sa rivale, elle savait pertinemment que c'était ce qu'elle détestait le plus. Autant s'amuser un peu ! Trois autres personnes arrivèrent et le petit groupe se rendit silencieusement vers le lac du domaine.
De l'autre côté du parc et donc très loin des autres dortoirs, ils pouvaient crier, plaisanter et rire à leur guise sans craindre d'être entendu par les surveillants ou toute autre personne susceptible de venir gâcher leur nuit et les punir. Toutes sortes de jeux mêlant l'alcool les occupèrent une partie de la nuit et le moment le plus fort fut le duel entre Claire et Samira dans un « cap ou pas cap » au sommet. Tom était connu pour ces idées farfelues et là, il étonna tout le monde. Il connaissait l'animosité qui animait les deux filles et voulait voir jusqu'où elles étaient capables d'aller pour humilier l'autre.
- "Claire, cap ou pas cap de défier la personne de ton choix à un bain de minuit dans le lac ?"
Tout le groupe se tourna vers Claire et attendit sa réponse : qui disait bain de minuit disait être nu dans l'eau. Aidée par l'alcool qu'elle avait ingurgité depuis le début de la soirée, elle répondit rapidement :
- "Bien sûr Tom, je te propose de pimenter un peu les choses
- Oh oh ! Vas-y je t'écoute !
- Un course dans le lac, un aller, la perdante reste sans ses vêtements jusqu'à ce qu'on rentre, partant ?
- Pas de problème pour moi ! Qui souhaites-tu défier ?
Claire fit mine de réfléchir, un sourire mesquin au coin des lèvres. Elle parcourut l'ensemble du groupe du regard avant de s'arrêter sur...
- Samira.
Un éclat de rire s'éleva autour du lac mais Samira ne semblait pas très enchantée de ce défi.
- A moins qu'elle ne sache pas nager bien sûr, ajouta Claire moqueuse.
- Bien sûr que je vais le faire ! "répliqua Samira hargneuse
Pourtant elle ne se sentait pas très rassurée, elle connaissait très peu Claire mais avait entendu dire qu'elle était particulièrement sportive. Elle avait même pu le remarquer lors de l'entrainement de sélection pendant lequel Claire s'était particulièrement appliqué et montré certaines qualités. Et visiblement, elle aimait aussi défier les gens quitte à se mettre elle-même en danger. Après leur altercation au réfectoire, les deux adolescentes s'étaient soigneusement évitées mais Samira restait sur ses gardes. Prenant son courage à deux mains, elle se leva et commença à se déshabiller devant sa rivale, comme un signe de provocation. Elle se planta devant Claire simplement vêtue d'une culotte et de son soutien-gorge et attendit. Claire tendit son verre à Lucas qui lui servit du rhum qu'elle but d'un trait. Elle se leva et quitta elle aussi ses vêtements. Tous ses vêtements. Dans l'obscurité, les garçons la regardaient de haut en bas, tentant de deviner ses formes, tandis qu'elle s'adressait à Samira
- "Dois-je t'apprendre ce qu'est un bain de minuit ?"
Un regard dédaigneux et un quelques secondes d'hésitation plus tard, les deux jeunes filles se dirigeaient toutes deux vers le lac en tenue d'Eve sous le regard des garçons qui n'en perdaient pas une miette. Les filles, elles, étaient plus admiratives quant au froid qu'il faisait et à l'eau glacial que leurs camarades allaient devoir affronter. Au bout de la berge, Claire s'arrêta et plongea un orteil dans l'eau. Froide. Très froide. L'adolescente souffla et commença à regretter intérieurement sa merveilleuse idée. Le contact avec l'eau avait pratiquement inhibé les effets de l'alcool et elle se maudissait de parler sans réfléchir. Samira sentait que sa colocataire commençait à regretter ses paroles et, pour se donner de l'assurance, ricana et entra rapidement dans l'eau.
- "Waaah elle est gelée!! grelotta-t-elle, tu es vraiment dingue d'avoir accepté ce défi et surtout de m'avoir choisi ! Dépêches toi !!"
Prête à tout pour la faire taire et la rendre ridicule, Claire la rejoignit dans l'eau sans lui jeter un regard. De l'autre côté du lac, Tom les appelait pour savoir si elles étaient prêtes. Les deux filles avaient la chaire de poule et n'avait qu'une hâte : gagner au plus vite pour se rhabiller et se réchauffer. Le « top » donné, elles se mirent à nager aussi vite qu'elles pouvaient mais l'eau était tellement froide que leurs membres étaient tout engourdis et qu'elles avaient le souffle coupé. L'air leur manquait et très vite la fatigue se fit sentir. Claire et Samira étaient au milieu de l'eau et se battaient l'une contre l'autre mais aussi contre elle-même. Claire luttait pour continuer tant le froid l'immobilisait. Dans un dernier espoir, car elle sentait que sa rivale prenait le dessus, elle pensa à sa mère qui l'avait abandonné et la rage décupla ses forces. En quelques mouvements, elle reprit son avantage, distança sa concurrente et atteignit la berge où tous les autres avaient suivis la course en les encourageant de vives voix. Hors d'haleine, frigorifiée et épuisée, Claire sortit du lac et tapa dans la main de Lucas.
Sa joie était grande : non seulement, elle venait de gagner son défi face à celle qui l'avait ridiculisée lors de ses premiers jours à St Charles, mais surtout la pauvre Samira allait devoir supporter le froid et le regard de ses camarades suite à cette défaite. Tout sourire, Claire s'empressa de se sécher comme elle pouvait et de remettre ses vêtements. Les lèvres bleuies, les extrémités de ses membres blancs, elle peinait à se réchauffer et elle claquait des dents sans s'arrêter. Le reste du groupe aidait Samira à sortir de l'eau. La pauvre était littéralement épuisée et à bout de souffle et mit un certain temps avant de se relever. Les basses températures la paralysaient. L'ensemble du groupe se réinstalla en silence. Quentin proposa discrètement à Claire de venir contre lui se réchauffer, chose que la jeune fille accepta spontanément. Assis l'un contre l'autre, Quentin et Claire semblait dans un autre monde, lui protecteur, elle sereine. Derrière eux, certains s'activaient auprès de Samira pour la réchauffer mais la chose n'était pas aisée. L'heure était déjà très avancée et au vu de la situation de Samira, Tom préféra mettre fin à la soirée.
- "On va rentrer ! Sam va attraper une pneumonie si on reste ici..."
Tous se levèrent même Claire qui obtempéra en ricanant pour bien accentuer la défaite de sa rivale. C'est toujours entouré de Quentin qu'elle quitta le lac pour rejoindre sa chambre. Ils se quittèrent en silence. Le jour n'allait pas tarder à se lever.
***
Quelques heures plus tard, certains élèves avaient du mal à émerger. Etonnamment, pour bon nombre d'élèves du Victoria Hall le matin fut plutôt dur : les surveillants durent passer plusieurs fois pour tirer du lit les adolescents qui étaient sortis la nuit, certains semblaient être de vrais somnambules pendant leur petit-déjeuner tandis que d'autres avaient essayé de rester le plus longtemps possible sous leurs couettes. La journée allait être longue. La prochaine fois jeunes gens, vous vous amuserez une nuit où vous pouvez dormir le lendemain. Non, vous n'êtes pas en weekend, non vous n'avez pas de cours prévus mais oui vous avez vos tous premiers entraînements. Et autant vous prévenir, vous êtes quasiment les seuls à devoir vous lever d'aussi bonne heure.
Claire dormait encore quand elle entendit un bruit très lointain se répéter plusieurs fois. Sortie de son sommeil, elle grimaça légèrement sentant un mal de crâne s'installer et regarda autour d'elle en baillant : des rayons de soleil perçaient à travers le store de la fenêtre, des vêtements jonchaient le sol un peu partout et son survêtement encore humide trônait aux pieds du lit. Elle soupira de fatigue mais avant qu'elle ne fasse quoi que ce soit, les coups à la porte se renouvelèrent. Elle se leva lentement et entrouvrit la porte pas du tout prête à accueillir son visiteur.
- "Claire... ? Tu vas bien ?"
James. Sans réfléchir, Claire referma la porte de sa chambre. Pourquoi ? Elle n'en savait rien, ce fut le premier réflexe qu'elle eut devant l'athlétique jeune homme. Il tapa de nouveau de façon plus insistante cette fois.
- "Claire, ouvre cette porte s'il te plait"
Le ton n'était pas autoritaire mais suffisamment ferme pour que l'adolescente obéisse. Elle lui fit face une nouvelle fois. James, mi-figue mi raison devant l'allure de sa protégée, l'observait de haut en bas tentant de deviner ce qu'il s'était passé pour qu'elle soit dans cet état plutôt inhabituel. Les cheveux attachés et tout en bataille, les yeux encore plein de sommeil, un vieux maillot de football appartenant à son frère, une veste, un shorty et une seule chaussette au pied, on ne pouvait pas dire que Claire avait la tenue la plus adéquate du pensionnat. S'en rendant compte, elle passa l'un des pantalons qui traînait sur le sol. James entra dans la chambre se grattant la tempe. Il faisait toujours se geste lorsqu'une situation le rendait perplexe et qu'il ne savait pas par où commencer ni comment réagir. Puis il sourit. Cette scène était tellement incongrue, c'était tellement Austenien comme il dirait plus tard.
- "Il s'est passé des choses que j'ignore... ?"
Un véritable capharnaüm régnait dans la pièce : les portes du placard étaient grandes ouvertes et montraient des étagères sens dessus dessous, des chaussures étaient jetées sur le sol ça et là, des livres et des feuilles traînaient un peu partout... Le regard de James allait de droite à gauche dans la petite pièce. Comment une jeune fille avec si peu d'affaires pouvait-elle mettre un tel désordre ? L'adolescente semblait quelque peu gênée de la situation. Elle n'était pas vraiment à son avantage et la question que venait de poser James la perturbait. Savait-il quelque chose à propos de l'escapade nocturne ? En réfléchissant rapidement, elle se dit qu'il y avait quand même assez peu de chance.
- "Non pourquoi dis-tu ca ?
Sa voix se voulait sûre et James ne semblait pas se poser d'autres questions que la situation présente.
- Tu as vu l'état de ta chambre ? Et que fais-tu dans cette tenue ? Tu dormais ? Claire, tu as ton premier entraînement dans moins d'une heure et je m'étonnais de ne pas te voir au réfectoire. J'ai eu raison...
- En rentrant de la fête, je me suis couchée précipitamment, répondit l'adolescente un peu plus éveillée, je n'ai pas du entendre le réveil. Je vais me dépêcher...
James souriait. Il ne savait pas encore que cette scène se répèterait bien souvent et qu'il allait dans le futur devoir venir réveiller sa protégée.
- Oh oui tu vas te dépêcher ! Je veux une chambre rangée, impeccable, avant que tu partes à ton entraînement où tu seras à l'heure Claire ! Compris ? Alors réveille-toi et active toi ! Vite ! Je ne t'explique pas le sens de ce mot ?
- Non, fit-elle en haussant les épaules d'un air désinvolte, c'est bon..."
Elle ne s'était pas imaginée être ainsi surveillée mais elle allait devoir s'y habituer, apprendre à rendre des comptes et à assumer ses actes, ce qui risquait d'être difficile pour une jeune fille à qui on cédait tous les caprices. Pêle-mêle, elle ramassa ce qui trainait à ses pieds et les fourra dans l'armoire, elle recommença plusieurs fois l'opération et usa de la stratégie du « c'est rangé caché ». Mais si, vous connaissez tous cette méthode – plus souvent masculine d'ailleurs – qui consiste à cacher pour faire croire que c'est rangé. James ne partait pas et le fait d'être observée commençait à agacer l'adolescente. Ce dernier était médusé : en un clin d'œil la pièce fut parfaitement ordonnée, en apparence. Après tout, il n'avait pas précisé de quelle manière elle devrait ranger, et tout ranger. Claire se tourna vers lui un peu bougonne. Non, elle n'était pas du matin, non elle n'était pas de bonne humeur et non elle n'aimait pas être réveillée de cette manière.
- "Je voudrais me changer, fit-elle d'un ton sans équivoque.
Quatre mots qui voulaient tout dire.
- Oh euh oui, excuse-moi, bien sûr...
James fut un peu gêné mais ne se démonta pas. Il chercha quelque chose dans son sac et en sortit un paquet.
- Tiens, je t'ai apporté ça, tu n'auras pas le temps de descendre prendre ton petit déjeuner. Je hum je te laisse, à plus tard..."
La jeune fille resta sans voix devant cet élan de gentillesse. Elle n'eut pas le temps de remercier son éducateur, celui-ci étant parti rapidement. James était quelqu'un de profondément gentil et généreux. Il fallait juste ne pas le faire sortir de ses gonds ou lui manquer de respect. Claire se surpris à esquisser un sourire en repensant à sa venue. Elle le connaissait peu et avait une attitude méfiante mais un petit quelque chose l'intriguait et l'attirait chez lui. La bonne humeur soudainement retrouvée, elle avala en quatrième vitesse le croissant et la pomme que James lui avait apporté, se changea et quitta sa chambre direction le terrain d'entrainement. Dans les couloirs, elle croisa Quentin et Lucas à qui elle adressa un signe de la main. Eux aussi étaient en retard et se dépêchaient.
En arrivant sur le terrain d'entraînement commun à toutes les équipes, Claire aperçut deux groupes. Le premier comptait les différentes équipes de St Charles et ses joueurs, tandis que le deuxième était composé des joueurs ayant passés les tests de sélection des différentes équipes. A peu près une vingtaine de personnes. James était présent et discutait avec ses collègues tout en guettant l'arrivée de Claire en surveillant sa montre. Lorsqu'il la vit arriver sans se presser, il eut un geste d'impatience et lui fit signe de rejoindre le second groupe au moment même où le coach Baker prenait la parole.
- "Jeunes gens un peu de silence, vous avez passé les tests de sélection pour différentes équipes de l'école. Nous allons vous donner les résultats du recrutement. Pour ceux qui n'ont pas été choisis, vous aurez rapidement un rendez-vous avec la direction. Bien, commençons par mon équipe, mes collègues suivront. Ont été sélectionnés Nate Booker, Guilia De Santa Lucia, Nick Crawford, Claire Austen, David Chester et c'est tout pour cette saison me concernant. J'invite les personnes que je viens de citer à venir me rejoindre."
Les élèves cités sortirent du groupe tandis que les autres coachs avaient pris le relais d'Adam Baker. Claire était soulagée : c'était la première vraie grande bonne nouvelle depuis son arrivée. Elle avait réussi ! Elle s'en était doutée, mais là c'était réel : elle était sélectionnée dans l'équipe et son visage était tout sourire. James lui adressa un signe victorieux : lui aussi était soulagé qu'elle ait validé son recrutement. Il s'en serait voulu si la punition qu'il lui avait infligée la veille des sélections lui avait porté préjudice. Claire faisait maintenant connaissance avec Guilia, Nate, Nick et David. Guilia était nouvelle élève au pensionnat, tout comme David. Leur discussion fut courte car déjà le coach les avait rejoints pour leur annoncer le programme de la journée.
- "J'espère que vous êtes en forme car la journée risque d'être longue, commença-t-il d'un air à la fois autoritaire et sympathique, nous allons faire deux séances d'entraînement. La première sera commune à tous et consistera à une remise en forme : natation, footing et un peu de physique. La deuxième séance aura lieu dans l'après-midi et sera plus spécifique à chaque équipe. Allons-y !"
La répartition des nouveaux sportifs étant terminée, Adam emmena ses joueurs dans les vestiaires du gymnase et donna à chacun sa tenue d'entrainement et de match ainsi que le survêtement. Quelques instants plus tard, l'ensemble des sportifs, filles comme garçons, se retrouvèrent dans le gymnase, tous portaient le même survêtement, on aurait dit une armée d'adolescents. Un premier groupe partit au pas de course sur la piste d'athlétisme pour un footing d'une vingtaine de minutes et quelques autres exercices, un second groupe se dirigeait déjà vers la salle de musculation alors que le groupe dont faisait partie Claire allait s'entraîner dans le bassin de l'école. Claire aperçut Samira qui ne semblait pas vraiment au top de sa forme. Un sourire narquois sur le visage, elle s'approcha d'elle et la provoqua un peu pour s'amuser.
- "Alors Samira, tu n'as pas l'air d'aller bien ! Fatiguée peut-être ? Un bon bain devrait te rafraîchir les idées, non ? J'espère que tu feras mieux qu'hier soir", chuchota-t-elle d'un air faussement compatissant en lui tapotant l'épaule.
Eclatant de rire, elle tourna les talons laissant sa rivale furieuse derrière elle. Dans son groupe se trouvaient Guilia qu'elle venait de rencontrer mais aussi Quentin et Tom, Lucas malheureusement était déjà en train de courir. Tous en maillot de bain au bord du bassin, ils n'eurent pas le temps de bavarder car le coach Baker siffla le début des réjouissances. Ils partirent alors tous pour toute une série d'exercices d'endurance dans la piscine. Claire plongea à la suite de Quentin, lui attrapa le pied, l'entraîna vers le fond du bassin et remonta à la surface hilare de la petite blague dont elle venait d'être l'auteur. Le jeune homme nageait avec vigueur vers sa camarade et l'attira par la taille avec lui sous l'eau. Riant, Claire but la tasse et revint à l'air libre en toussant. Elle se mit à arroser Quentin quand un coup de sifflet se fit entendre.
- "C'est bientôt fini ce cirque ? S'écriait Adam Baker furieux de voir ses recrues dissiper la séance. Vous vous croyez où tous les deux ?! Sortez du bassin immédiatement ! Les autres continuez à nager et plus vite que ca !"
Et voilà, Claire n'aura pas passé une heure sans se faire remarquer. Lançant un regard à Quentin, elle se dirigeait déjà vers l'échelle de la piscine où le coach les attendait déjà. Il paraissait très en colère : ses yeux lançaient des éclairs. L'adolescente n'avait cessé de sourire, visiblement la situation l'amusait. Plus pour longtemps. Adam les toisait du regard et n'eut pas le temps de prendre la parole que Claire se mit à parler.
- "Désolée coach, c'est ma faute, c'était plus fort que moi, ça ne se reproduira plus.
- Evidemment que ça ne se reproduira plus, tu es virée Claire, sors d'ici ! Quant à toi Quentin, je-
- Coach non s'il vous plait, coupa Claire inquiète, je vous promets que je resterai tranquille, vous ne saurez même pas que je suis là et
- Plus un mot Austen, va te rhabiller et t'assoir sur le banc mais je ne veux plus t'entendre même pour respirer. Tu reviendras ce soir faire ta séance, seule, tu seras peut-être plus assidue. Quentin, c'est le dernier avertissement, retourne nager, dépêche-toi !"
Il ne leur prêta plus aucune attention, Quentin s'empressa de rejoindre le groupe après avoir brièvement serré la main de sa camarade. Cette dernière n'avait plus le goût de sourire, sans réagir à l'attention de Quentin, elle tourna les talons et partit dans les vestiaires, vexée d'être évincée du groupe. La séance lui parut longue assise sur le banc à regarder les autres nager. Quelques temps plus tard, ils quittèrent la piscine pour la séance d'athlétisme. Claire pensait que sa mise à l'écart serait levée mais c'était mal connaître le coach Baker. Alors qu'elle plaisantait avec Guilia, il l'interpela
- "Austen, viens ici s'il te plait, tu auras tout le loisir de les regarder courir d'ici. Les autres, vous partez pour vingt minutes à allure tranquille. On accélérera plus tard."
Claire soupira et alla s'assoir sur le côté de la piste d'entraînement et passa, comme la séance précédente, son temps à regarder les autres courir. Il en fut évidemment de même lorsque le groupe partit faire des exercices physiques et de musculation. Samira semblait, elle, ravie de la tournure des évènements. Lorsque midi arriva, le coach Baker annonça la fin de la première séance et donna rendez-vous à ses joueurs à quinze heures. Les adolescents se dispersèrent en direction des vestiaires. Claire attendait patiemment que ses amis prennent leur douche avant d'aller déjeuner. Elle restait amère : elle n'avait pas pensé être mise à l'écart de cette façon alors qu'elle s'était tant entraînée pour satisfaire le coach. Comme souvent, elle ne réfléchissait pas à ses actes et agissait comme si elle était seule. Or à dix-sept ans, on doit encore obéir et respecter les règles. Encore plus ici qu'ailleurs. Elle se promit qu'elle donnerait le meilleur d'elle-même pendant la seconde séance d'entraînement afin de montrer au coach qu'il avait eu raison de la sélectionner et montrer qu'elle n'était pas qu'une gamine ingérable.
Il y avait peu de monde au réfectoire et c'était tant mieux car tous étaient affamés. Même Claire qui pourtant n'avait pas vraiment fait d'effort ce matin. Un peu boudeuse, elle s'efforçait de rester agréable envers ses camarades qui sentaient bien qu'elle n'avait pas envie de parler. Seul Lucas se risqua à la taquiner pour la faire sourire, ce qu'il réussit. Déridée, elle retrouva un peu sa bonne humeur mais avec les évènements de la nuit mêlés à la frustration du matin, Claire avait l'impression que cette journée n'allait pas être fort réjouissante. Et elle avait raison. Le déjeuner tranquille tant attendu serait bien vite écourté. Tom, Quentin, Lucas, Claire et Guilia s'étaient installés à une table un peu excentrée et pouvaient profiter de leur copieux repas. Ils plaisantaient et discutaient du premier entraînement. Lucas voulut savoir pourquoi Claire avait été évincée par le coach Baker mais pour toute réponse, elle haussa les épaules.
- "On a juste chahuté un peu dans la piscine avec Claire, sauf qu'elle ne connaît pas Baker, expliqua Quentin
- Baker est le meilleur coach de l'école mais il faut faire les séances sérieusement, y aller à fond, tout donner. Donc Claire, cet après-midi, prends sur toi, reste concentrée et montre ce que tu vaux vraiment, d'acc ?"
Tom était celui qui était l'un des plus anciens à St Charles, il connaissait tout le monde. Ses conseils étaient bons à prendre. Encore fallait-il vouloir les prendre... Soudainement, Lucas, assis face à Claire et qui avait vue sur l'ensemble de la salle, se figea et donna un léger coup de pied à l'adolescente comme pour la prévenir de quelque chose. Trop tard.
- "Je constate que tu es incapable de ne pas te faire remarquer Austen."
Cette voix doucereuse était comme un murmure. L'intervention de James avait marqué un blanc. Un lourd silence s'installa à table. Personne n'osait bouger et tous semblaient passionnés par ce qui se trouvait dans leurs assiettes. James avait pris appui sur la table d'un bras à côté de son élève et la fixait froidement de profil. L'adolescente sentait sa joue brûler tant elle ressentait l'intensité de la colère de l'éducateur. Elle n'osait même pas le regarder.
- "Prends ton plateau, on va manger tous les deux, on a des choses à se dire. Allez !"
Il laissa à peine à Claire le temps de réagir : il enleva des mains les couverts qu'elle n'avait pas lâchés, les posa sur le plateau puis lui donna un petite tape sur l'épaule pour la secouer un peu. Claire rassembla ses affaires, se leva en raclant a chaise sur le sol et se tourna vers son éducateur sans lui adresser le moindre regard. Elle le suivit et s'installa quelques tables plus loin sous le regard lourd de reproche de James et ceux curieux de ces camarades.
- "C'est son éducateur, expliqua Lucas en chuchotant
- Ah mince, c'est pour ce qu'il s'est passé ce matin, tu crois ? demanda Guilia
- Elle ne va pas rigoler si vous voyez ce que je veux dire. Il est sympa James mais il ne faut pas trop le chercher..."
Ils continuèrent à discuter tout en jetant des coups d'œil vers la table où Claire n'était pas à la fête. James était particulièrement énervé : chaque fois qu'il avait un espoir que sa protégée ne se fasse pas remarquer, il en était tout autrement. Il travaillait tranquillement dans son bureau quand, passé midi, il vit entrer le coach Baker quelque peu ennuyé en lui expliquant la situation. Le matin même, il lui apportait un petit en-cas, soucieux de ne pas l'avoir vu au réfectoire, et à peine l'heure de déjeuner, il avait déjà un problème à régler. L'adolescente semblait mal à l'aise, gênée. Pour la première fois, James la sentait même désolée. Elle n'était pas la jeune fille colérique et orgueilleuse d'il y a quelques jours au gymnase. Mais surtout James, ne te laisse pas attendrir. Claire est manipulatrice et prête à tout pour amener qui elle veut là où elle veut. Le regard dur, les yeux lançant des éclairs, il ne savait par où commencer ni quelle méthode aborder. D'énervement, il lança ses couverts sur son plateau. Enervement ou déception de voir cette jeune fille partir en vrille ? De constater qu'il n'arrivait pas à avancer avec elle ? Claire était une fille intelligente et maligne mais n'avait pas l'habitude de se voir opposer quoi que ce soit. Sentant venir les reproches, elle ne regardait pas son éducateur, elle s'était fermée comme une huître. Hermétique.
- "Tu n'es qu'une petite idiote Claire ! A quoi joues-tu ? Tu veux te faire renvoyer ? A quoi ça t'avance de te faire exclure ou remarquer dans tous les cours ?"
Devant cet énervement soudain, pourtant sans élever la voix, Claire était entre deux feux. Bien sûr, en temps normal, elle se serait rebellée, aurait crié, hurlé sur la personne qui lui cherchait des noises. Mais quelque chose au fond d'elle l'en empêchait aujourd'hui. A défaut de répondre, elle inspira profondément, comme pour garder son calme. Ne pas se laisser déborder par ses émotions. Elle encaissait les paroles de James sans broncher. C'était sa manière à elle de passer ce mauvais moment. Ne pas écouter, se concentrer sur autre chose. Mais James n'était pas du genre à se laisser berner. Il était jeune dans ce métier, mais sa place à St Charles, il l'avait gagné en prouvant ce qu'il valait depuis ces deux dernières années. Et il ne comptait pas laisser Claire lui donnait autant de fil à retordre. Elle le testait c'était normal. Mais trop, c'est trop. D'un geste brusque, il tapa sur la table. Les élèves autour d'eux, et Claire y compris, sursautèrent et peu à peu le silence se fit dans le réfectoire. Un silence pesant. Tendu. L'adolescente aurait tout donné pour disparaître. James s'impatientait.
- "Alors ? Pas de réponse évidemment ! Ah mais quand il y a une bêtise à faire, là il y a de la répartie Austen ! Je ne te reconnais pas, tu as perdu la parole ? Ou tu es devenue sourde peut-être ? J'attends..."
La honte. Vous savez ce sentiment désagréable qui s'immisce en vous tel un serpent, qui se répand dans vos veines, qui vous donne envie de disparaître, de se cacher des yeux du monde. Claire était extrêmement mal à l'aise, tout le monde la regardait. Elle était le centre des attentions et elle détestait ne pas être maître du déroulement des choses. Elle avait perdu le contrôle.
- "Arrête s'il te plait James... implora-t-elle en chuchotant.
- Ah oui ? répondit-il feintant la surprise, et pourquoi ça ? Quand je te demande d'arrêter et de changer de comportement, tu le fais ? Je ne crois pas ! Ou alors, j'ai raté quelques chapitres..."
L'adolescente haussa les épaules. Comment pouvait-on apprécier une personne le matin même et la détester avant la fin de journée ? De nature particulièrement anxieuse, Claire commençait à monter en pression et tapait du pied sans s'en rendre compte. Son éducateur continuait à lui poser des questions et lui faire des reproches. Soudain, n'y tenait plus, elle se leva et quitta le réfectoire en courant.
- "RESTE ICI AUSTEN !"
Trop tard James, pas assez rapide sur ce coup. Mais quelle emmerdeuse pensa-t-il. Il s'était levé rapidement et aperçut Lucas, debout également. Evidemment, ce dernier n'avait pas perdu une miette de l'échange entre son amie et l'éducateur. En la voyant ainsi s'enfuir, il avait compris que ça n'allait pas. Machinalement, il s'était levé pour la retrouver. Il croisa le regard de James et y lu de la colère. Il le rejoint soucieux.
- "Vous voulez que j'aille lui parler ?
- Merci Lucas, je m'en occupe... répondit James d'un air absent. Par contre, si tu as une idée de l'endroit où je peux la trouver...
- Hum... Soit elle pleure et elle est dans sa chambre, sur son lit et regarde ses photos. Soit elle est en colère et au lac, au gymnase ou sur les terrains pour se défouler...
- D'accord, j'y vais de ce pas
James attrapa son sac et prit la direction de la sortie quand Lucas s'adressa une dernière fois à lui.
- Mr Carragher ? Si je peux me permettre... Je pencherai pour la première hypothèse..."
L'éducateur le quitta rapidement sans un mot. Il semblait à la fois en colère et soucieux. Comme s'il n'arrivait pas à se décider sur l'attitude à adopter face à cette situation qui lui était incongrue. Car jamais il n'avait fait fuir ainsi une adolescente. Peut-être était-il passé à côté de cette jeune fille, qu'il avait manqué quelque chose chez elle. Il se posait mille questions en pressant le pas en direction du Victoria Hall. Une fois arrivé devant la chambre, il trouva porte close. Il inspira profondément pour reprendre ses esprits et toqua de façon ferme. Aucune réponse. Il réitéra son geste. Rien. Hésitant, il se demandait que faire. Il préféra vérifier et ouvrit la porte. Elle était là, allongée sur son lit, la tête sur les bras, le visage caché dans l'oreiller. Elle ne fit aucun mouvement.
- "Claire ?" fit James d'une voix rauque
Toujours rien. Il patienta quelques instants. S'il la brusquait encore une fois, il la perdrait. Il en avait l'intime conviction. L'adolescente avait quelque chose d'attendrissant allongée là, triste. Il eut un pincement au cœur, mais sans oublier que c'était elle qui avait tort, qui s'était fait exclure de son entraînement. Il ne fallait pas inverser les rôles quand même. S'il prenait ce chemin, l'adolescente le mènerait à la baguette. Sans perdre plus de temps à réfléchir à la manière d'aborder les choses, il s'approcha du lit et prononça d'une voix dure
- "Je te laisse trois secondes pour te lever, reprendre tes esprits et me dire pourquoi tu es partie de cette façon. Tu n'es pas loin de la semaine de retenue. Jamais personne ne s'était risqué à fuir ainsi son éducateur et-
- Tout le monde nous regardait James ! Tu m'as mis la honte... ragea l'adolescente qui soudainement avait retrouvé de la voix et faisait face au jeune homme les yeux brillants.
- Alors ça je m'en moque figure toi ! Et tu me parles autrement, je ne suis pas ton copain ici ! Il l'attrapa par le bras fermement et la secoua comme pour ajouter du poids à ces paroles. Tu comprends quand je te parle ? Tu comprends quand je te parle ?
- Lâche-moi James ! LÂCHE-MOI !!
- Tu COMPRENDS quand JE te parle Austen ?? Ce n'est pas toi qui décide ici, à partir de maintenant, tu te tiens à carreaux, c'est terminé de se faire renvoyer ou remarquer dans un cours ! Je ne veux plus t'entendre parler ni même t'entendre respirer. Je ne veux plus qu'on vienne me rapporter ne serait-ce qu'un seul souci avec toi. Est-ce qu'on est d'accord ? Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?"
Leurs yeux se jetaient mutuellement des éclairs et aucun des deux n'étaient prêt à céder. Mais rapidement, James avait pris l'ascendant : il insista une ou deux fois de plus avec ce même ton autoritaire avant que Claire n'émette un faible oui. Alors, il la lâcha, intérieurement satisfait de cette première victoire, et, ne la quittant pas des yeux, lui ordonna de le suivre.
- "Tu vas rattraper ta séance du matin. Tout de suite !"
Il sortit de la pièce ravi d'avoir pu montrer son autorité à la jeune rebelle. Non, il n'était pas faible, non il ne lâchait rien et surtout non il ne se laisserait pas manipuler par une gamine. Une gamine pour qui il avait au fond de lui de l'affection. L'adolescente, de son côté, était blessée dans son amour propre. Jamais auparavant on s'était opposé à elle de cette façon, personne ne lui avait autant tenu tête. Son père, ses frères, ils finissaient souvent par céder à un moment.
Elle suivit James jusqu'au terrain d'entraînement, perdue dans ses pensées. Ayant passé la matinée à observer ses camarades, elle connaissait les consignes et commença sans un mot sa séance. James avait voulu parler mais se ravisa lorsqu'il la vit courir. Il laissa échapper un soupir d'exaspération et s'assit pour travailler les quelques dossiers qu'il avait. Claire faisait sa séance d'entraînement tranquillement et efficacement. Se défouler lui faisait du bien et lui permettait de se vider la tête. Seule la scène où James criait sur elle refusait de s'y effacer. Elle s'arrêta pour informer James qu'elle se rendait à la piscine, celui-ci approuva d'un signe de tête sans plus prêter attention. L'adolescente savait ce qu'elle avait à faire et l'heure tournait. James vint la retrouver au bord du bassin et siffla la fin de la séance. Elle nagea vers lui et sortit de la piscine, l'eau ruisselait le long de son corps et elle mit rapidement sa serviette autour d'elle.
- Tu t'habilles et tu rejoins le coach Baker pour ta séance spécifique. Que je n'entende pas parler de toi ! On est bien d'accord ?
- Oui
- Quand tu auras fini, tu passeras me voir dans mon bureau. Et tu es en retenue ce soir, tu nettoieras le réfectoire après le repas."
Avec un regard qui ne laissait pas de place à la discussion, il tourna les talons. Pour Claire, la journée allait être encore longue, très longue. Elle entendait déjà certains élèves qui arrivaient aux vestiaires pour l'entraînement de l'après-midi. Elle se hâta de les rejoindre. La séance se passa tranquillement, Claire alla présenter ses excuses au coach et ne se fit pas remarquer outre mesure.
Le soir arriva vite et l'adolescente resta longtemps après que les derniers élèves aient rejoint leur dortoir pour nettoyer le réfectoire et le préparer pour le petit déjeuner du lendemain. James était venu vérifier le travail et autoriser la jeune fille à aller se coucher. Pas un mot de plus. Lui qui s'était toujours montré conciliant et soucieux était indifférent et distant. Ce changement d'état d'esprit perturbait Claire qui commençait à regretter d'être souvent en confrontation avec lui. Au fond, il était sympa James.