Cela faisait à présent plusieurs minutes qu'elle avait raconté son rêve aux deux héritiers, et Helena commençait vraiment à se demander si elle avait bien fait de dire aux jeunes anges la vérité.
Ils n'avaient pas bougé. Pas le moindre signe de vie.
On aurait dit des statues. La jeune fille faillit même se lever pour vérifier, parce que c'était vraiment très bien fait.
Elle soupira. Apparemment la nouvelle leur avait fait un choc. Elle baissa les yeux et se figea à son tour. Son soutien-gorge était rouge tellement elle avait perdu de sang, détaché à l'arrière, il ne tenait que grâce à un vraiment très opportun coup de chance. Sa robe noire lui avait été retirée jusqu'au bassin, elle avait même encore ses chaussures. Elle se pencha sur le bord du lit pour essayer d'enlever sa robe, mais les croutes qui parcouraient son dos la faisait souffrir, aussi, elle dut se contorsionner pour la faire glisser le long des ses jambes. Pour les chaussures, elle serra les dents et se pencha le plus possible (soit quelques centimètres) et se les retira le plus vite possible en grimaçant.
-Qu'est-ce que tu fais ?
Elle sursauta en entendant la voix d'Ethan dans son dos. Mais elle ne se retourna pas, ne voulant pas lui offrir la vue à laquelle il aurait droit si elle le faisait, lui laissant sa Marque comme seule partie visible de son corps.
-Personne n'a pensé à m'enlever la robe ou les chaussures, et je dois avouer que ce n'était pas très confortable.
Elle l'entendit ricaner, ce qui la mit hors d'elle. Elle se serait bien retournée d'un bond si son soutien-gorge n'était pas dans une si mauvaise position. Elle décida donc de lui tourner le dos jusqu'à ce qu'il arrête de la fixer. Helena sentait son regard sur elle, et elle était dans une telle colère qu'elle ne se priva pas de la joie sadique de le lui faire remarquer.
-Tu me dis quand tu auras fini de me regarder comme ça, tu sais, pour que je puisses me retourner !
Pour toute réponse, il lui tendit la veste qu'il portait, de manière à ce qu'elle ait quelque chose à se mettre sur le dos. Elle se passa le vêtement et grimaça lorsque le tissu rêche frotta sa Marque. La veste était tellement grande qu'elle lui arrivait aux cuisses. Elle la zippa et se retourna enfin vers les deux héritiers... Pour se retrouver face à Ethan, torse nu.
Il était beaucoup plus proche que ce à quoi elle s'attendait et elle se figea et sentant son souffle sur visage. Ethan recula. Elle respira normalement à nouveau et s'assit sur le lit, pendant qu'Ethan s'approchait de Gabriel. Il prit la tête de son cousin entre ses mains et la secoua légèrement, ce qui suffit amplement à le faire revenir dans le présent.
Helena aurait bien répondu quelque chose à l'ange, mais Gabriel fut près d'elle dans la seconde qui suivit son « réveil ». Il lui prit le bras sans ménagement et la fit se lever, ce qui la fit grimacer de douleur une nouvelle fois.
Il la fixa dans les yeux quelques secondes, puis la relâche en poussant un soupir d'exaspération.
-Je ne vois rien ! Il faut demander à ma mère de vérifier ses yeux..., pesta-t-il.
-Ils étaient violets, le coupa Helena, ne sachant même pas comment elle avait put savoir de quoi il parlait.
Gabriel se tourna vers elle, surpris qu'elle ait si vite compris de quoi il parlait.
-Répète.
-Mes yeux étaient violets, comme mes ailes. En fait, mes ailes étaient plus ou moins transparentes, mais mes yeux avaient une couleur violette.
Comme des améthystes, lui souffla quelque chose dans sa tête.
-Comme des améthystes, répéta-t-elle à haute voix.
-Viens ! reprit Gabriel en lui empoignant le bras une nouvelle fois.
-Où est-ce que tu l'emmènes ? demanda Ethan, qui, pour une fois, n'avait pas la moindre idée de ce que Gabriel avait en tête.
-Voir ma mère.
Helena blêmit drastiquement en entendant ces mots. Elle stoppa net, manquant de tomber tellement Gabriel la tirait fort. Elle ne voulait voir aucun des deux souverains, sous aucun prétexte. Il se tourna vers elle, les traits durs.
-Qu'est-ce que tu fais ?
-Je ne veux pas aller la voir !
-Tant qu'on est avec toi, elle ne devrait rien te faire, la rassura Ethan.
Elle hocha négativement la tête pour signifier que ses arguments n'étaient pas assez forts. Le prince ne supportait de ne pas savoir, aussi, sans faire attention aux protestations de la jeune Marquée, il la souleva de terre et la prit dans ses bras.
-Gabriel ! Lâche-moi ! cria-t-elle en lui donnant un coup de poing sur le torse. Tu me fais mal !
Son dos la faisait vraiment souffrir dans cette position : la courbe de son dos avait rouvert les plaies et elle sentait le sang couler en fins filets le long de sa colonne vertébrale. Mais Gabriel ne l'écouta pas, inconscient du mal qu'il lui faisait. Elle ne pleura pas, mais laissa échapper sa douleur dans plusieurs gémissements pendant le trajet et par un cri étouffé lorsque le prince la posa enfin devant les portes qui menaient au boudoir violet.
Ethan, qui avait bien vu que son cousin faisait du mal à Helena, se précipita et souleva la veste, en observant la blessure de la jeune fille. Cette dernière tremblait légèrement, essayant de juguler sa douleur dans le silence.
Gabriel se fichait éperdument du mal qu'il pouvait causer autour de lui, tan qu'on lui donnait ce qu'il désirait et en ce moment, c'était des réponses sur Helena, cette créature, non humaine mais pas totalement angélique, qui lui faisait face. Il ne la considérait pas comme une personne vivante, mais plutôt comme un problème, comme une question sans réponse qui amplifiait la déception de son père à son égard un peu plus à chaque seconde qu'elle passait sur Skylar.
Helena siffla entre ses dents pour évacuer la douleur. Ethan venait de poser sa main sur le bas de son dos, là où elle était le plus sensible.
-Ethan, s'il te plaît, enlève ta main, elle me fait mal.
Il la retira aussitôt, ne voulant pas la blesser. Gabriel souffla pour exprimer son énervement, puis il s'approcha des deux portes et les poussa, entrant dans la petite pièce sans s'encombrer de mondanités ou de formules de politesse. Il traversa la pièce en deux pas et, cette fois-ci, toqua une fois à la porte avant de rentrer la seconde d'après, sans attendre de réponse.
De là où elle était, Helena put apercevoir Marie et Claire se lever précipitamment de leurs fauteuils, tirant leurs robes, vertes ce jour-là. Elle entendit des bribes de conversations, telles que « Elle dit que ses yeux... », « Non, sa mère... je ne ... ». Ce fut au moment où elle entendait «Des améthystes ?» qu'Ethan décida enfin de la faire rentrer.
Jade, Claire et Noémie se retinrent à la dernière seconde de lui sauter dessus, Marie et Anna réussirent à contrôler un peu mieux leur joie de revoir Helena. La reine se figea en l'apercevant, alors que Gabriel se retournait et venait la chercher à grands pas.
-Je veux juste qu'elle vérifier quelque chose, dit-il en lui saisissant le bras.
Puis il la poussa vers la reine, pour que les deux femmes ne soient plus qu'à quelques centimètres l'une de l'autre. Maintenant qu'elle la voyait, il parut à Helena que ses traits étaient plus froids que la veille et elle crut voir des cernes sous ses beaux yeux bleus. Elle portait une robe noire, parcourue de plumes grises brodées sur les épaules et les flancs, ses cheveux étaient retenus en une double tresse, elle les avait méchés de noir avec un sort, ce qui lui donnait un air maléfique. Les seules touches de couleur sur elle était ses yeux... Et le bracelet et la bague qu'Helena avaient trouvés dans le coffre de sa mère ! Elle ne se rendit compte qu'à ce moment là que, en effet, elle ne les portait plus, elle avait dut les lui enlever alors qu'elle était inconsciente. Elle ouvrait la bouche pour lui dire de lui rendre les joyaux de sa mère, mais la reine gagna en vitesse.
-Allez-vous changer ! Vous êtes peut-être une imposteure, mais vous êtes à la Cour. Vous avez de la chance si personne ne vous a vu dans cette tenue en venant jusqu'ici... Les rumeurs vont vite, vous savez. Dans quelques heures, tout le monde parlera de vous comme la nouvelle catin de mon fils...
Tout en parlant, elle s'était encore rapprocher de la jeune fille. Pendant la dernière phrase, elle caressait lentement la joue d'Helena, lui montrant clairement qu'à ses yeux, elle n'était absolument rien de plus que ça : une catin, là pour divertir les esprits et faire don d'elle-même à quiconque le demanderait.
Après lui avoir fait comprendre qu'elle n'était rien, Ambre recula et fit signe à Jade, qui comprit l'ordre muet : elle demanda à Helena et l'emmena dans sa chambre pour lui prêter ses vêtements une nouvelle fois.
Elles ne dirent rien. La jeune ange se contenta de lui donner une robe droite rose pale, s'arrêtant à mi-cuisse, avec des motifs scintillants tout le long avec des escarpins dorés dans lesquels Helena eut beaucoup de mal à entrer tant ils étaient hauts. Si Jade affichait une mine fermée, Helena remarqua que la robe avait le dos complètement dégagé, ce qui éviterait que le tissu ne blesse sa marque. La servante lui lava la plaie, pour que le sang ne tâche pas le rose clair de la robe, puis elle la coiffa rapidement d'une queue de cheval haute, de sorte à dégager son dos et son visage par la même occasion.
La jeune fille s'habilla en vitesse et sortit de la belle chambre de Jade. Elle traîna le pas jusqu'au petit salon où l'attendait les trois membres des Royaux. Elle avait prier pour que son entrée soit la plus discrète possible, mais son vœu ne fut pas exaucé : à peine eut-elle mit la pointe de sa chaussure dans la pièce, 8 visages se tournèrent, implacables, vers elle. Helena se sentit rougir, puis pâlir subitement lorsqu'elle vit le regard que la reine portait sur elle. Froid, calculateur. A ce moment là, la jeune femme avait disparut, et un prédateur l'avait remplacée.
Et ce prédateur venait d'apercevoir une proie très appétissante.
-Viens ici ! ordonna la souveraine.
La jeune Marquée s'approcha lentement d'Ambre, ne sachant pas si elle devait avoir peur de la femme qui lui faisait face ou de ce que cette dernière annoncerait après l'avoir sondée.
-Qu'est-ce qui va se passer, exactement ? demanda Helena en se tournant vers Ethan et Gabriel, provocant un soupir d'énervement chez la reine.
-Ma mère possède un pouvoir, un don, ce qui n'est pas donné à tous les anges. Il consiste à voir l'âme d'un ange, sa couleur, sa substance. Elle pourra voir ta forme ailée et de cette manière, nous dire de quelle couleur sont réellement tes yeux, répondit Gabriel en ignorant le regard noir que lui lançait sa génitrice.
Helena hocha la tête, lâcha un soupir tremblant et se tourna vers la jeune femme brune, incertaine de ce à quoi elle devait s'attendre. Elle ne savait même pas pourquoi la couleur de ses yeux sous sa soi-disant forme ailée était si importante, amis elle n'osait rien dire.
Combattant son dégoût, Ambre se saisit du visage d'Helena et la fixa intensément dans les yeux. Les iris bleus d'Ambre virèrent violemment au blanc, en même temps que ceux d'Helena qui fut assaillie d'une violente migraine à cause des mains de la reine, qui étaient devenues glaciales. Petit à petit, les yeux d'Ambre se teintèrent légèrement de violet, avant de le devenir totalement, ce qui parut alarmer les personnes présentes dans la pièce. Du coin de l'œil, la jeune fille aperçut Anna et Jade se rapprocher, hésitantes, et Ethan et Gabriel tendre leurs muscles imposants sous l'effet de l'incertitude.
Enfin, au bout de quelques secondes de tension, la reine retira ses mains aussi froides que des blocs de glace des joues lisses d'Helena, et prit une grande inspiration, ce qui rendit leur couleur saphir à ses yeux. Chancelante et affreusement pâle, elle se tourna vers son fils et murmura :
-Améthyste.
Puis elle tourna de l'œil.
Avec la grâce d'une fleur coupée, elle s'affaissa avec lenteur, donnant le temps à son neveu de se placer derrière elle, pour l'empêcher de toucher le sol du salon luxueux. Il la prit dans ses bras et se dirigea vers une porte attenante, qui donnait sur la chambre de la souveraine. Anna et Marie se précipitèrent derrière le jeune ange.
Gabriel se tourna lentement vers la belle jeune fille, stupéfait. Améthyste, le dernier ange à avoir eu cette couleur n'était autre que le tout premier Royal de Destinée. Elle avait un père avec l'héritage des Anges Noirs, une mère qui n'était autre que la dernière Ange Noire, et une âme qui avait la même couleur que le Premier.
Unique. Spéciale. Incroyable. Belle. Sublime.
Elle avait tout pour elle.
Si non seulement il savait à quel point il se trompait.
-Alors ? Et maintenant ? questionna la jeune Marquée, inquiète.
Le prince ne put retenir le sourire qui lui chatouillait les lèvres.
-Maintenant, tu es une Elue. Et j'ai une très longue histoire à te raconter.