Aussi étrange que cela puisse paraître, j'ai décidé de remettre ça avec Camélia. La première fois m'a surprise, désormais, j'en suis habituée. J'ai ainsi donc passé l'après-midi avec elle. J'en oublie totalement le poisson mort et mes plans de vengeance.
Après l'acte, toutes deux allongés dans le lit, celle-ci allume une cigarette. Je n'aime pas l'odeur mais je fais comme si cela ne me gêne pas avec un sourire gêné.
Sérieusement, je repense à ma vengeance. Est-ce que cela vaut vraiment le coup ? Je commence vraiment à ne plus en voir l'intérêt.
Je me tourne vers elle. Elle est toujours la clope au bec, dans un autre monde.
— Je peux te demander quelque chose ?
— Tu veux me parler de ta sexualité ? rétorque-t-elle.
J'aurais pu en parler, mais je n'en ai pas envie. J'ai autre chose qui me vient à l'esprit. Le plan que j'avais prévu avait échoué la veille et dans le fond, je m'en fiche.
— Je voulais rendre jaloux mon ex en sortant avec sa nouvelle fiancée. Mais je me demande si... Enfin... C'était peut-être stupide après tout...
— C'est quoi ce plan à la con ?
Elle se fout de ma gueule maintenant, littéralement. Elle explose de rire.
— Non mais oh ! Je te parle pas pour que tu rigoles comme ça ! Je me confiais là merde !
— Mais tu ne te rends pas compte de ce que tu dis ?
— Ta gueule ! Mon plan il était génial !
— C'est juste une excuse pour ne pas avouer ton homosexualité. C'est lamentable !
— Je t'emmerde !
Je quitte le lit et enfile aussitôt mes habits. Elle me saoule, je préfère me casser. Je n'aime pas me faire insulter. Merde quoi !
— Ne me dis pas que tu es vexée quand même, lâche-t-elle d'un air enjôleur.
— Oh que si ! Et je me casse moi ! hurlé-je.
Je prends mes dernières fringues encore au sol et quitte son appartement miteux.
Je ne sais pas pourquoi je suis retournée la voir celle-là. En fait, elle m'agace ! Je tape un coup de pied sur sa porte avant de partir en courant. Je suis sûre qu'elle ne sait pas que c'est moi.
Parfait. Mon plan est parfait. Je suis parfaite.
Je retourne chez moi en dansant. Les gens me regardent bizarrement. Quoi ? Ils ont jamais vu quelqu'un qui danse eux ? Ils me déçoivent ! Tout ce qu'ils méritent ce sont des doigts et encore des doigts. Vous ne m'arrêterez pas !
Je gère la situation.
J'arrive sous le porche de ma maison et vois Myriam. Elle fout quoi la truite ici ? C'est mon chez moi ! Je ne veux pas de gens relous !
Puis en m'approchant d'elle, je constate qu'elle est en pleurs. Là, c'est bizarre. Je ne comprends plus rien. J'ai besoin d'explications !
— Myriam, mais tu fous quoi ici ?
— Je me suis disputée avec Damien, lâcha-t-elle entre quelques pleurs.
Je crie de joie intérieurement. Ils se sont disputés ? Mais c'est génial ! J'aime me réjouir du malheur des gens ! Surtout ceux que je n'aime pas !
Soudainement, ma vieille voisine nous dérange.
— Bonjour Spencer.
Attends un peu... Elle est à poil ? Mon Dieu ! Mais c'est dégueulasse ! Comment ose-t-elle sortir comme ça dehors ? Et si des enfants la voyaient ? C'est immonde ! Elle devrait avoir honte.
— VOUS ÊTES DÉGUEULASSE PUTAIN ! hurlé-je.
Myriam me regarde étrangement. Elle doit sûrement vivre dans un coin parfait où tout va bien dans le meilleur monde. Mais quelle conne !
Je la fais quand même entrer. Je n'ai pas envie de me coltiner la voisine relou. Je ne peux gérer qu'une catastrophe à la fois.
— Hum... Je ne comprends pas. Pourquoi vous vous êtes disputés ? Enfin, ça allait bien entre vous...
Elle sèche ses larmes et prend alors la parole :
— C'était pas grand-chose... Il m'a raconté ce qui s'est passé entre vous... et j'aimais bien que vous soyez amis. Alors ça m'a déçu d'apprendre qu'il ne voulait plus te voir... puis après, ça a dégénéré...
Ils s'étaient disputés à cause de moi ? Je me sens fière, très fière même. Et attends un peu... Elle m'a défendue ou je rêve ? La truite m'a défendue ? Moi ? L'ex de son fiancé ? Mais qu'est-ce qui ne va pas dans sa tête ? En fait, ça ne m'étonne pas, sinon elle ne sortirait pas avec ce poisson pourri.
— Mais ça avait l'air d'aller bien entre vous.
Quoi ? Mais pourquoi je défends leur couple moi ? Je les hais ! J'attends leur séparation avec joie ! C'est le moment d'enfoncer tout ça !
— Ça ne m'étonne pas de lui. Toujours aussi décevant.
Et voilà, j'ai arrangé le coup. C'est qui la meilleure ? Moi, bien évidemment. Mes parents ont vraiment raison sur ce point, je suis parfaite.
— Je devrais aller le voir et m'excuser.
— NON ! Enfin, je veux dire. Il a été méchant et c'est pas bien.
Elle me regarde plutôt dubitative. Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit encore ? J'ai été très claire quand même. Il doit lui manquer beaucoup de matières grises en fait.
— On devrait passer la soirée entre filles, tranquille... On regarde un film...
Une excellente occasion de se rapprocher. Je suis douée, tellement douée. Elle ne va y voir que du feu.
On s'installe devant la télé pour regarder une émission à la con avec un verre de coca et des chips.
J'hésite à faire comme si j'ai des sentiments pour elle et lui avouer. Après tout, c'est le moment idéal. Elle est en froid avec Damien, elle vient me voir. C'est l'occasion rêvée. Et pourtant, j'agis comme une conne en disant :
— Tu devrais aller lui parler. Vous avez eu le temps de vous calmer, maintenant vous pouvez en parler comme il faut.
Elle sourit à ma remarque. J'ai toujours raison, je le sais.
— En effet, c'est ce que je devrais faire.
Elle me prend rapidement dans ses bras.
— Merci Spencer.
— De rien.
Elle finit par partir.
Pourquoi je réponds "de rien" moi ? Ce n'était pas le plan ! J'ai encore fait n'importe quoi ! Je devais les séparer ! Pas les rapprocher ! Tu fais n'importe quoi Spencer, vraiment !
Attends un peu, je parle à moi-même ? Ah non ! Je hais ces trucs de conscience ! Je...
Oh ! Quelqu'un sonne. Qui ça peut bien être ?
Je me jette sur la porte d'entrée et vois le poisson pourri. Je m'apprête à lui refermer la porte au nez mais il me retient. Dis-donc, il est venu vite ou j'ai pensé tellement lentement que le monde s'est accéléré entre temps.
Je penche plutôt pour une invasion d'aliens.
— C'est une visite amicale, annonce-t-il l'air de rien.
Je le fais entrer quand je vois la voisine à poil en train de me faire un clin d'œil. J'ai peur ! Je ferme la porte aussitôt.
— Tu veux quoi poiss— Damien ?
— Myriam et moi, on a parlé. Elle m'a dit qu'elle était allée te voir. Merci.
Je fais semblant de bâiller pour montrer qu'il me fait chier. J'ai envie qu'il parte le plus vite possible. J'en ai marre de lui.
— Tu veux de la pizza ? demandé-je.
— Mais pourquoi de la pizza ?
— Parce que je m'en fous de toi ! Je m'en fous de Myriam ! Je m'en fous de vous deux ! Tu sais pourquoi je traînais avec vous deux ? Parce que je voulais sortir avec Myriam pour te rendre jaloux !
Son visage change enfin. Il semble surpris. Vraiment ? C'est possible chez lui ça ? La surprise ? Il connait ça ?
— Mais tu es cinglé ! Tu vois, c'est pour ça que ça ne pouvait pas marcher entre nous !
— Ne mets pas la faute sur moi ! C'est toi qui m'as trompée espèce d'abruti ! Espèce d'enculé ! Va te faire foutre !
— J'aurais dû me douter que tu ne changerais pas.
Mais il continue de foutre la faute sur moi ? Lui ? Le connard qui a osé me tromper ?
Sous le coup de la colère, je le gifle et le fous dehors à coups de pied au cul.
— ESPÈCE DE GROSSE MERDE ! JE VEUX PLUS TE VOIR !
Toujours pas la moindre expression sur son visage.
— Et là c'est vrai putain !
Il part comme si de rien n'était. Je croise alors le regard de la vieille en chaleur. Elle me fait encore un clin d'œil.
— PUTAIN MAIS ON T'A PAS APPRIS À T'HABILLER VIEILLE PUTE DESSÉCHÉE ?
Je rentre chez moi et claque la porte. J'en ai marre. Pourquoi tout le monde est si chiant en ce moment ?
En fait, j'en ai marre de tout. Surtout de ce plan à la con. J'ai autre chose à faire de ma vie et tant pis si ce poisson pané n'a pas ce qu'il mérite ! J'ai une vie avant tout !