-On va jouer aux ricochets.
Elle fronça les sourcils, visiblement inquiète. Mais pas par le fait de jouer. Par l'objectif de ce jeu.
-À chaque fois que l'un de nous deux fait plus de deux ricochets, il peut poser la question qu'il souhaite à l'autre.
La jeune femme se mordit la lèvre. Ce jeu pouvait lui apporter des bénéfices, mais elle ne voulait pas répondre à certaines questions.
-Et bien sûr, tu es obligée de répondre la vérité.
Elle posa son regard sur les galets puis sur le lac. Tandis qu'il se penchait sur elle pour souffler, ses yeux noirs contrastant avec le rosé du ciel :
-Alors ? Partante ?...
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Une onde sur l'eau. Puis une deuxième. Sous le regard satisfait et vainqueur d'Émilie.
-Je peux te poser une question ! s'exclama-t-elle à Aaron, qui se trouvait près d'elle.
Ils étaient debouts devant l'eau lisse, et noire. Malgré le soleil couchant, ils percevaient encore parfaitement bien les alentours.
-Vas-y, fit-il avec un sourire forcé.
-Pourquoi as-tu attaqué ma tribu ?
Il sembla étonné de sa question.
-Eh bien... Pour devenir le Roi des espèces ?
À sa plus grande surprise, Émilie se pencha jusqu'à lui et souffla à deux milimètres de ses lèvres :
-Menteur.
Son regard noir plongea dans celui, doré, de sa jeune âme-sœur, et il serra inconsciemment les poings.
-Qui te dit que je mens ?
-C'est moi qui pose les questions ici, remarqua-t-elle avec un beau sourire.
Il fronça les sourcils.
-Élijah t'a dit...
-Élijah ne m'a rien dit. Personne ne m'a rien dit. Je sais juste que c'est faux.
-Mais qu'est-ce qui te dit que c'est faux ?! s'énerva-t-il, en se détournant d'elle.
Elle n'ouvrit pas les lèvres, gardant simplement son regard fixé sur le Roi, qui savait pertinemment qu'elle attendait sa réponse et qu'elle ne le lâcherait pas s'il ne disait rien. Car il savait qu'elle savait que le fait de vouloir devenir Roi des espèces n'était qu'une demi-excuse.
Alors il serra les lèvres. Puis au plus grand étonnement d'Émilie, il sourit, tout en répondant :
-Je cherche juste à me venger de quelqu'un.
Puis il se mit en quête du galet parfait.
-Mais... Mais qui ?
Il sourit de plus belle.
-On avait dit une question par personne, ma douce Émilie.
Elle rougit, à la fois avec le surnom qu'il lui avait donné, mais aussi avec colère.
-Mais dis-moi !
-Tu poses la question que tu veux après avoir réussi un autre coup.
Ce fut à son tour de devoir maîtriser sa colère, mais elle attrapa un nouveau caillou sur le sol.
Aaron lança le sien.
Raté.
Elle sourit et jeta le sien.
Un. Deux. Trois.
Gagné.
-De qui tu veux te venger ?
-D'un homme.
Il attrapa une nouvelle pierre.
-Tu ne réponds que le strict minimum ! s'exclama-t-elle.
-On n'a jamais dit qu'il fallait argumenter ses réponses, répliqua-t-il, le regard suivant la trajectoire après son nouveau lancer.
Encore raté.
Elle soupira et jeta la sienne, qui coula directement.
Raté.
Il réitéra son geste.
Raté.
De même pour elle.
Puis cette fois-ci, le galet d'Aaron fit deux ricochets sur l'eau plate.
-Gagné, fit-il avec un sourire tandis qu'elle se crispait, déjà en garde contre la question qui allait débarquer. Pourquoi tu ne veux pas te transformer ?
Elle baissa les yeux, puis décida de jouer au même jeu qu'Aaron :
-J'ai un problème avec mon ange.
Et elle lança sa pierre qui ne fit qu'un rebond. Celle d'Aaron n'en fit ensuite aucun. Elle relança. Deux sauts.
-Comment tes parents sont morts ?
Sa question était partie toute seule. Sans qu'elle ne maîtrise quoi que ce soit. Ce n'était pas la question qu'elle voulait poser même si elle était une de celles qu'elle voulait poser !
Elle se décida à demander l'identité de ce mystérieux ennemi au prochain tour.
Aaron garda longtemps le silence. Quelques secondes en fait. Mais qui apparaissaient comme des minutes pour la jeune femme.
-Ils sont morts lors d'une attaque.
Et il lança la sienne avant qu'Émilie ne puisse comprendre sa phrase.
-A moi. Quel est le problème avec ton ange ?
Elle réfléchit à une phrase courte et efficace, mais les mots lui manquaient. Aaron avait tourné sa question de sorte qu'elle ne puisse se détourner de son objectif.
Elle serra les dents, son cerveau tournant à trois cents kilomètres par heure. Si elle mentait le remarquerait-il ?
-Oui.
Elle leva vivement son regard vers lui. Il avait encore écouté ses pensées ; ça faisait longtemps !
-J'arrête de jouer.
-Tu n'as pas le droit avant d'avoir répondu à ma question, déclara-il avec un sourire satisfait collé au visage.
-Je fais ce que je veux. Et puis qui a dit que je n'avais pas le droit ?
-C'est dans les règles, Émilie...
Elle se retourna en jetant :
-Je veux pas répondre. On rentre.
Il croisa ses bras, et s'adossa à l'arbre, montrant qu'il ne partait pas sans sa réponse.
-Je peux rentrer seule tu sais ? le provoqua-t-elle.
-Ah oui ? Alors vas-y.
Elle fit le tour d'elle-même, cherchant un passage familier. Et alors elle se rendit compte qu'elle ne connaissait en fait pas le chemin du retour.
-Ramène-moi à la maison, Aaron !
-Non. Pas avant que tu répondes.
Elle serra les poings.
-Pose une autre question. N'importe laquelle.
Il sourit.
-Très bien. Qui est le démon en toi ?
Elle trembla. Ses yeux se vidèrent soudainement de toute émotion.
Comment... Comment pouvait-il savoir ?!
-Je ne vois pas de quoi tu parles...
Son sourire ne quittant pas son visage, il s'approcha d'elle jusqu'à ce qu'il la domine totalement de sa taille.
-Menteuse.
Elle serra les poings. Il avait retourné son jeu contre elle.
-Une autre question, imposa-t-elle.
Il était désormais à deux centimètres d'elle.
-La dernière alors. Tu es obligée de répondre à l'une de ces trois questions.
-L'avant-dernière.
-Très bien, obtempéra-t-il. L'avant-dernière. Et après, tu seras obligée de répondre à l'une des quatre.
Elle hocha la tête. Son cœur battait vite. Beaucoup trop vite.
Il était trop proche.
Il était trop puissant pour elle.
Il la tenait, sans même le savoir.
Il était son désir interdit. Son objectif inatteignable. Son obsession secrète.
Mais il ne le savait pas.
Et il ne le saurait jamais.
-Est-ce que...
L'Alpha se coupa en pleine phrase, peu sûr de lui. Comme si... s'il avait peur de la réponse qu'elle pouvait lui offrir.
-Est-ce que ?...
Son regard à elle déviait désormais sur les lèvres qui se trouvaient désormais à à peine quelques centimètres d'elle.
Aaron sentit un désir fulgurant l'empoigner comme une force invicible.
Il posa sa main sur la mâchoire de la femme qu'il aimait tant. De la femme qui était sa raison de vivre.
Car elle l'était.
Elle était trop proche.
Elle était trop puissante pour lui.
Elle le tenait, sans même le savoir.
Elle était son désir éternel. Son objectif impérissable. Son obsession immortelle.
Et elle ne le savait pas.
Mais elle le saurait un jour.
Il pencha sa tête pour se rapprocher de ses lèvres roses et douces comme de la soie.
-Est-ce que... Est-ce que tu m'aimes ? souffla-t-il, alors qu'il fermait déjà les yeux, en unissant leurs lèvres.
Voilà pour ce chapitreeeeeee ! Désolée, il n'est pas extrêmement long, mais j'espère qu'il vous a tout de même plu !
Place au prochain !