-Je suis content que tu te sois réveillée. J'ai hâte qu'Aaron reprenne ses fonctions car je suis à bout. Je ne sais pas comment il fait pour gérer tous les loup-garous et les autres espèces en même temps !
La jeune femme éclata de rire.
Et au même moment, son cœur se mit à accélérer violemment en elle.
Ils entendirent alors une porte claquer, les escaliers grincer si fort qu'ils se croiraient devant un orchestre, et Aaron apparut dans l'embrasure de la porte, exténué. Et torse nu.
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Juste un regard.
Juste un regard pour qu'elle se sente enfin complète.
Juste une approche.
Juste une approche pour que son cœur vive à nouveau.
Et enfin, juste un mot.
Juste un mot pour que ses couleurs reviennent une bonne fois pour toutes.
Juste un mot :
-Émilie...
Mot prononcé d'une voix brisée, comme si une corde vocale s'était brisée. Brisée sous la violence d'un regard profond.
D'un regard muet.
Pendant plusieurs dizaines de secondes. Se déroulant comme des minutes interminables, durant jusqu'au bout de l'infini.
Pendant plusieurs dizaines de secondes précieuses. Pour eux deux.
Ils en avaient besoin.
De ce regard.
Dont ils se souviendraient toute leur vie.
De ce regard brûlant... De ce regard magnifique.
De ce regard étincelant. De ce regard suffisant à lui-même.
Car ils étaient là.
Enfin là...
Après des semaines...
... et des semaines...
De souffrances.
Infinies.
Destructrices.
Émouvantes.
Ils étaient enfin là. Là où ils devaient être. Pour leur bonheur. À tous les deux.
Et sans interrompre ce regard vide d'émotion mais ce regard puissant, ravageur, Aaron s'approcha doucement.
Émilie secoua la tête et détourna le regard vers le bas. Ce qu'elle regretta presque immédiatement, puisque son regard atterrit sur ses abdos.
Elle rougit violemment. Inès n'avait pas menti. Il avait le plus beau corps de dieu grec qu'elle n'avait encore jamais vu de toute sa vie. Et ça lui allait à merveille. Comme ces cheveux noirs en pagaille. Et ce regard noir de braises ardentes.
Et puis...
"Je t'aime"
Elle détourna son regard, oubliant le jeune homme à moi de cinq mètres d'elle.
"Je t'aime"
Elle posa son menton sur ses genoux en soupirant, son regard ne déviant pas de la vue extérieure.
Elle ne voulait pas lui parler. Plus lui parler. Désormais qu'elle l'avait vu, elle se sentait mieux. Et ça s'arrêtait là. Rien de plus. Jamais plus. Ça suffisait. Simplement sa vue. C'était parfait.
Parfait étant donné que cette phrase se répétait comme un écho en elle.
"Je t'aime"
Elle soupira à nouveau, en entendant Damien et Inès sortir de la chambre.
"Je t'aime"
Elle serra les dents.
"Je t'aime"
"Oh ta gu*ule !" s'écria-t-elle dans sa tête.
-Émilie ?...
Elle frémit au ton de sa voix et encore plus quand il s'asseya au bord du lit, à sa droite.
-Émilie ?...
-Arrête.
Elle se leva et lui tourna le dos.
-Qu'est-ce que tu veux ?
Un silence s'installa.
-Toi. C'est toi que je veux.
-Sauf que c'est pas moi que tu vas avoir. Alors dégage.
-Plus jamais !
Elle serra les lèvres, toujours dos à lui.
-Tu m'entends ?! Plus jamais !
Il s'était levé et elle pouvait désormais sentir son souffle sur sa nuque. Son échine se hérissa alors qu'elle fermait les yeux à temps pour sentir une nuée de papillons l'empoigner de toutes parts.
-Plus jamais je ne te forcerai à quelque chose. Plus jamais je ne te ferai du chantage avec ton peuple. Plus jamais je ne te ferai de mal...
Elle essuya discrètement les larmes qui perlaient au bout de ses cils blonds. Et sentit alors un doigt rugueux se poser sur sa joue avec une douceur qui la fit frissonner.
-Tu m'entends Émilie ?
Elle se retourna doucement vers lui, son regard à nouveau plongé dans le sien, puis baissé sur le peu de sol qu'il restait entre eux.
Et alors tout près de son visage, il souffla :
-Je ne te ferai plus jamais de mal...
La jeune femme sentit son cœur tressauter en elle, et ses yeux rencontrèrent les siens. Noirs. Sans expression. Mais brûlants comme un volcan. Volcan qui l'enflammait à chaque fois qu'elle rencontrait ce regard ardent.
-Je te le promets...
Elle ferma les yeux pour retenir ses larmes.
-Tu me fais du mal.
Un silence s'installa et elle n'osa pas ouvrir les yeux pour le regarder.
-Tu me fais mal dès que je te vois. Et dès que je ne te vois pas. Tu me fais du mal dès que tu es proche de moi, et dès que tu ne l'es pas. Tu me fais du mal dès tu me parles, et dès que tu ne me parles pas...
Ils n'était plus que séparés par deux centimètres.
-Alors je fais comment ? Hein, je fais comment ?
Il apporta sa main à son visage et essuya les larmes qui venaient de couler subitement.
-Tu m'aimes. Tu m'aimes et c'est tout.
Et il l'attira à lui pour poser ses lèvres sur les siennes, charnues, qui lui avaient manqué pendant des semaines et des semaines interminables. Pendant des semaines et des semaines où il avait passé ses journées, ses heures et ses minutes à contempler de simples photos sur son ordinateur.
Le baiser était cette fois-ci doux, sans vouloir d'aller plus loin. Il voulait juste lui montrer que tout ce qu'il voulait c'était elle pour elle, et non pour son corps. Juste elle. Et juste lui. Ensemble. Sans obstacle qui puisse les séparer.
Elle se ressaisit pour ne pas perdre le contrôle de ses pensées et l'éloigna d'elle, en s'écriant :
-Je ne veux t'aimer !
-Mais pourquoi ? demanda-t-il doucement sans détacher son regard incendiaire d'elle.
-Je ne veux pas t'aimer alors que mon peuple est condamné à la prison. Je ne veux pas t'aimer à cause de ça !
Elle débordait de rage et de colère. Contre tout le monde. Pas seulement contre lui, mais contre le monde entier. Contre ceux qui faisaient souffrir les autres. Librement. Sans raison. Ni pitié.
-Je ne veux pas t'aimer alors que mon peuple est humilié jusqu'à être dans une de tes prisons depuis des mois, alors qu'ils n'ont rien fait !
Aaron resta immobile, impassible. Seule une nouvelle lueur éclaira son regard. Une lueur qu'Émilie n'aperçut pas éclore dans un fond noir d'émotions.
-Je ne veux pas aimer un homme qui enferme des innocents pour avoir ce qu'il veut !
Elle ne quittait plus son regard noir, tentant de déchiffrer une once de culpabilité en lui. Mais rien. Absolument rien.
La colère l'occupant rageusement, elle le repoussa brutalement et alors qu'elle posait sa main sur la poignée de la porte, sa voix virile résonna dans la chambre, l'immobilisant en pleine action.
-Alors c'est ça le problème...
Elle se retourna son cœur battant la chamade sans qu'elle ne sache pourquoi.
-Put*in, je suis c*n !
Il se tourna les talons vers elle et rencontra son regard incompréhensif.
-Si c'est le seul moyen de t'avoir... Put*in quel c*on je suis ! Mais quel c*n je suis !
Et il passa à côte d'elle par la porte en dévalant les escaliers.
La panique commençant à s'emparer d'elle, elle se précipita pour le suivre.
-Aaron ! Aaron ! Qu'est-ce que tu fais ?!
Et il sortit de la maison en claquant la porte, qu'Émilie réouvrit pour le voir presque courir jusqu'à la bâtisse de pierre.
-AARON ! hurla-t-elle en le suivant, les larmes dévalant le long de ses joues.
Elle craignait le pire... Il allait encore leur faire du mal...
Il n'avait pas changé.
Elle hurla son prénom, des larmes de rage dévalant ses joues.
-AARON !
Elle le rattrapa dans l'escalier de pierre conduisant au sous-sol et le retourna violemment vers elle.
Et ce qu'elle découvra sur son visage la cloua sur place.
-Aaron ?...
Des larmes.
Il y avait des larmes sur son visage.
Il pleurait.
Voilà pour ce chapitre ! Place au prochain !