La silhouette se baissa et sembla lui déposer un baiser sur le front, qu'Émilie ne sentit pourtant pas.
Puis Suzanne s'éloigna en reculant doucement, sans retirer ses yeux d'elle.
-NONNNNNNNNNNNNNNNNNNN ! hurla Émilie avalée par la lumière ramenant à la vie, alors que ses larmes déchiraient son visage.
Et la dernière chose qu'elle vit avant de perdre connaissance fut le doux sourire de sa mère défunte, qu'elle quittait à nouveau, et pour toujours.
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Une semaine plus tard
-Dis-le moi.
La victime gémit en sentant la main de l'Alpha se resserrer sur sa gorge.
-DIS-LE MOI ! hurla le Roi des loup-garous, en broyant les cordes vocales du vampire devant lui.
-Atlanta...
-Parfait.
Le vampire soupira de plaisir quand le Roi le relâcha, sauvé d'une mort certaine. Du moins, il le croyait. Jusqu'à ce que le loup-garou lui rompe le cou d'un coup sec. Il tomba alors inerte sur le sol.
-Aaron...
-Vos gu*ules.
Il partit de la cellule, les mains tâchés de sang vampirique, et sortit du sous-sol où la mort était respirée à plein nez.
Il gravit les marches de sa maison, et entra dans sa chambre.
Son regard tomba sur la jeune femme endormie sur son lit, des centaines de câbles plantés dans sa peau.
Puis il se regarda, lui. Habillé de noir. Trempé de sang.
Il avait honte. Il avait honte de se présenter devant la personne qu'il aimait dans cette tenue. Et ça le détruisait.
Parce qu'il était un monstre. Et elle, un être pur.
Il s'enferma sauvagement dans la salle de bain, et l'eau chaude sur sa peau froide de sueur le réconforta.
Mais pas pour longtemps.
Il se mit à frapper le mur qui trembla sous sa charge.
-Quel conn*rd je suis. Mais quel CONN*RD JE SUIS !
Il sentit ses larmes couler le long de son visage, larmes qui se mélangèrent ensuite à l'eau douce et brûlante.
"Elle n'aurait pas voulu que tu te conduises comme ça"
Aaron serra les poings en entendant la voix de la Déesse dans sa tête.
"ELLE N'AURAIT PAS VOULU QUE JE SOIS SON ÂME-SŒUR !"
Zelda ne répondit rien, tandis qu'il sortait de sa douche.
"Pourquoi ?! Hein pourquoi ?! Pourquoi est-ce que tu me l'as donnée comme âme-sœur ?! Hein ?! Pourquoi ?!"
"Parce que c'est la seule à pouvoir détruire le monstre en toi."
"Elle ne le pourra pas. Elle ne le pourra pas, parce que je suis né monstre. C'est ma nature. D'être un tueur. Un conn*rd."
Zelda se mit à rire dans sa tête tandis qu'il s'habillait.
"Oh non, oh non, tu n'es pas né comme ça. Tu étais un gentil petit garçon, adorable, puissant, juste. Je ne regretterai jamais de te l'avoir donnée pour âme-sœur. Ton amour pour elle ne fait qu'augmenter de jour en jour, et bientôt, elle trouvera comment faire disparaître le démon qui est en toi. Et au passage le démon qui est en elle."
Aaron s'immobilisa.
"Quel démon ?! DE QUEL DÉMON TU PARLES, M*RDE ?!"
Zelda ne répondit pas.
"ZELDA ! QUEL DÉMON EN ELLE ?! RÉPONDS !"
Il frappa dans le carrelage de la salle de bain.
"Aaron, tant que le sentiment qui t'habitera à cause de son coma sera la colère, la rage envers toi-même, elle ne se réveillera pas. Et si pour que ta colère se transforme en un autre sentiment, tu as besoin d'une année, elle restera ainsi une année."
Aaron serra les dents.
"QU'EST-CE QUE TU VEUX QUE JE RESSENTE D'AUTRE QUE DE LA RAGE ?! TOUT ÇA, C'EST DE MA FAUTE ?! TU M'ENTENDS ?! C'EST DE MA FAUTE !"
Il s'agenouilla sur le sol, les mains cachant son visage.
-Tout ça, c'est de ma faute, murmura-t-il, les sanglots secouant son corps épuisé.
Deux semaines plus tard
Un coup. Deux coups. Trois coups.
La sueur s'écoulait de son front, de son torse.
Taper. Taper. Taper encore. Jusqu'à souffrir. Souffrir comme elle avait souffert. Souffrir comme le monstre qu'il était le méritait. Souffrir à jamais.
Il jeta ses gants de box à terre et sortit de la salle sans même regarder ses amis quand il passa devant eux.
-Aaron...
Il sortit sur le perron et se transforma, laissant ainsi place à Satan. Il parcourut les bois buissonneux sans même regarder où il allait, au risque de percuter un arbre. De toute manière, il le méritait.
Il cherchait juste à courir, à aller le plus loin possible de là, le plus loin possible de son corps inconscient depuis plus de trois semaines, à aller à un endroit où il ne pourrait plus lui faire de mal. Plus jamais.
Il finit par s'arrêter au bout de quelques heures de course effrénée, et reprit contrôle de son loup, puis observa les environs. Il était très loin de son territoire. Ça, il pouvait en être sûr.
Puis il leva son regard sur la colline qui se dressait devant, comme toute puissante. Toute puissante, comme pouvait l'indiquer le chêne gigantesque qui y trônait, couvrant de son ombre toute la prairie.
Mais ce n'était pas cet arbre qui attirait l'attention du Roi. Loin de là. C'était plutôt les deux croix adossées à l'arbre en fleurs.
Quel endroit paradisiaque pour y mémorer la mémoire de deux défunts.
Il s'approcha alors, comme hypnotisé, et les inscriptions sur la pierre le firent se figer. Il se détransforma, devenu muet par le choc. Et il se laissa tomber à genoux devant les deux croix sur l'herbe verte de bonheur, les larmes déchirant son visage.
-Ce ne peut pas... ce ne peut pas être...
-Bonjour Aaron...
Il s'immobilisa. Il ne se retourna pas. Il ne se retourna pas, car il avait reconnu cette voix.
Et soudain... une bribe de phrase... ressortie du passé lointain qu'il avait viré de sa vie... Prononcée par cette voix...
"Ils auront le plus bel emplacement du monde, comme ils le méritent. Je te le promets."
Les yeux grands ouverts, face aux deux tombes, il ne se retourna pas. Il ne souhaitait pas se retourner.
-Bonjour Aaron, répéta la voix de son oncle derrière lui.
Il n'ouvrit pas la bouche pour lui répondre. Du moins, c'est ce qu'il croyait ne pas faire, avant qu'il entende sa voix rayer le silence merveilleux de cette prairie :
-C'est ici...
Juste un souffle. À peine audible.
-C'est ici que tu l'as enterré...
-Oui, c'est ici, Aaron... C'est ici que je l'ai enterré... À l'endroit exact que je t'avais promis.
Aaron posa ses mains sur son visage, anéanti, effondré.
-Il aurait été fier de toi...
Une main se posa sur son épaule nue.
-Ton père aurait été fier de toi.
-C'est faux, lâcha Aaron. C'est faux...
Il se redressa enfin et tourna les talons vers le frère de son père.
-C'est faux, car je n'ai pas été capable de rendre ma propre âme-sœur heureuse, à cause de ma stupidité, de mon aveuglement. Je l'ai fait souffrir... Et elle ne le méritait pas. Elle n'a rien fait pour le mériter...
Son oncle garda un visage impassible, alors que les deux hommes s'inspectaient l'un l'autre.
Frantz n'avait pas beaucoup changé, malgré les années passées : cheveux bruns un peu grisonnants, yeux bleus.
Il ressemblait toujours à son père. Il était son clône. Il l'avait toujours été. Parce qu'ils étaient jumeaux.
Aaron se retourna à nouveau. Il ne voulait pas le voir. Il avait l'impression de regarder son père. Et ça lui faisait mal. Même s'il savait qu'il le méritait. D'avoir mal.
Comme Émilie avait eu mal...
Le silence établi dura quelques minutes, avant que Frantz ne l'interrompisse doucement en se plaçant aux côtés de son neveu :
-C'est beau, n'est-ce pas ?
Aaron ne répondit pas, son regard fixé sur les deux croix.
-James serait fier de toi, répéta-t-il. Et Ilaria aussi.
-Non.
Frantz lui jeta un regard attristé, mais Aaron ne daigna pas le rencontrer.
-Aaron...
-Non, ils ne le seraient pas. Je n'ai même pas été capable de ramener le corps de ma mère près de mon père. Je n'ai pas su m'occuper de mon âme-sœur, ni de ma meute...
-Chaque Alpha fait des erreurs. Chaque Roi fait des erreurs. L'erreur est universelle. Personne n'y échappe.
Aaron garda de nouveau le silence.
Silence qui dura une dizaine de minutes.
-Merci.
Frantz ouvrit grand les yeux, stupéfait.
-Merci de les avoir placés à cet endroit magnifique.
Le quinquagénaire tourna sa tête brune vers lui.
-Je ne sais pas si ce sont les années ou si cette fille, mais tu a changé, Aaron.
-Je suis et serai toujours le monstre craint par tous les peuples, Frantz.
Son interlocuteur éclata de rire.
-Je suis un monstre Frantz. Je t'ai viré de la meute il y a dix ans, je te rappelle. Et tu es toujours aussi... chaleureux avec moi... Pourquoi ?!
Aaron baissa la tête vers le sol, vulnérable.
-Alors que je t'ai complètement jeté dehors, malgré le fait que tu m'avais aidé durant toute mon adolescence à faire mon deuil...
-Je ne t'en veux pas, parce que je comprends la raison pour laquelle tu as fait ça. C'est la même que celle pour laquelle tu refuses de me regarder en ce moment même.
Aaron frémit et ferma les yeux, les poings serrés.
-Je ressemble trop à ton père, n'est-ce pas, Aaron ?
-Oui, soupira l'Alpha.
-J'en suis flatté à vrai dire. Aaron. J'admirais mon frère, comme je t'admire toi. Je sais que pour tout ce que tu as fait, tu avais une raison. Et moi, je n'en ai aucune qui me permettent de te détester.
Un nouveau silence s'installa.
-Pour ce qui est de tes erreurs, rien n'est trop tard. Tout le monde peut rattraper ses erreurs, petit Aaron.
L'Alpha éclata de rire pour la première fois en trois semaines.
-Ça fait longtemps que l'on ne m'avait pas appelé comme ça.
-Je sais. Et je sais aussi que tu peux rattraper tes erreurs, Aaron. Non seulement avec ta meute, mais aussi avec Émilie.
-Comment tu...
-Je sais tout Aaron, fit Frantz avec un clin d'œil. Maintenant va.
Aaron le remercia et s'apprêta à partir quand son regard se posa une dernière fois sur la tombe de son père.
James Parker
27 octobre xxxx - 20 novembre xxxx
R.I.P
Ilaria Parker
12 août xxxx - 20 novembre xxxx
R.I.P
Il s'agenouilla et caressa la croix dédiée à sa mère. Et, sans enlever sa main de la pierre froide, il regarda celle de son père.
-Je te jure Papa que je te ramènerai le corps de Maman, et que vous serez enfin en paix tous les deux. Pour toujours et à jamais.
Il tourna les talons, se transforma et déclara à son oncle :
-Si tu souhaites réintégrer la meute, la porte est ouverte, mon oncle.
Et il courut jusqu'au bas de la colline où il poussa un hurlement, tandis que Frantz lui faisait un adieu de la main. Enfin, il posa un regard sur les croix.
"Va... mon fils"
Il trembla quand la voix de son père résonna en lui.
Il se retourna et se précipita dans les bois, direction chez lui.
C'est alors qu'une bouffée de chaleur ennivrante le parcourut, chassant toute sa tristesse, sa rage de l'instant passé.
Un parfun exquis arriva jusqu'à son museau, faisant tambouriner son cœur dans sa poitrine, tel un gong.
-Émilie...
Il le savait. Il le sentait. Qu'elle était à nouveau là. Qu'elle était enfin réveillée.
La vue de son magnifique sourire apparut dans son esprit, et il accéléra l'allure jusqu'à chez lui, à une vitesse à laquelle il n'était encore jamais allé.
Il ne lui ferait plus de mal. Il ne serait plus jamais la cause de ses larmes.
Plus jamais.
Il se le jurait.
Pour toujours. Et à jamais.
Voilà pour cet extrêmement long chapitre (presque 2000 mots), mais bon c'est cadeau 😂😂😂. Vu comment je suis diabolique avec vous, vous avez le droit à un peu plus de lecture. Pour une fois 😁😁😁.
À bientôt !