Émilie retint sa respiration jusqu'à entendre une porte se fermer au-dessus de la cuisine, et elle s'accorda enfin de respirer correctement.
-On fait quoi ?
-Si Aaron a appelé Amy, déduit-elle en se rinçant les mains, c'est qu'il ne peut pas nous gérer en même temps que sa réunion. Et je pense qu'il sera trop concentré pour nous sentir sortir de cette foutue maison.
Elle s'essuya les mains.
-Il faut y aller avant qu'Amy arrive, mais sinon, nous n'aurons pas le temps... Alors, je propose un truc... Inès, es-tu prête à jouer à cache-cache ?
***************************************************************
La jeune fille souffla. Elle arpentait la pièce plongée dans le noir sur la pointe des pieds, et s'arrêta en entendant des bruits de pas s'approcher.
Allez Émilie...
Elle atteignit la fenêtre qu'elle ouvrit dans un silence absolu. L'air s'engouffra dans la salle et elle ferma les yeux, happée par ce souffle de liberté.
Ça faisait du bien.
Elle s'assit sur le bord de la fenêtre et, après une inspiration hachée, elle se laissa tomber du troisième étage. En pleine chute, elle déploya ses ailes blanches aux contrastes dorés et s'envola sur quelques mètres, avant de se poser enfin sur l'herbe verte. Ça lui faisait bizarre... Sûrement parce qu'elle ne l'avait pas touchée depuis plusieurs jours.
Elle entendit un cri de hibou et sourit. Malgré la nuit noire, elle se dirigea vers sa source et leva la tête vers une fenêtre sur laquelle Inès était assise.
-Tu peux m'aider ? chuchota-t-elle, les mains en forme de cercle autour de sa bouche.
Émilie hocha la tête, et décolla à nouveau. Elle prit Inès dans ses bras et redescendit sur la terre ferme.
-Ouah ! ne put s'empêcher de s'exclamer Inès, émerveillée.
-Chut ! hurla la jeune femme en chuchotant.
-Oups ?
Émilie rentra ses ailes dans son dos, et elles se mirent à courir au milieu de la nuit noire. Inès, de sa capacité de louve, les guida jusqu'aux cachots avec ses yeux nocturnes.
Le jeune femme allait s'élancer à l'intérieur, quand le bras d'Inès la ramena en arrière, si violemment qu'elle s'écroula derrière un buisson. Elle allait rouspéter quand une main se posa sur sa bouche. Celle d'Inès, qui murmura :
-Fais attention, il y a des Gammas. Il ne faut pas qu'ils nous prennent, sinon c'est mort les retrouvailles avec ton Taylor.
Émilie sourit et constata en effet qu'un homme à la carure imposante faisait la ronde.
-On fait quoi ?
-J'ai une idée...
Inès se saisit d'un caillou à côté d'elle et le balança contre un arbre. L'homme, étant un loup, l'entendit et se dirigea vers l'emplacement où le caillou avait provoqué un bruit.
Inès s'élança d'un coup dans la bâtisse en tirant Émilie par le bras. Elles descendirent l'escalier de pierre, et coururent le long des cellules, ignorant les paroles que prononçaient les prisonniers.
Émilie arriva devant la cellule des anges, et croisa le regard de son père, qui vint promptement à sa rencontre.
-Émilie ! J'étais sûr que tu viendrais ! Joyeux anniversaire, ma fille.
La jeune femme laissa couler ses larmes et prit son père dans ses bras, malgré les barreaux de fer qui les séparaient.
-Je t'aime tellement Papa...
-Moi aussi, ma chérie.
Ils échangèrent une nouvelle étreinte et le Roi des anges déclara qu'il allait prévenir les autres qu'Émilie était là. Mais celle-ci le retint.
-Non Papa, je n'ai pas le temps. Je dois aller voir Taylor...
Son père hocha la tête et l'embrassa avant qu'elle ne s'échappe un peu plus profondément dans le souterrain.
-Tu sais où se trouve sa cellule ? demanda Inès sans cesser de courir.
-Oui.
Elles tournèrent plusieurs fois, tantôt sur la gauche, tantôt sur la droite, et s'accordèrent enfin un temps de repos après un énième virage.
-En fait, tu connais le chemin par cœur ! Comment ça se fait ?
-C'est trop long... à expliquer... mais Taylor... fait partie de ma tribu... Je le sens au fond de moi...
Inès étant une louve, elle n'avait presque rien à dépenser à courir, à part le fait de s'adapter à la vitesse bien lente de son amie.
Elles reprirent leur course contre la montre. Bientôt, Amy se rendrait compte qu'au lieu de se cacher dans la maison dans le but d'être trouvées, elles s'étaient réellement enfuie de celle-ci.
Enfin, Émilie ralentit, au tournant d'un dernier virage, emprunté un peu trop vite.
Elle marcha doucement jusqu'à une cellule plongée dans l'ombre et sursauta quand la cellule à sa droite s'éclaira d'elle-même.
Des capteurs, devina-t-elle, en battant des cils, aveuglée par la lumière blanche.
Enfin, elle distingua une silhouette qui s'approchait.
-Émilie ?!
-Taylor ?
Elle laissa échapper ses larmes, et enfouit sa tête dans le cou de son petit-ami.
Ils s'étreignirent un long moment, sans dire quoi que ce soit. Ils savouraient juste leurs retrouvailles après une separation brutale.
-Attends, Émilie, éloigne-toi, je vais ouvrir la cellule, déclara Inès.
Elle s'approcha d'un carré contre le mur tandis qu'Émilie obéissait, tout en gardant ses doigts emmêlés ceux de Taylor.
-Il faut un code à quatre chiffres, constata-t-elle, désespérée.
-Ne t'inquiète pas, je crois que je le connais... C'est le même pour toutes les cellules, la rassura la jeune femme.
Elle appuya sur des boutons et après une seconde qui passa comme une heure, on entendit un déclic, et Émilie put ouvrir la porte.
-C'est l'anniversaire d'Aaron, le code. Facile à deviner, non ?
Inès sourit au couple, puis s'éloigna pour leur laisser de l'intimité.
-Émilie...
La jeune femme se colla contre lui, et caressa ce visage qui avait si souvent fait battre son cœur.
D'ailleurs... C'est drôle... Le rythme des battements de ce dernier étaut régulier, calme, et plus affolé comme avant, quand elle détaillait l'amour de sa vie.
Elle ne s'était pas rendu compte que cette pensée l'avait figée.
Taylor se dégagea doucement, et baissa la tête.
-Je ne suis pas beau voir, n'est-ce pas Émilie ?...
-Non ! Ne dis pas ça ! C'est faux ! Tu seras toujours le plus beau les yeux.
Menteuse, fit-elle à elle-même. Aaron était bien plus beau, et elle ne pouvait pas le nier.
Inquiète de ne pas sentir son corps battre comme avant, inquiète de sentir la triste réalité et vérité s'afficher dans son esprit avec de la colle forte, elle souffla, anxieuse :
-Embrasse-moi, Taylor...
Il la regarda, indécis.
-Embrasse-moi !
Et elle le tira à elle, et posa fiévreusement ses lèvres contre le siennes dans un baiser effréné. Taylor répondit à celui-ci tout aussi franchement, lui montrant tout son amour, la serrant contre son corps.
Elle ne ressentait toujours rien. Et son cœur commençait à battre. Mais pas d'amour... De peur. Elle venait enfin d'avoir la réponse à tous ses problèmes. Elle s'éloigna brusquement.
Non, non, non. C'était pas possible ! Elle aimait Taylor !
Non, tu ne l'aimes plus. Ce n'est plus lui le maître de ton cœur, Émilie. Ce n'est plus lui. Mais un autre.
Elle frissonna, terrifiée, en entendant la voix de ses cauchemars.
-Embrasse-moi encore !
-Émi...
Mais elle repartait l'assaut, cherchant désespérément à découvrir la réalité qui l'animait, qu'elle espérait. Sa réaction.
Elle n'entendit pas les pas bruyants claquer contre le sol de pierre, ni l'appel désespéré et terrifié d'Inès.
Ils finirent par se détacher, et la jeune femme s'écarta brusquement, les yeux noyés de larmes. Elle ne l'aimait... Elle ne l'aimait plus !
Émilie sentit son cœur s'effondrer dans sa poitrine. Elle ne ressentait plus rien au contact de ses lèvres !...
Elle n'avait pas cru en la vérité. Et cette vérité était là désormais, évidente.
Ses larmes dévalèrent une bonne fois pour toutes le long de ses joues roses. Elle s'était promis de ne plus pleurer. Et elle pleurait. Car elle savait. Elle l'admettait enfin.
Elle ne l'aimait plus.
Elle n'aimait plus Taylor.
Elle se détacha de lui, dominée par les larmes.
-Taylor...
Mais quand elle releva la tête, elle s'aperçut qu'il ne la regardait plus. Elle tourna la tête dans la même direction, et poussa un hoquet de terreur en apercevant son âme-sœur pointant une arme à feu sur Taylor, les yeux si rouges qu'il en paraissait fou.
Et elle entendit la pire chose qu'elle pourrait entendre de sa vie... Elle entendit la mort...
Le son d'un pistolet qui giffle l'air.
Le son d'une balle qui se fraye un chemin dans la vie pour rejoindre la mort.
Voilà pour ce chapitre ! Place au suivant !
Et please, si vous avez deviné la suite... Ne me tuez pas ! 😭😭😭