Milan Lazsco : La Dette [E4 Q...

By DOOMWOOD

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Vous connaissez Milan. Il va, il vient... des fois il disparaît ; mais il revient toujours. Ce que je me dema... More

Préambule
Большая ледовая арена
Le Chat et la Souris
Brève rencontre
Irina Loubrovna
Série noire sur la glace
Radisson Lazurnaya Hotel
Pas de Corps - Pas de Meurtre
La Caverne
Les Sentinelles
Body Guard
Roman Benedict
Démêlés nocturnes
Darno Warren
Le Croque Mitaine
Le Refuge
Indices
Tourbillons
Le Faiseur de Tempête
Chien et Chat
Psy / Epsilon
Source de la Chance
L'Interrogatoire
Le Sacrifice de la Reine
Ennemi public
Bienvenue à bord
Duel psychique
Confidences
Le Plan
La Diagonale du Fou
Piégé
De Profundis
La Stryge
Le Clan de la Mer Noire
Un Loup dans la Bergerie
Le Fou du Roi
Le Conclave
Societas Arcanum
Vengeance et Rédemption
Le Spectacle continue
Les Sirènes
Pithékanthra
Voluptueuses Tentations
Faisceaux parallèles
La Source
Morgath
Irina
En Apesanteur
Haute Voltige
Rouge
A suivre

La Glace dans le Sang

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By DOOMWOOD



Janvier 2014
Nord Est de la Russie

L'hiver emprisonnait la nuit de ses longues griffes argentées. Dans le ciel, la lune blême dardait la surface glacée du lac Ladoga de reflets hypnotiques. Le murmure du vent soufflait dans un silence seulement rompu, parfois, par le bruit des branches craquant sous le poids de la neige ou le cri lointain d'un animal nocturne.

Nulle âme n'habitait cet endroit, s'il n'était, sur les rives du lac, un chalet aux murs en bois brut, contrastant avec la blancheur environnante. Une lueur chaude filtrait au travers de ses volets clos. Et sur le perron extérieur, une lanterne éclaboussait l'ombre d'une jeune silhouette assise sur des marches couvertes d'une fine pellicule de givre.

La jeune femme avait moins de vingt ans. Elle était vêtue d'un chandail épais, d'un anorak molletonné, sans manche, et d'un bonnet de laine coloré.

Elle acheva de lacer ses patins à glace et s'éloigna à pas prudents du chalet, en direction du lac. Ses lames de métal s'enfonçaient dans la neige rigide.


Lorsqu'elle prit pied sur la surface du lac, le froid piquant la fit frissonner. Des flocons de neige tombaient doucement, dans un ballet silencieux, conférant à la nuit une tonalité mystérieuse. Juste comme elle l'aimait.

La patineuse s'élança de quelques enjambées pour s'éloigner du bord. Son souffle se matérialisait par de courts traits de buée blanche, la glace crissait sous le métal de ses patins. Tout en admirant l'immensité du paysage, elle ne put s'empêcher de se remémorer cette légende... Pendant la seconde guerre mondiale, des chevaux de l'armée russe s'étaient enfuis vers le lac afin de fuir un incendie de forêt. En pénétrant dans l'eau, l'agitation de leurs crinières provoqua la solidification du lac, et ils se retrouvèrent prisonniers des eaux glacées.

La patineuse ignorait si cette histoire était vraie, mais s'imaginer un champ de bustes de chevaux pétrifiés de froid au coeur de l'hiver russe ne faisait qu'abreuver son imagination débordante.

Elle prit de la vitesse, dévoilant des capacités très supérieures à ce qu'un individu quelconque aurait pu décrire. Sa rapidité, son aisance, la fluidité de ses gestes, la perfection des courbes et de ses mouvements, tout concordait à la désigner comme une reine de la glace, tant en terme de grâce que de capacités athlétiques.


Au fur et à mesure qu'elle progressait, les arbres du rivage s'éloignaient, et la lueur des étoiles s'atténuait dans le ciel.

La surface du lac était si limpide qu'elle ressemblait à un miroir. Ni protubérance ni vaguelette ne venait assombrir sa texture. Seuls les flocons de neige aux myriades de branches étoilées venaient la parsemer, en se posant ci et là, délicatement.

Sur cette glace immaculée, les crissements à la fois cristallins et métalliques des patins de la jeune femme étaient autant de secousses qui se propageaient dans les profondeurs. En dessous, le monde était froid et silencieux. Dans ce royaume inférieur, qui paraissait être l'envers du décor au sein duquel évoluait la patineuse, régnait le sommeil, l'inertie. Nul souffle de vent, nul éclat de lune, nul cri d'animal, nulle lumière... si ce n'est, tout au-dessus, la fine surface argentée du lac, teintée par les lueurs de la lune.

La patineuse accélérait le rythme, jaillissant de plus en plus haut, plus vite et plus loin, comme pour se distancer elle-même. Seule face à sa propre vélocité, elle n'écoutait plus que son exaltation, sans se soucier de l'obscurité croissante ni des vents changeants.

Les chocs répétés de ses sauts se propageaient vers les strates inférieures du lac, dans les profondeurs de l'univers aquatique. La glace vibrait au rythme des figures qui s'entremêlaient en se succédant à une cadence de plus en plus vive. Sa performance entrait en résonance avec l'élément liquide, qui recueillait ses vibrations avec davantage de force et de précision chaque nouvel instant.


Soudain, un bruit étrange se fit entendre dans les méandres du lac. Un craquement sourd venu de loin qui se répercuta jusqu'à elle. La patineuse le ressentit plus qu'elle ne l'entendit, mais poursuivit sa folle virée sans s'en préoccuper.

Un craquement plus puissant que le précédent retentit alors. Un frisson parcourut la patineuse lorsqu'elle réalisa subitement l'existence de l'abîme sous ses pieds. Jusque là, elle n'avait fait que sillonner la surface du monde sans se douter qu'il existait une immensité de ténèbres en dessous.

Sans interrompre ses glissades, sans même perdre sa virtuosité, elle observa la glace avec une légère inquiétude. Cette surface brillante sous la lune était si sombre qu'on ne pouvait rien distinguer dans les profondeurs. Pourtant les deux secousses indiquaient l'existence de quelque chose. 

Mais quoi ? Une présence humaine semblait impossible. Ce n'était pas une fissure... le lac était trop froid, le climat trop rude, l'épaisseur de glace trop importante. Est-ce que cela pouvait être un animal marin ?

La patineuse connaissait son imagination débordante. Ces secousses auraient pu être une pure extrapolation de son cerveau. Mais lorsqu'elle vit les traces laissées sur la glace, elle comprit que ce n'était pas le cas.

Il s'agissait de ses propres traces en réalité. A cette différence qu'elles étaient d'une taille disproportionnée. A chacune de ses foulées, chacun de ses sauts, l'étendue gelée avait été profondément marquée. Décrivant un grand cercle pour revenir sur ses traces, la patineuse découvrit que ses patins avaient rayé la glace comme des lames de rasoir démesurées !

Un troisième choc survint alors des profondeurs. Cette fois il s'agissait davantage d'une ondulation que d'une fissure. Des secousses concentriques se répandaient à la surface du lac.

Subitement, la patineuse changea de perspective. Elle quitta les sentiers de la fantasmagorie pour une prise de conscience abrupte. Quelque chose de terrible était en train de se dérouler. Contournant le cercle de cicatrices laissées par ses patins, elle prit hâtivement le chemin du retour.

Seulement à ce moment elle réalisa quelle énorme distance elle avait parcourue, emportée par sa propre exaltation. Désireuse de fuir cet endroit effrayant, elle prit de l'élan. Sa vitesse s'accrut, en continuant de laisser derrière elle les profondes rayures de ses patins. 

A présent, la surface argentée semblait s'assombrir sous ses pieds, et la glace se déformer. Des crissements stridents de verre brisé retentissaient à la ronde, donnant l'impression que toute la surface du lac se fragmentait.

La terreur remplit le coeur de la patineuse. Son souffle s'accéléra, les traits blancs lancés dans l'air par sa respiration se multiplièrent. Son rythme cardiaque s'accroissait de plus en plus vite.

Elle évita une sorte de vague solide, une déformation du lac même, qui venait dans sa direction, puis accéléra encore le rythme. Son coeur semblait pouvoir lâcher à tout instant.

Mais le lac ne désirait pas la laisser fuir. Soudain, s'ouvrit une brèche devant elle. La patineuse prit son élan et bondit par dessus l'obstacle en laissant échapper un cri étouffé. Elle retomba de l'autre côté de la brèche, sur la glace distordue, en ne devant qu'à sa virtuosité de se réceptionner sans erreur.

Elle ne put s'empêcher de regarder derrière elle. La brèche avait formé comme un cratère à la surface. De l'eau en avait jailli pour se solidifier aussitôt dans les airs sous forme d'une myriade de pointes hérissées.

Partout, d'autres cratères surgissaient. Tandis que sous la surface, des ombres gigantesques ternissaient la blancheur de la glace. La patineuse comprit alors : le lac voulait la tuer ! Son esprit se mit à hurler, même si le manque de souffle lui interdisait de l'exprimer autrement. Et le rivage donnait l'impression de s'éloigner à mesure qu'elle avançait, réduisant ses efforts à néant. 

La patineuse comprit qu'elle n'aurait pas dû aller si loin. Une muraille constituée de piques de glace surgit soudain comme un rempart devant elle, barrant la route du retour. Elle dut virer brutalement.

A présent, le ciel lui-même avait pris une teinte sanguine. Comme si le décor idyllique du lac basculait subitement dans l'horreur.

Une autre muraille de glace surgit sur son second flanc. La jeune femme se mit à fuir à corps perdu coincée entre les parois de cet espèce de canyon qui se resserrait inexorablement sur elle.

Elle accéléra, le bout du tunnel en ligne de mire. Mais cette course, elle ne parvint à la remporter. La prenant de vitesse, l'étau blanc se referma sur elle dans un craquement d'une violence inouïe. Emprisonnée à l'intérieur des parois de glace, la patineuse cherchait désespérément une issue qui n'existait plus. Dans un coup de mâchoire brutal, le lac l'engloutit de son rugissement macabre.


C'est ainsi qu'elle fut retrouvée, le lendemain, au milieu de l'immensité blanche : à demi enfouie dans les eaux glacées, pétrifiée, écartelée entre deux mondes.

Seul son buste argenté émergeait encore de la surface, comme les chevaux du lac Ladoga, des décennies plus tôt : les cheveux dressés comme des fils de glace et un cri d'horreur à jamais figé en travers de son visage juvénile.




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