Je garde les yeux résolument rivés sur mon assiette à moitié pleine de légumes, le visage renfrogné. Je n'ai pas besoin de regarder Eren pour voir qu'il fait la même tête que moi. Mikasa et Armin nous fixent tour à tour, les sourcils froncés. Bien qu'ils meurent d'envie de demander ce qui se passe, aucun des deux ne va se risquer à poser la question qui est susceptible de faire éclater une dispute.
Je pousse un profond soupir. Évidemment, Eren a très mal réagit suite à me demande et nous avons tous les deux argués violemment. Depuis, nous ne nous parlons plus, chacun de nous campant sur ses positions.
Si ma dispute avec Eren avait été le seul hic, mon humeur n'aurait pas été aussi exécrable. Mais voilà, il se trouve que je suis convoquée dans le bureau d'Erwin, pour la deuxième fois en quelques jours. Et rien que cette convocation suffit à me rendre d'humeur plus massacrante.
Du coin de l'œil, je vois Levi et Hanji se lever. La jeune femme me fait de grands signes de bras, un sourire stupide aux lèvres. Je me lève à mon tour avant qu'elle ne crie mon prénom dans tout le réfectoire, prends mon plateau et le débarrasse avant de suivre mes supérieurs. Je fais un petit salut à Mikasa et Armin, Eren refusant de me regarder partir. J'ignore le fait que ça me blesse et sors du réfectoire.
Nous rejoignons Erwin à l'entrée des cachots. Je m'arrête, les sourcils froncés, mais ne pose aucune question, devinant que je n'aurais pas les réponses avant d'être arrivée là où on veut m'emmener. Avec un air renfrogné digne de Levi, je suis la petite troupe, silencieuse.
Ce n'est que lorsque nous arrivons devant une cellule renfermant Annie que je m'arrête, le cœur battant. J'hésite entre tourner les talons et hurler contre Erwin pour son idée stupide.
Je croise le regard froid d'Annie et renonce à agir. A la place, je la jauge aussi froidement qu'elle le fait, des bouffées de colère me submergeant de plus en plus à mesure que les secondes passent. Finalement, je me décide à parler.
-Bonjour, Annie. Tu as l'air bien installé, dis-moi.
La jeune fille émet un bruit bizarre, à mi-chemin entre le rire et le grognement. Elle est assise sur une chaise, les bras solidement liés derrière le dossier, les pieds attachés à ceux de la chaise, et fermement bâillonnée. Je prends un plaisir malsain à la voir dans la même position que moi il y a quelques semaines.
-Malgré nos efforts pour lui soutirer des informations, sa réponse reste toujours la même, explique Erwin, impassible. « Je ne parlerai qu'à Lise ».
J'hausse les sourcils, mi surprise mi soupçonneuse. Que cherche Annie ? Jusqu'ici, j'ai appris que le moindre de ses coups sont calculés, réfléchis.
-Oh ? fais-je, feignant un total étonnement. Vraiment ? Je suis touchée. Je ne savais pas que nous étions si proches.
La jeune fille me rend mon regard noir et je croise les bras. Je sens que m'amener ici n'était pas une bonne idée : je suis prête à lui sauter au cou, à lui arracher les yeux et à lui rendre la monnaie de sa pièce avec quelques intérêts. Je respire profondément, intimant à ma colère de se calmer. Je sais que tout le monde m'observe, particulièrement Hanji qui s'attend à ce que je m'effondre sans prévenir.
-Très bien, soupiré-je une fois prête. Je t'écoute.
Un garde caché dans l'ombre enlève le morceau de fer qui empêche Annie de parler. La jeune fille se lèche les lèvres, sans cesser de me fixer, et enfin me décroche un sourire qui pue l'hypocrisie à plein nez.
-Tu as l'air d'aller mieux, Lise.
-Ce n'est pas grâce à toi, répliqué-je, acide.
Annie baisse la tête, son sourire s'agrandissant, puis reporte son attention sur moi.
-As-tu appris des choses intéressantes durant ton coma ?
Je me retiens de me tourner vers les trois personnes derrière moi pour les fusiller du regard.
-Que veux-tu dire ? demandé-je.
-Oh, pas grand-chose. Mais il arrive souvent que des souvenirs refassent surface dans ce genre de cas.
Je ne peux m'empêcher de penser aux révélations sur mes vrais parents avant de vite mettre cet épisode de côté. Malheureusement, Annie a capté mon changement d'attitude et son sourire s'agrandit davantage.
-Tu as donc bien appris quelque chose. Et si j'en crois l'expression des gens derrière toi, tu ne leur a rien dit.
-Ce sont des souvenirs personnels, sifflé-je en serrant les poings.
-Vraiment ? Ils sont peut-être personnels pour toi, mais ils peuvent donner de précieuses informations aux autres, tu ne crois pas ?
J'attrape les barreaux de la cellule et les serre à m'en faire blanchir les articulations. Je comprends à présent ce qu'elle essaie de faire : elle veut me faire passer pour une traître, pour une personne qui a quelque chose à cacher afin que mes supérieurs m'interrogent, si possible juste devant elle. Levi pose une main ferme sur mon épaule et je ferme les yeux, les lèvres pincées. Puis je m'éloigne doucement, non sans continuer de fusiller Annie du regard.
-Je règlerai ton compte dès que j'en aurais l'occasion, lui lancé-je.
Tandis que je commence à m'éloigner, j'entends Annie répondre :
-Je t'attends avec impatience.
*****
Dernier jour pour gagner mon pari contre Erwin, et je ne suis pas plus avancée qu'au premier jour, si ce n'est que j'arrive à garantir ma guérison. Demain, je vais devoir montrer à Erwin et Hanji que je peux empêcher mon corps de guérir si je le souhaite.
Je fixe le bout de mon doigt, frustrée. La petite coupure se referme lentement et je soupire avec agacement. Au bout du dixième essai, je pose le couteau sur la table avec fracas et pousse un grand râle contrarié en levant les mains au ciel. Je me lève, fais quelques pas en fixant mon ventre.
-Vraiment, tu ne peux pas me laisser faire ce que je veux, non ? Soigne-moi si tu estimes que la blessure est grave, mais là ce n'est qu'une coupure minuscule, nom d'un Titan Femelle ! Et puis merde enfin, c'est mon corps, pas le tien ! Enfin, techniquement parlant, c'est aussi le tien, mais je tiens à te dire qu'ici, c'est toi l'intrus, alors tu n'as aucun droit sur mon corps. Alors maintenant, tu me laisse faire et tu restes bien tranquille dans ton coin jusqu'à ce que je t'appelle, compris ?
Je me sens terriblement stupide à parler à mon ventre ainsi, mais aussi stupide que ce soit, ce petit monologue me soulage.
J'entends un pouffement et tourne la tête vers la porte pour voir Levi, une main devant la bouche et les yeux fermés pour cacher la lueur hilare qui y brille.
-Quoi ? fais-je, contrariée.
Levi ne répond pas, trop occupé à reprendre son sérieux habituel. Je peux pourtant voir l'ombre d'un sourire rester sur ses lèvres.
-Tu sembles désespérée, gamine.
-Non, sans rire ? Erwin n'attend qu'une chose, c'est que je lui prouve que je ne suis pas capable de maîtriser mes pouvoirs pour pouvoir m'écarter des prochains combats. Je vais me ridiculiser devant un supérieur après lui avoir assuré que j'y arriverais, alors oui, je suis un peu désespérée.
Levi s'approche, retenant encore un sourire, et prend le couteau encore posé sur la table. Puis il tend la main vers moi. Je la regarde puis croise le regard de Levi qui commence à s'impatienter.
-Ta main, gamine. Donne-moi ta main.
Je m'exécute, ne voyant pas où il veut en venir, jusqu'à ce qu'il me passe la lame du couteau sur le bout de l'index. Je pousse un glapissement de douleur et essaie de me dégager, mais Levi maintient sa prise, les yeux rivés sur la coupure.
Je prends conscience que quelque chose est différent quand la douleur persiste. Je baisse les yeux sur mon doigt avec espoir. La coupure est toujours là, un filet de sang rougissant mon index. Je sens un sourire pointer sur mes lèvres et effleure du pouce la coupure encore nette.
-Je pense que ton petit discours a fait son effet, dit Levi en me lâchant.
Je continue de fixer le bout de mon index avant de pousser une petite exclamation de joie.
-Ah ! Vous voyez ça ! Ça ne se soigne pas ! La coupure ne se referme pas ! C'est incroyable n'est-ce pas ? J'avais presque oublié ce que ça faisait d'avoir mal sur le long terme, vous savez, pas juste pendant quelques secondes avant que votre blessure ne commence à cicatriser, mais mal comme un être humain normal ! J'ai hâte de voir la tête d'Erwin, je suis certaine qu'il ne va pas s'y attendre et qu'il va être contrarié d'avoir perdu un pari contre une morveuse.
Je continue de déblatérer inutilement pendant une bonne minute avant de m'interrompre, choquée de voir Levi sourire.
-Caporal... Vous souriez ?
Levi masque sa bouche avec une main, le regard fuyant. J'ouvre des yeux ronds avant de rire.
-Vous souriez vraiment ! Je ne savais même pas que c'était possible ! Un vrai sourire, un sourire sincère, oh nom de...
-Ferme-la gamine.
-Ah, mais si je raconte ça aux autres ils ne me croiront pas... Vous savez ce que devrait inventer Hanji ? Un espèce d'appareil qui capture les images en temps réel ! J'aurais pu montrer cette image à tout le monde, ç'aurait fait une preuve irréfutable...
-Lise...
-Malheureusement, il va falloir attendre un peu avant de voir un tel appareil exister. Quoiqu'il en soit, je vais quand même raconter ça à tout le monde, je suis certaine qu'Armin, Mikasa et Eren me croiront au moins...
Levi plaque une main contre ma bouche, étouffant mon flot de parole, et soupire longuement, soulagé du silence soudain.
-Bordel de merde, je croyais voir Hanji, souffle-t-il.
-Mmmmff !
-Ecoute-moi bien, gamine. Premièrement, il m'arrive de sourire, alors n'en fait pas une affaire d'état. Je ne suis pas comme vous autres, merdeux, qui riez de tout et n'importe quoi sans aucune raison avec n'importe qui. Je ne souris qu'avec les gens que j'apprécie sincèrement et uniquement quand je trouve la situation réellement comique. Deuxièmement, tu racontes ça à qui que ce soit je me charge personnellement de ton cas, suis-je bien clair ?
J'essaie d'ignorer la soudaine chaleur qui me monte aux joues et hoche la tête sans quitter Levi des yeux, mon regard accroché au sien. Finalement, il semble réaliser pleinement ce qu'il a dit et s'éloigne d'un pas. Nous restons silencieux un instant, puis Levi s'éclaircit la gorge.
-Bien, il est temps d'aller au lit, gamine. Tu as largement dépassé le couvre-feu.
J'acquiesce et commence à marcher vers la porte. Je m'apprête à saisir la poignée quand j'arrête mon geste, prise d'une soudaine envie de narguer Levi avant de partir. Je me tourne lentement pour le trouver en train de me fixer.
-Vous ne m'embrasser pas sur le front ce soir, Caporal ?
Levi écarquille les yeux puis enlève sa botte pour me la lancer à la figure. Je l'évite avec un petit rire et sort rapidement de la pièce. Avant de fermer la porte, je l'entends dire :
-Ne pousse pas ta chance, sale emmerdeuse !
*****
Je me tiens face à Erwin, un grand sourire satisfait éclairant mon visage. Ma main est tendue devant moi, mon pouce saignant abondamment. Au bout d'une minute, alors que le sang commence à tâcher le sol, Erwin soupire, vaincu.
-Très bien, j'ai perdu mon pari. Je ne t'écarterai d'aucune mission.
Je garde suffisamment de contenance pour ne pas pousser un grand cri victorieux, mais mon sourire s'élargit. Hanji s'approche et désinfecte ma plaie avant de la bander.
-Bien joué, Lise ! dit-elle tout en s'occupant de mon pouce. Je ne pensais pas vivre assez longtemps pour voir Erwin perdre un jour un pari, tu m'as comblée. J'espère juste qu'il ne t'en tiendra pas rigueur, ajoute-t-elle plus bas.
J'étouffe un rire devant son regard faussement inquiet et admire le pansement qui entoure désormais mon pouce. Je ne pensais pas pouvoir être aussi heureuse d'avoir un doigt bandé.
Alors que je savoure ma victoire, un soldat entre en trombe dans la pièce et se rue vers Erwin pour lui murmurer quelque chose à l'oreille. Le visage de l'homme blond se contracte d'un seul coup, ses yeux bleus luisant soudainement de colère et de contrariété.
-Comment est-ce possible ?
-Nous l'ignorons, Monsieur, répond précipitamment le soldat. Mais nous avons suivi les procédures mises en place pour ce genre de situation. Le soldat Jaeger a été mis sous étroite surveillance et nous avons déployé le quart des troupes pour démarrer les recherches.
-Parfait. Vous pouvez disposer.
-Monsieur... ce n'est pas tout...
Erwin lui fait signe de continuer, impatient. Le soldat semble alors tout juste remarquer notre présence. Lorsque nos regards se croisent, il écarquille les yeux.
-Vous devriez retourner dans votre chambre, soldate, dit-il poliment. Votre garde vous y attend.
Je fronce les sourcils. Un poids me tombe dans l'estomac quand je comprends la situation.
-C'est Annie ? Elle s'est échappée ?
-Exact.
J'avance vers le soldat, fébrile.
-Laissez-moi deviner. Elle nous menace. Elle vous a dit quelque chose à propos d'Eren ou de moi, disant certainement que si on ne nous livre pas ils ouvriront une brèche dans le Mur et détruiront tout ce qu'ils pourront. C'est ça ?
Je devine à la tête ahurie du soldat que j'ai vu juste. Je serre les dents et peste intérieurement. Voilà pourquoi Annie était si calme aux cachots ! Elle avait déjà tout préparé.
-Erwin, il faut se préparer à contre-attaquer, intervient Levi qui était resté silencieux jusque-là.
-Contre-attaquer ? répété-je en le regardant. Vous n'y pensez pas ! Annie s'est échappé, on ne sait pas si elle est toujours entre les Murs ou non, sans compter qu'il y a Bertolt et Reiner qui...
Je m'interromps brusquement en réalisant ce que je viens de dire. Je vois avec horreur Levi et Erwin plisser les yeux.
-Qu'est-ce que ces deux-là viennent faire dans l'histoire ? demande durement Levi.
Je reste muette, sachant qu'il a parfaitement compris ce que je m'apprêtais à dire. Je ferme les yeux et prends une profonde inspiration. Inutile de tout leur cacher. Les Murs et leurs protégés sont déjà en danger. Reiner et Bertolt avaient certainement prévu d'agir ainsi, de sacrifier leur couverture pour ce moment. Ils savaient qu'à partir de ce moment, j'allais les vendre. A l'heure qu'il est, ils sont certainement déjà loin, probablement avec Annie, en train de se préparer à tous nous tuer.
Je raconte honteusement tout ce que je sais. J'explique également pourquoi je me suis tue, espérant qu'ils comprennent les raisons de mon mutisme. Quand j'ose lever les yeux, Levi me fusille du regard et Erwin me considère froidement. Je frémis et reporte mon attention sur le bout de mes bottes, attendant que la tempête me frappe.
-Parlons de ces détails plus tard, dit alors Hanji. Pour le moment, nous avons plus urgent.
Je lui lance un regard plein de reconnaissance et elle me répond par un clin d'œil qui n'échappe pas à Erwin.
-Très bien. Soldat, raccompagnez Lise. Levi, Hanji, suivez-moi.
-Attendez, le retiens-je. Vous n'allez pas sérieusement vous battre contre eux ?
-Nous n'allons pas vous livrer, réplique Erwin.
Quand il se tourne vers moi, je frissonne en voyant ses prunelles se durcir.
-Cette fois-ci, l'Humanité va mener l'attaque.
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Bondour les coupaaaaains !
Bon, plusieurs choses à vous dire aujourd'hui.
Oui, le chapitre est sorti en avance, z'avez vuuu ? Incroyable, n'est-il pas ? Bon, oui, il est court, je le conçois, MAIS les prochains seront plus longs. C'est une promesse. Ils seront longs, ça va bouger, ça va péter, ça va saigner, ça va swingeeeer yahoooo !
Ahem, et comme je pars en Espagne la semaine (oui, début du stage en vue), je vais certainement prendre du retard dans l'écriture de l'histoire. Vous inquiétez pas, je vais tout faire pour poster au moins un chapitre par semaine comme je l'ai fait jusqu'ici, mais ne m'en veuillez pas si je n'y arrive pas, je vais avoir beaucoup de chose à faire. Sinon, vous pouvez prier pour que je poste encore un ou deux chapitre d'ici mon départ 8D
Autre chose : vu que cette histoire va bientôt se terminer (disons que j'estime que dans deux ou trois chapitres ce sera bouclé), je vais me lancer dans l'écriture d'une nouvelle fiction. Oui, je me suis enfin décidée ! Je garde encore le suspense, mais sachez qu'il y aura encore du SNK ! Et pour vous faire mariner un peu, voici le titre de la prochaine fic : "Double Je". Voilà. Je ne vous en dis pas plus, ce sera la surfruise de l'été !
Sinon, bon courage à tous ceux qui sont en plein examen/révision, je compatis fortement (*tousse*etrigoleallègrement*tousse*).
~Faelyg