Je me suis réjouie trop vite à l'idée de prendre une douche. En réalité, il n'y a rien de tel ici. J'aurais dû m'en douter. La seule source d'eau est une rivière en contre-bas du camp et c'est là que Zeïn m'a amenée pour prendre une « douche ».
Heureusement, à cette heure-ci, il n'y a personne. Tout le monde est en train de prendre son repas et le seul spectateur de mon regard mauvais est Zeïn. J'enlève ma tenue trempée de sueur et pénètre dans l'eau en gardant mes sous-vêtements. En d'autres circonstances, la nudité ne m'aurait pas gênée. Ici, pourtant, quelque chose m'arrête. Peut-être l'idée que Kaylan risque d'apparaître à tout moment, ou simplement le fait que dans cet espace, mon corps n'a plus le même pouvoir qu'auparavant.
Je m'immerge dans l'eau sans réfléchir. Elle est plus chaude que je ne le pensais. En même temps, vu la chaleur qui règne depuis de longs jours, c'était assez logique.
Assis sur la berge, pieds dans la rivière, Zeïn m'observe en silence. J'attrape l'eau dans mes mains en coupe et la laisse s'écouler lentement en écartant les doigts. Elle forme de légères ondulations en s'écrasant à la surface du ruisseau.
— Aaliyah ?
Je relève la tête, l'eau ruisselant encore de mes cheveux.
— Tu ne devrais pas trop traîner. Il ne va rien rester à manger, sinon.
Je hoche la tête et me replonge entièrement dans l'eau. Je retiens ma respiration le temps de frotter mon corps pour en faire partir toute la poussière, puis expire de larges bulles d'air qui remontent exploser à la surface. Enfin propre, je sors de l'eau et essore mes cheveux pour essayer de ne pas en mettre partout.
Zeïn me regarde faire, comme s'il pouvait deviner toutes mes pensées rien qu'en m'admirant essayer de sécher au soleil.
Heureusement, avec la chaleur qui règne, l'humidité s'évapore rapidement et je me rhabille avec les affaires que Zeïn me tend.
— Vous avez réussi à trouver d'autres affaires qui me vont ? je demande, surprise.
Zeïn hoche la tête et je tire sur le short couleur sable qui me couvre, pour tenter de l'ajuster au mieux.
— Sayna a retenu tes mensurations et elle est resté debout toute la nuit pour que tu aies autre chose à te mettre.
— Oh.
C'est tout ce que je trouve à répondre. Je ne comprends pas pourquoi elle a fait ça et j'ai peur qu'elle ne s'imagine que je vais rester ici encore longtemps.
— Tu devrais aller la remercier, elle adore le raisin.
Le lien entre ces deux propositions n'est pas évident, mais je saisis vite pourquoi il m'a dit ça et je note dans un coin de ma tête de passer voir Sayna après avoir mangé.
Zeïn passe devant moi et je le suis jusqu'au réfectoire, qui se vide par vagues à mesure que nous arrivons. J'attrape une assiette et la remplie jusqu'à ce qu'elle déborde, sous le regard amusé de Zeïn. Nous rejoignons ensuite Sûm et ses deux autres compagnons : Sohan et Sierra.
Zeïn me les a présentés sur le chemin, expliquant par la même occasion qu'ils sont jumeaux, même si le frère et la sœur sont très différents physiquement. Sohan, grand et fin, a des cheveux trop rouges pour que ce soit une couleur naturelle. Les traits de son visage sont tirés vers l'arrière, comme s'il avait déjà trop souri. Sierra, quant à elle, a une carrure musclée plutôt impressionnante et sa chevelure dorée trahi de longues heures d'entraînement au soleil. Sa beau est rougie par les rayons lumineux de l'astre et son regard fermé suppose une concentration de tous les instants.
Au moment où je m'assois parmi eux, le regard de Sûm dévie sur moi. Un millier de choses semble passer dans ses pupilles, mais je suis incapable d'en saisir une seule, trop épuisée par mon entraînement. Autour de moi, le groupe de quatre amis s'en donne à cœur joie, mais je suis incapable de m'accrocher à une seule de leur discussion.
Les noms qui s'échappent de leurs bouches me sont inconnus, les lieux dont ils parlent n'évoquent en moi aucune image à laquelle me raccrocher. Les minutes s'écoulent, pendant lesquelles un malaise enfle en moi sans s'arrêter. Sûm et Zeïn ont bien essayé de m'intégrer à leurs rires, mais je n'ai pas été très réceptive.
Au moment où je m'apprête à me lever, incapable de supporter plus longtemps ce sentiment de solitude trop fort, Kaylan se poste à côté de moi :
— Je peux vous l'emprunter un moment ?
Encore une fois, il semble arriver pile au bon moment. Sûm tourne la tête vers son frère et les deux se dévisagent un instant avant que Sûm ne réponde d'un hochement de tête.
Kaylan se penche vers moi et semble faire l'effort d'afficher un léger sourire.
— Me ferez-vous le plaisir de vous joindre à moi un moment ?
Je le vois hésiter à tendre la main pour me la proposer, alors je me lève afin de nous éviter à tous deux une gêne supplémentaire.
— Seulement si tu me promets de ne pas tenter de me tuer une nouvelle fois.
Derrière nous la discussion à repris de plus belle et je suis prête à jurer que c'est pour cette raison que Kaylan s'autorise un vrai sourire à ma réplique.
— Promis.
Il se redresse à côté de moi et se cale sur mon pas alors que nous quittons le réfectoire.
— Où allons-nous ?
Son regard glisse sur moi. Il se tient toujours aussi droit, comme s'il ne pouvait pas s'autoriser à flancher, ne serait-ce qu'un instant.
— À vrai dire, je n'en ai aucune idée. Je voulais me faire pardonner pour ce matin. Vous abandonner seule plusieurs heures sur un champ d'entraînement, même au milieu du camp et en vous sachant en sécurité, ce n'est pas digne de moi.
Je ne peux m'empêcher de ricaner.
— Ben voyons. Parce que maintenant tu crois que j'ai besoin d'un garde du corps ?
Je m'arrête et le fixe sans ciller.
— Tu crois sincèrement que j'ai survécu jusqu'ici en ayant toujours une ombre derrière moi ? Certainement pas. Je ne sais peut-être pas me battre avec une arme, mais j'ai appris à me battre d'une façon bien différente. Ne pas savoir esquiver un coup de bouclier ne fait pas de moi une femme faible, ni une femme sur le chemin de laquelle tu devrais toujours placer un homme.
Il garde le silence, son regard fixé sur moi. À mesure que mes mots l'atteignent, son visage change tout à fait d'expression. Si j'osais, je pourrais presque penser qu'il exprime de l'admiration. Mais il détourne la tête et le contact se rompt, me laissant un étrange sentiment d'inachevé.
— Vous avez raison. Je ne sais rien de vous. Vous êtes sans doute bien différente que ce que je peux penser et je ne suis pas assez stupide pour vous croire sans défense. Veuillez me pardonner.
Je ne pensais pas Kaylan du genre à s'excuser. J'ai eu tort. Ses paroles sont sincères, je le sens au ton de sa voix. Il n'ira probablement pas présenter ses excuses à la moindre occasion, mais il sait reconnaître ses torts et je dois bien lui accorder ça.
Je hausse les épaules en réponse et dévie la conversation :
— Donc, où allons-nous ?
Kaylan me jette un coup d'œil rapide, comme pour s'assurer que je ne vais pas fuir après notre précédent échange.
— Y-a-t'il un endroit particulier où vous aimeriez aller ?
Je réfléchis un instant. Un endroit particulier où j'aimerais aller ? Pas vraiment, en tout cas aucun qui me vienne tout de suite. Nous continuons de marcher côte à côte tandis que je me creuse les méninges.
J'ai longtemps rêvé de visiter mille endroits et de parcourir le monde. Cependant, je ne pense pas que ce soit ce que Kaylan entende par là.
Puis, alors que je viens à bout de mes derniers neurones, la réponse fuse d'elle-même :
— Montre-moi ton endroit préféré du camp.
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Et pour vos beaux yeux ce weekend, rien de tel qu'une petite discussion sympathique entre Aaliyah et Kaylan... enfin, attendez quand même la semaine prochaine pour vous réjouir, parce que c'est là que ça va envoyer du lourd !
La bise ✨